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09/02/2024 | FRANCE | N°22NT01691

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 09 février 2024, 22NT01691


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet de l'Isère rejetant sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 1904212 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 17 juillet 2019 du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation

de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.



Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet de l'Isère rejetant sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1904212 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 17 juillet 2019 du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que :

- la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le loyalisme du postulant à l'égard de la France n'est pas garanti ; les faits reprochés sont établis par une note blanche particulièrement circonstanciée dont le contenu n'est pas sérieusement contesté par M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, M. D... B..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par le ministre chargé des naturalisations n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision du 17 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de naturalisation de l'intéressé et a enjoint au ministre chargé des naturalisations de réexaminer la demande de naturalisation de ce dernier dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article

21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ".

3. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que les renseignements de tous ordres recueillis sur son loyalisme.

4. Pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que, lors de l'entretien avec les services spécialisés de sécurité organisé dans le cadre de sa demande de naturalisation, le postulant a reconnu entretenir des liens avec les services de renseignements (ANO)tunisiens(/ANO).

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'une note blanche n° 16527 du 25 octobre 2019 émanant de la direction générale de la sécurité intérieure, qu'en 2009, après avoir été chargé de créer le site internet du consulat général de ..., M. A..., ingénieur en informatique, s'est vu confier la mission de surveiller sur le port de ..., les personnes embarquant à destination de la ... afin de signaler aux autorités de ce pays celles présentant des signes de radicalisation ou susceptibles, tels les opposants au régime, de nuire à l'autorité ou à l'image du gouvernement. Il ressort des mentions de cette note blanche, non contredites sur ce point par M. A..., que ces informations étaient ensuite communiquées à la personne qui l'avait recruté pour la création du site internet. Il ressort de cette même note que, la même année, M. A... s'est vu confier par M. C..., alors chargé des fonctions d'..., au consulat général de ... à ..., avec deux autres informaticiens qui lui ont été adjoints, une officine chargée de surveiller les réseaux sociaux pendant la campagne présidentielle (ANO)tunisienne(/ANO), de traquer les commentaires et publications défavorables aux dirigeants en place, et de diffuser des messages élogieux à l'égard de ces derniers, au moyen de profils factices. Si M. A... a indiqué n'avoir jamais travaillé pour les services de renseignements (ANO)tunisiens(/ANO), et s'il conteste le contenu de la note blanche, il ressort des mentions très précises et circonstanciées qu'elle comporte que les faits qui y sont relatés résultent des déclarations de l'intéressé lui-même. Les explications que M. A... a ensuite apportées, selon lesquelles il ignorait, au moment où il l'a accomplie, l'objet de la mission de surveillance en cause, ainsi que l'appartenance aux services de renseignements (ANO)tunisiens(/ANO) des personnes qui la lui ont confiée, ne sont pas convaincantes au regard des précisions qu'il a

lui-même données au sujet de ces faits, lors de l'entretien avec les services français, ainsi que des autres missions qu'il reconnaît avoir accomplies au profit de M. C..., devenu plus tard consul général de ... à .... Ces explications entrent aussi en contradiction avec ses affirmations selon lesquelles il aurait agi par crainte d'être considéré comme un opposant politique et de voir sa famille, restée en ..., exposée à des représailles. Les missions ainsi effectuées par M. A... en 2009 au profit d'agents d'un Etat étranger ne sont pas compatibles avec l'allégeance à la France. Dans ces conditions, et à supposer même que M. A... aurait collaboré ensuite avec les services de renseignement français, le ministre de l'intérieur, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, a pu sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, estimer que le loyalisme de M. A... à l'égard de la France n'était pas garanti et rejeter, pour ce motif, sa demande de naturalisation. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision du ministre de l'intérieur du 17 juillet 2019, sur ce que celle-ci était entachée d'une telle erreur.

6. Aucun autre moyen, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, n'a été invoqué par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ou devant la cour.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision du 17 juillet 2019 portant rejet de la demande de naturalisation présentée par l'intéressé.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... :

8. Le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Nantes annulant la décision du 17 juillet 2019 du ministre de l'intérieur, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ainsi que celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01691
Date de la décision : 09/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-09;22nt01691 ?
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