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09/02/2024 | FRANCE | N°22NT02870

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 09 février 2024, 22NT02870


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 août 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet du Morbihan du 19 décembre 2017 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et a confirmé cet ajournement.



Par un jugement n°1905272 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 août 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet du Morbihan du 19 décembre 2017 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et a confirmé cet ajournement.

Par un jugement n°1905272 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 21 août 2018 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le ministre ne pouvait, sans méconnaître la réhabilitation légale de l'article 133-13-1° du code pénal dont elle a bénéficié, se fonder sur les deux procédures pénales dont elle a fait l'objet en 2008 et 2014 qui n'apparaissent plus sur son casier judiciaire ;

- les faits reprochés de 2008 sont anciens ; les faits reprochés de 2014 ont fait l'objet d'un classement sans suite après un simple rappel à la loi, dont la prise en compte conduit à la méconnaissance de la présomption d'innocence dès lors qu'il constitue une simple mesure unilatérale n'émanant pas d'une autorité judiciaire et n'emportant pas par lui-même preuve du fait imputé à un auteur et de sa culpabilité ; le rappel à la loi n'est prononcé en outre que s'agissant de faits présentant une faible gravité ; les faits reprochés de 2014 ont fait l'objet d'un effacement du fichier de traitement des antécédents judiciaires par décision du 4 mars 2019 de la présidente de la chambre d'instruction de Rennes ;

- la décision contestée est disproportionnée dans ses conséquences au regard de sa situation personnelle, caractérisée par sa bonne intégration ainsi que celle de ses enfants, tous scolarisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante ne peut utilement contester la légalité du motif de la décision contestée reposant sur la procédure pénale de 2008 dès lors qu'il a reconnu en première instance que leur matérialité n'était pas établie et qu'une neutralisation de ce motif a été sollicitée ;

- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif formé contre la décision du préfet du Morbihan du 19 décembre 2017 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et a confirmé cet ajournement. Mme C... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement général du postulant.

3. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme C..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que cette dernière a fait l'objet d'une procédure pénale n° 2008-119 pour vol à l'étalage en réunion le 12 janvier 2008 à Vannes et d'une procédure pénale n° 2014-002651 pour vol en réunion le 21 juillet 2014 dans cette même ville, qui a donné lieu à un rappel à la loi.

4. En premier lieu, les faits de vol à l'étalage en réunion, objet de la procédure pénale n° 2008-119, ne sont pas établis ainsi que le ministre l'admet lui-même dans ses écritures.

5. En second lieu, la requérante ne conteste pas la matérialité des faits de vol en réunion du 5 août 2014 qui ont fait l'objet d'un rappel à loi. Ces faits ne sont pas anciens et présentent un caractère non dénué de gravité, alors même que Mme C... n'a pas été condamnée dans le cadre de cette procédure. Il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ces seuls faits. Par suite, eu égard à son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la nationalité française, le ministre a pu sans entacher sa décision d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation, ni méconnaître le principe de la présomption d'innocence, ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par Mme C....

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02870
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;22nt02870 ?
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