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06/02/2024 | FRANCE | N°22NT02911

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 février 2024, 22NT02911


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme B... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 1er septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 mai 2021 de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) refusant de délivrer à M. A... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de français.



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ar un jugement n° 2112085 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 1er septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 mai 2021 de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) refusant de délivrer à M. A... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de français.

Par un jugement n° 2112085 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 septembre et 3 octobre 2022, M. C... A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 1er septembre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- il appartient au ministre de rapporter la preuve de l'absence d'intention matrimoniale et du caractère complaisant de l'union alors que l'intention matrimoniale du couple est réelle et sincère ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 8 janvier 1968, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de français auprès de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 12 mai 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 1er septembre 2021. M. et Mme A... ont alors saisi le tribunal administratif de Nantes. M. A... relève appel du jugement de ce tribunal du 16 mai 2022 rejetant sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Fès, sur la circonstance que le mariage de M. et Mme A... a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale.

3. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ".

4. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.

5. Il ressort des nombreuses attestations produites par M. A... que celui-ci entretient, depuis plusieurs années, une relation amoureuse avec Mme D..., une ressortissante française née en 1973, qu'il a épousée le 28 juin 2019 au Maroc. Si au cours de la procédure précédant la décision d'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 28 novembre 2017, il a indiqué être célibataire, il a toutefois indiqué résider chez Mme D... qu'il a décrite comme une amie. En outre, M. A... justifie par les pièces qu'il produit de ce que les époux ont poursuivi depuis leur mariage leur relation par des échanges téléphoniques et par messagerie électronique de manière très fréquente. Au surplus, l'épouse de M. A... justifie s'être rendue au Maroc au mois d'août 2022 afin de lui rendre visite ainsi qu'en attestent notamment les factures et photographies produites. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux du mariage de M. A.... Dans ces conditions, en se fondant sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, elle a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il résulte des dispositions des articles 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, codifiée à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la même loi, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. Mais, l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

9. D'une part, M. A..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2112085 du 16 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 1er septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour M. A... en qualité de conjoint d'une ressortissante française est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bautes.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère .

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président de la formation

de jugement,

C. RIVASLe rapporteur,

La présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02911
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BAUTES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22nt02911 ?
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