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06/02/2024 | FRANCE | N°22NT01214

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 février 2024, 22NT01214


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Pordic (Côtes-d'Armor) a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section YH n° 102, située au lieudit " le Bourgneuf ", ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 1904075 du 25 février 2022, le tribunal administratif de R

ennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 par lequel le maire de la commune de Pordic (Côtes-d'Armor) a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section YH n° 102, située au lieudit " le Bourgneuf ", ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1904075 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2022 et 23 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 du maire de Pordic refusant de lui délivrer le permis de construire sollicité ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Pordic de réexaminer sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Pordic le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé notamment s'agissant du moyen tiré de ce que le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 janvier et 24 mars 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Pordic représentée par la SELARL Cabinet Coudray conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- le motif tiré de ce que le projet en litige constitue une extension du périmètre bâti existant, substitué au motif de la décision contestée, est de nature à légalement la fonder.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Buors, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 février 2019, le maire de la commune de Pordic (Côtes-d'Armor) a refusé de délivrer un permis de construire à M. B... pour la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section YH n° 102, située au lieudit " Le Bourgneuf ". M. B... a formé, le 5 avril 2019, un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lequel a été implicitement rejeté. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2022 par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à la totalité des arguments présentés à l'appui des moyens soulevés par M. B..., ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté l'ensemble des moyens présentés par l'intéressé, notamment quant au respect par le projet en litige des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande (...) elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...), notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...) ".

4. L'arrêté en litige, fondé sur la circonstance que la construction projetée méconnait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, fait état des circonstances de droit et de fait sur lesquelles il est fondé. A cet égard, le maire n'était pas tenu de produire d'éléments ou analyses permettant de conclure que le lieudit " Le Bourgneuf " n'appartenait pas à un secteur déjà urbanisé au sens de ces dispositions. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ". Aux termes de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " (...) III.- Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi. (...) ". Les secteurs ainsi mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme sont les secteurs déjà urbanisés.

6. Il résulte des dispositions précitées que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées que les constructions réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ou, sous certaines conditions, au sein des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, se distinguant des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ou de ces secteurs déjà urbanisés.

7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays de Saint- Brieuc, approuvé le 27 février 2015, n'identifie pas le lieudit " Le Bourgneuf ", en tant que secteur déjà urbanisé ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 précitée. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que ce lieudit est composé d'une quarantaine de constructions implantées de manière dense et structurées autour de deux voies de circulation se croisant en son centre. Il est constant que ce lieudit est également desservi par les réseaux d'électricité, d'eau potable et d'assainissement. Dans ces conditions, le lieudit " Le Bourgneuf " peut être regardé comme un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018. Par suite, en opposant à M. B... le caractère non déjà urbanisé du lieudit " Le Bourgneuf " pour lui refuser le permis de construire sollicité, le maire de Pordic a fait une inexacte application des dispositions citées au point 5 du présent arrêt.

8. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, la commune de Pordic a fait valoir en première instance, comme en appel, un nouveau motif fondé sur la circonstance que le projet en litige constitue une extension du périmètre bâti existant.

9. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. La parcelle de M. B... est située en périphérie du lieudit identifié au point 7 du présent arrêt, dans un secteur comportant peu de constructions et séparé de la partie déjà urbanisée du lieudit par une importante parcelle non bâtie. Par ailleurs, la parcelle d'implantation du projet s'ouvre sur de vastes espaces naturels et agricoles. Par suite, le projet de construction en litige a pour effet d'étendre le périmètre bâti existant et méconnait ainsi les dispositions précitées. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par la commune, qui ne prive M. B... d'aucune garantie.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pordic, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de Pordic au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Pordic au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Pordic.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président de la formation

de jugement,

C. RIVAS

Le greffier,

C. GOYLe président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01214
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22nt01214 ?
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