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06/02/2024 | FRANCE | N°22NT00164

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 février 2024, 22NT00164


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Sarzeau a délivré à M. A... D... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue Breing Er Raquer, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.



Par un jugement n° 1904630 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ainsi que la demande pré

sentée par M. A... D... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Sarzeau a délivré à M. A... D... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue Breing Er Raquer, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1904630 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ainsi que la demande présentée par M. A... D... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22NT00164 les 18 janvier et 19 mai 2022, M. et Mme C... et B... D..., représentés par Me Matel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) d'annuler les décisions du maire de Sarzeau (Morbihan) ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sarzeau la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande était recevable eu égard à leur intérêt à agir ; le projet est prévu en limite de la parcelle constituant la seule voie d'accès à leur habitation et il rend cette desserte plus difficile ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme eu égard à l'insuffisance du dossier de demande de permis ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et la commune ne peut utilement se prévaloir de la modification postérieure du schéma de cohérence territoriale de Vannes Agglomération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, la commune de Sarzeau, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 11 février et 13 juin 2022, M. A... D..., représenté par Me Derveaux, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'une part, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de justice administrative et, d'autre part, de faire droit à sa demande présentée dans sa requête distincte n° 22NT00313 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme C... et B... D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22NT00313 les 3 février et 13 juin 2022, M. A... D..., représenté par Me Derveaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il rejette sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

2°) de condamner solidairement M. et Mme C... et B... D... à lui verser, sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de justice administrative, la somme de 57 223,91 euros, dont 2 559,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 et 16 133,89 euros avec intérêts jusqu'à parfait paiement ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée à sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de justice administrative ;

- les conditions permettant le versement de dommages et intérêts par M. et Mme D... sont remplies eu égard à leur comportement abusif et aux préjudices causés, dont son préjudice d'immobilisation financière, les loyers qu'il a dû continuer à verser pour se loger, son préjudice moral et son préjudice lié à l'augmentation du coût de la construction.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2022, M. et Mme C... et B... D..., représentés par Me Matel, demandent à la cour de rejeter la demande de M. A... D... et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. A... D... à l'appui de sa demande seront écartés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Matel, représentant M. et Mme C... et B... D..., E..., représentant M. A... D..., et de Me Rouhaud, représentant la commune de Sarzeau.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... a présenté le 30 janvier 2019 à la mairie de Sarzeau (Morbihan) une demande de permis de construire une maison sur un terrain cadastré section ZN 44 situé rue Breing Er Raquer. Par un arrêté du 29 avril 2019, le maire de Sarzeau a délivré le permis de construire sollicité. Le 16 mai 2019, M. et Mme C... et B... D... ont saisi le maire d'un recours gracieux tendant au retrait de sa décision du 29 avril 2019. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement du 3 décembre 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d'annulation de ces décisions présentée par M. et Mme D... ainsi que la demande présentée par M. A... D... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes. M. A... D... a présenté des conclusions d'appel incident dans l'instance introduite par M. et Mme D... tendant à ce que ce jugement soit annulé en ce qu'il rejette sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ainsi que des conclusions identiques dans l'instance distincte qu'il a introduite devant la cour.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Rennes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Pour rejeter la demande présentée par M. A... D... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme le tribunal administratif de Rennes a relevé qu'il ne résultait pas de l'instruction que le droit de M. et Mme D... de former un recours pour excès de pouvoir aurait été mis en œuvre dans des conditions traduisant un comportement abusif de leur part. Par suite, M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier au motif d'une insuffisance de motivation.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

7. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction en litige autorise, sur une parcelle cadastrée ZN 44, l'édification d'une maison d'habitation sise en limite de la parcelle ZN 45, laquelle sert de voie unique de desserte de deux parcelles cadastrées ZN 43 et 42, cette dernière, supportant une maison d'habitation appartenant à M. et Mme D.... Au titre de leur intérêt à agir ceux-ci soutiennent uniquement que cette implantation est de nature à affecter les conditions de jouissance de leur bien dès lors qu'elle implique un rétrécissement de la largeur de la parcelle ZN 45 desservant leur fonds. Cependant il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée est implantée au sein de la parcelle ZN 44, dans des limites établies en conséquence d'un réaménagement foncier intervenu en 2011. A cet égard M. et Mme D... se bornent à se prévaloir d'une procédure qu'ils ont engagée devant le juge judiciaire, sur le fondement de l'article 682 du code civil, afin d'obtenir sur le fond de leur voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds. Aussi l'intérêt dont ils se prévalent ne tient pas à l'édification de la maison envisagée par M. A... D... mais aux limites de la propriété de la parcelle d'implantation du projet de ce dernier sur laquelle ils souhaitent obtenir un passage. Par ailleurs et au surplus, il ressort des pièces du dossier que la voie privée existante située sur la parcelle ZN 45, longue d'environ 80 mètres, est d'une largeur comprise entre 2,90 et 3,20 mètres, ainsi qu'il résulte d'une note du géomètre expert foncier désigné par le juge judiciaire désigné par le président du tribunal judiciaire de Vannes à la demande de M. et Mme D..., ce qui demeure adapté à la desserte des deux parcelles, y compris au regard de leur entretien paysager. Par suite, c'est sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme que le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande présentée par M. et Mme D... pour irrecevabilité faute d'intérêt à agir de ces derniers à contester la décision du maire de Sarzeau.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté pour irrecevabilité leur demande d'annulation de l'arrêté du 29 avril 2019 du maire de Sarzeau accordant un permis de construire à M. A... D....

Sur les conclusions présentées par M. A... D... au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

11. Les conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme peuvent être présentées en appel au titre de la procédure engagée devant la juridiction de première instance et de celle devant la juridiction d'appel.

12. Il résulte de l'instruction que M. A... D... est titulaire d'une autorisation de construire délivrée le 29 avril 2019 par le maire de Sarzeau, laquelle lui donnait la faculté de débuter les travaux ainsi autorisés. Il est observé que le tribunal administratif de Rennes n'a pas été saisi en référé d'une demande de suspension de l'exécution de cet arrêté par M. et Mme D.... Par ailleurs, si l'intérêt à agir de ces derniers n'a pas été reconnu dans le cadre des instances qu'ils ont engagées devant le tribunal administratif de Rennes et la cour administrative de Nantes ces procédures ne révèlent pas un comportement abusif de leur part, s'agissant de personnes qui ne sont pas des professionnels de l'immobilier et alors que les conditions d'accès à leur parcelle ont été modifiées même si cela ne résulte pas de la décision qu'ils ont contestée. Par conséquent, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... D... dans l'instance n° 22NT00313, sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, ainsi qu'en tout état de cause celles présentées à titre incident dans l'instance n° 22NT00164, doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante.

15. D'une part, il y a lieu, en conséquence au titre de l'instance n° 22NT00164, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme D.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés respectivement par la commune de Sarzeau et par M. A... D....

16. D'autre part, il y a lieu, au titre de l'instance n° 22NT00313, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. A... D..., partie perdante. Et, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par M. et Mme D....

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22NT00164 de M. et Mme C... et B... D... est rejetée.

Article 2 : La requête n° 22NT00313 de M. A... D... est rejetée.

Article 3 : M. et Mme C... et B... D... verseront respectivement à la commune de Sarzeau et à M. A... D... la somme de 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et B... D..., à M. A... D... et à la commune de Sarzeau.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

Le président de la formation de jugement, rapporteur,

C. RIVAS

L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,

C. ODY

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22NT00164,22NT00313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00164
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22nt00164 ?
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