La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2024 | FRANCE | N°23NT01968

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT01968


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

25 mai 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2212141 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.>


Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, M. A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

25 mai 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2212141 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, M. A..., représenté par Me Guilbaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation de travail dans un délai de huit jours à compter de la même notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas respecté le principe du contradictoire ; le jugement attaqué est ainsi irrégulier ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité qui n'était pas compétent pour le faire, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnaît les dispositions des articles L. 435-1, L. 435-3 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

30 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les observations de Me Leitavova, substituant Me Guilbaud, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, né le 20 septembre 2003, entré en France le 9 juin 2015, qui a été pris en charge par le département de la Loire-Atlantique au titre de l'aide sociale à l'enfance du 15 juin 2020 au 19 septembre 2021, a demandé au préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du

25 mai 2022, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté, par un jugement du 19 avril 2023, la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.

2. Le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour au motif que l'intéressé a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour des actes d'état-civil qui ne sont pas conformes à la législation du pays d'origine et comportent plusieurs erreurs de nature à les entacher d'irrégularité.

3. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Pour justifier son refus de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de la

Loire-Atlantique, en se fondant sur un rapport de la police de l'air et des frontières, a estimé que les documents d'état-civil présentés par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour, soit un acte de naissance et un jugement supplétif, ne permettaient pas d'établir son identité. Toutefois, l'avis défavorable de ce service du 13 mai 2022 selon lequel les actes d'état-civil sont entachés d'irrégularités au regard du code malien des personnes et de la famille et du code malien de procédure civile, commerciale et sociale et les références faites à ces codes par le préfet dans son arrêté contesté ne permettent pas de remettre en cause l'identité de M. A.... Le dernier motif retenu par le préfet et relatif à l'absence de numéro de souche en typographie et des mentions d'imprimeurs en partie inférieure droite de l'acte de naissance ne suffit pas à donner à l'ensemble des documents d'état-civil produits un caractère apocryphe ou à les priver de caractère probant. Dès lors, c'est à tort que le préfet a estimé que l'identité du requérant n'était pas établie et qu'il ne pouvait, pour ce motif, lui délivrer un titre de séjour.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et qu'il y a lieu d'annuler la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.

8. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou droit, à M. A... un titre de séjour prévu à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Guilbaud, conseil de M. A..., d'une somme de

1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2212141 du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2023 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 25 mai 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. A... un titre de séjour prévu à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me Guilbaud, conseil de M. A....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Guilbaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0196802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01968
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : GUILBAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt01968 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award