La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2024 | FRANCE | N°22NT02208

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 février 2024, 22NT02208


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 3 juin 2019 de l'autorité consulaire française en Guinée refusant de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour au titre du regroupement familial.



Par un jugement n° 2107906 du 31

janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 3 juin 2019 de l'autorité consulaire française en Guinée refusant de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2107906 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2022 et 22 juin 2023, Mme C... A... et M. B... A..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 28 octobre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pollono, leur avocate, de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée n'a pas été précédée d'un examen particulier des éléments de possession d'état produits ;

- elle est entachée d'une erreur matérielle de fait ; Mme A... n'a pas obtenu le statut de réfugié ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du lien familial, lequel est établi par les actes d'état civil produits et par des éléments de possession d'état ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne respecte pas les articles 9-1 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- et les observations de Me Pollono, représentant Mme A... et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... A... et de M. B... A... tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. B... A... un visa de long séjour au titre du regroupement familial. Mme C... A... et M. B... A... relèvent appel de ce jugement.

2. La décision contestée est fondée sur la circonstance qu'après vérification auprès des autorités locales compétentes, celles-ci ont indiqué que l'acte de naissance n° 21/2003 correspond à une tierce personne, sur ce que le passeport du demandeur a été établi en référence à un acte de naissance différent et sur ce que la production de tels documents relève d'une intention frauduleuse et ne permet pas d'établir l'identité du demandeur et, partant, son lien familial allégué avec la regroupante.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ".

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. D'une part, Mme C... A..., ressortissante guinéenne née le 24 décembre 1987, est entrée irrégulièrement en France en 2005. Elle a obtenu une carte de résident et une autorisation de regroupement familial pour M. B... A..., né le 26 mars 2003, présenté comme son fils. Il ressort des pièces du dossier qu'a été produit à l'appui de la demande de visa de M. A... le volet n° 1 d'un acte de naissance n° 2003/21 dressé le 10 avril 2003 par le service d'état civil de Matam (Guinée). L'autorité consulaire française en Guinée a procédé à une levée d'acte laquelle a révélé que cet acte de naissance a été dressé le 10 février 2003 et appartient à une tierce personne. L'attestation d'authenticité établie le 21 août 2020 et les courriers des 3 juin 2021 et 9 juin 2023 de l'officier de l'état civil de Matam produits par M. A... ne sauraient à eux seuls remettre en cause les résultats de la procédure de levée d'acte alors qu'ils confirment l'existence d'au moins deux registres pour la commune de Matam, portant les mêmes numéros pour la même année Il n'est en outre pas précisé sur les documents s'ils émanent d'un centre principal ou d'un centre secondaire de la même commune. Cette circonstance permet d'établir le caractère irrégulier de l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa de M. A.... Au surplus, les onzième, douzième et treizième chiffres du numéro personnel inscrits sur le passeport du demandeur ne correspondent pas au numéro d'acte de naissance produit par l'intéressé à l'appui de sa demande de visa. Dans ces conditions, les éléments d'état-civil présents au dossier sont dépourvus de la force probante nécessaire afin d'établir l'identité du demandeur de visa, et partant sa filiation.

6. D'autre part, dès lors que l'identité du demandeur de visa n'est pas établie, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'éléments de possession d'état pour établir le lien de filiation entre le demandeur et la regroupante.

7. En conséquence des deux points précédents, la commission de recours a pu, sans faire une inexacte application des dispositions citées aux points 3 et 4, rejeter la demande de visa litigieuse au motif que l'identité et le lien de filiation de M. B... A... avec Mme C... A... n'étaient pas établis.

8. En deuxième lieu, dès lors que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a retenu que l'identité du demandeur n'était pas établie par les actes d'état civil produits, elle n'avait pas à examiner les éléments de possession d'état de nature à établir uniquement le lien de filiation entre le demandeur et la regroupante et non l'identité de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée n'a pas été précédée d'un examen particulier de la demande et des éléments de possession d'état produits sur ce point doit être écarté.

9. En troisième lieu, les requérants se prévalent d'une erreur matérielle de fait, dans la mesure où la décision contestée indique que Mme A... a obtenu le statut de réfugié, alors que sa demande a été rejetée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la circonstance que Mme A... ait obtenu ou non le statut de réfugié a été sans incidence sur l'appréciation portée par la commission de recours sur la valeur probante des actes d'état civil produits.

10. En quatrième lieu, l'identité du demandeur et partant son lien familial avec la regroupante n'étant pas établis, la décision contestée ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et en tout état de cause des articles 9-1 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... et de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation de jugement,

C. RIVAS

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02208
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22nt02208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award