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13/02/2024 | FRANCE | N°23NT00944

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 13 février 2024, 23NT00944


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son conjoint, ainsi que la décision du 28 janvier 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 7 novembre 2019.



Par un jugement n° 2002425 du 30 novembre 2022, le tribunal admi

nistratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son conjoint, ainsi que la décision du 28 janvier 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 7 novembre 2019.

Par un jugement n° 2002425 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, Mme A... B... épouse D..., représentée par Me Benveniste, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son conjoint, ensemble la décision du 28 janvier 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 7 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et de l'Outre-mer de faire droit à sa demande de regroupement familial en faveur de son conjoint sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la décision à intervenir ; à défaut, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et de l'Outre-mer de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de

1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas sollicité l'avis du maire de sa commune de résidence en méconnaissance des dispositions de l'article

L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la circulaire NOR/D/05/00094/C précise que la procédure de consultation du maire s'applique également aux ressortissants algériens ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'autorité administrative n'a pris en considération que l'absence de ressource pour fonder sa décision sans prendre en compte sa situation personnelle et notamment sa situation de handicap ;

- elle dispose de ressources stables et suffisantes ; elle ne perçoit pas l'allocation adulte handicapé à laquelle elle a pourtant droit et qui la dispenserait de toute condition de ressources pour obtenir le regroupement familial sollicité ; la décision méconnait donc l'article 4 de l'accord franco-algérien ;

- la décision méconnaît les stipulations des article 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'en imposant à la requérante un montant minimum de ressources pour ouvrir son droit au regroupement familial, alors même que sa situation de handicap a été reconnue par la MDPH, les décisions attaquées portent atteinte de manière disproportionnée et discriminatoire à sa vie privée et familiale ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a pour conséquence de la séparer durablement de son mari et porte une atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale ; elle a besoin du soutien de son mari pour l'accompagner dans son suivi médical et que celui-ci lui apportera, ainsi qu'à sa fille de neuf ans, un soutien matériel notamment en exerçant une activité de peintre en bâtiment en France.

Par un mémoire en défense en date du 23 novembre 2023, le préfet de la Loire Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme D... n'est fondé.

La Défenseure des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté des observations, enregistrées le 18 janvier 2024.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville, rapporteur ;

- et les observations de Me Benveniste représentant Mme B... épouse D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse D..., ressortissante algérienne, s'est mariée le 27 février 2019 avec M. C... D..., de nationalité algérienne et a sollicité le 1er avril 2019 auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le bénéfice du regroupement familial pour son époux. Par décision du 7 novembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à sa demande. Elle a formé un recours gracieux qui a été rejeté le 28 janvier 2020. Elle a saisi le tribunal administratif qui, par jugement du 30 novembre 2022 a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions des 7 novembre 2019 et 28 janvier 2020. Mme B... épouse D... demande à la cour d'annuler ce jugement.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " l'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. Le maire, saisi par l'autorité administrative, peut émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l'article L. 411-5. Cet avis est réputé rendu à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative. ". En l'espèce, il ressort du relevé d'enquête établi par l'OFII le 23 juillet 2019 que le maire de la commune de résidence a rendu un avis favorable implicite. Le moyen tiré du vice de procédure manque en fait et doit par conséquent être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité administrative se serait senti liée par le critère relatif aux ressources de l'intéressée pour rejeter la demande de délivrance d'une autorisation de regroupement familial alors qu'il ressort des termes mêmes de la décision du 7 novembre 2019 que l'ensemble des éléments de son dossier a été pris en compte et, de la décision du 28 janvier 2020, que sa situation familiale a bien été prise en compte et ne permet pas de faire droit à sa demande

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ".

5. Mme B... épouse D... soutient que ses ressources au cours de la période de référence, étaient constituées par une pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie depuis le 1er avril 2017, d'une aide au retour à l'emploi et d'une rente mensuelle versée par la compagnie AXA. Elle précise qu'elle n'est plus bénéficiaire depuis le mois de septembre 2019 de l'aide au retour à l'emploi mais perçoit depuis lors l'allocation de solidarité spécifique, lui permettant d'atteindre un montant de ressources mensuelles d'environ 1300 euros, auquel s'ajoute le versement des aides personnalisées au logement pour un montant de 330 euros mensuels. Elle précise enfin que ses ressources sont stables. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les ressources de la requérante, pour la période de référence d'avril 2018 à mars 2019, soit dans les douze précédant sa demande de regroupement familial, s'élevaient à 1004,10 euros bruts mensuels, somme inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance au 1er janvier 2019, qui s'élevait à 1 521,22 euros brut. Par ailleurs, si la requérante met en avant la stabilité de ses ressources, il ressort des pièces du dossier que l'allocation de retour à l'emploi ne lui a plus été versé à compter du mois d'octobre 2019. En outre, l'allocation de solidarité spécifique et l'aide personnalisée au logement ne peuvent être prises en compte pour apprécier son niveau de revenu. Dans ces conditions, Mme B... épouse D... ne justifie pas avoir disposé des ressources suffisantes durant la période de référence.

6. Si l'appelante fait encore valoir qu'elle a refusé de percevoir l'allocation adulte handicapé à laquelle elle avait pourtant droit et qui lui aurait permis d'être dispensée de satisfaire à la condition de ressources dans le cadre de sa demande de regroupement familial, cette argumentation n'est pas de nature à la faire regarder comme remplissant les conditions de ressources durant la période de référence.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".

8. Mme B... épouse D... soutient qu'elle est reconnue handicapée avec un taux d'incapacité entre 50 et 75% par la maison départementale des personnes handicapées, qu'elle ne peut exercer une activité professionnelle en raison de ses contraintes de santé et qu'elle vit séparée depuis plusieurs années de son époux alors que des médecins ont pu attester la nécessité pour elle de vivre avec son époux sur le territoire français, tant d'un point de vue psychologique que matériel. Cependant, les deux certificats médicaux du 14 février et du 14 mars 2019 qu'elle produit ne suffisent pas à établir que la présence en France de M. D... serait indispensable eu égard à son état de santé. Si elle fait valoir que la décision attaquée l'empêche de mener une vie privée et familiale normale, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ne pourra pas rendre visite à son époux en Algérie, ni qu'il soit impossible pour son époux de venir lui rendre visite en France alors qu'il n'est pas contesté qu'ils vivent séparés depuis leur mariage. Dans ces conditions, Mme B... épouse D... n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision attaquée, le préfet aurait méconnu les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait commis une erreur d'appréciation de la situation, de Mme B... épouse D....

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Mme B... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié, à Mme A... B... épouse D..., au défenseur des droits et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELa président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0094402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00944
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BENVENISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23nt00944 ?
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