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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT00080

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT00080


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2211586 du 12 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant l

a cour :



Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, Mme B..., représentée par

Me Smati, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2211586 du 12 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, Mme B..., représentée par

Me Smati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le Préfet de Maine-et-Loire lui a retirée son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté, a fixé le pays d'origine comme pays de destination, et l'a astreinte à se présenter au commissariat de police d'Angers tous les lundi, mercredi, et vendredi à 10 heures 00 à compter de la notification de l'arrêté pour indiquer ses diligences dans la préparation de son départ ;

3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation administrative, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son Conseil une somme de 1 800 euros conformément aux dispositions des articles L. 761-1 du Code de justice administrative et 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle, à charge pour lui de renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision n'est pas motivée ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne l'obligation de présentation :

- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

La clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2023 par ordonnance du 23 août 2023.

Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne, est entrée en France le 25 septembre 2021 de manière irrégulière et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision du 27 juin 2022 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 4 août 2022, le préfet de Maine-et-Loire a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Géorgie comme pays de renvoi. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a, par jugement du 12 décembre 2022, rejeté la requête de Mme B... contre cet arrêté.

Mme B... demande à la cour d'annuler ce jugement et d'annuler cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Comme le soutient Mme B..., le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la sa vie privée et familiale qui était soulevé dans sa demande présentée devant le tribunal administratif et qui n'était pas inopérant. Dès lors,

Mme B... est fondée à soutenir que le jugement est, pour ce motif, entaché d'une omission à répondre. Par suite, le jugement doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, et par l'effet dévolutif sur les autres conclusions.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 août 2022 du préfet de Maine et Loire :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision portant obligation de quitter le territoire français vise les dispositions dont l'autorité administrative a entendu faire application, relate les conditions d'entrée de

Mme B..., rappelle que l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de l'intéressée en procédure accélérée, expose les raisons pour lesquelles il ne peut être considéré que la mesure d'obligation de quitter le territoire porte atteinte aux droits protégés par les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Par suite, cette décision comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée en droit et en fait, contrairement à ce que soutient Mme B.... Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... soutient être parfaitement insérée dans la société française, résider sur le territoire français, sans discontinuité, depuis presque un an et vivre avec son compagnon M. C..., lequel est atteint de plusieurs pathologies nécessitant sa présence à ses côtés. Cependant, si M. C... est atteint des hépatites B, C et D, et fait l'objet d'un suivi médical en raison de ces pathologies, les ordonnances de prescriptions de soins infirmiers, de délivrance de médicaments et les convocations à des rendez-vous médicaux dans les services de radiologie et d'hépatologie du CHU d'Angers ne suffisent pas à établir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

De même, les comptes rendus de passage aux urgences du CHU d'Angers le 19 octobre 2021 et le 18 août 2022 et le compte-rendu de séjour dans le service des maladies infectieuses de ce même établissement ne permettent pas plus d'établir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ainsi, alors que son compagnon n'entre pas dans les prévisions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la cour rejette la requête de M. C... par un arrêt n° 23NT00070 du 30 janvier 2024, eu égard à sa durée de présence sur le territoire et à l'absence d'attaches personnelles et familiales autre que son compagnon,

Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.

En ce qui concerne la décision portant retrait de l'attestation de demande d'asile :

8. La décision portant obligation de quitter le territoire français ne constitue pas le fondement de la décision portant retrait de l'attestation de demande d'asile, laquelle a été prise en raison de la décision de rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA en application des dispositions de l'article L. 531-24-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante ne peut donc utilement invoquer l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de cette décision.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

9. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

11. En deuxième lieu, Mme B... fait valoir les risques qu'elle encourt en cas de retour en Géorgie, dès lors que M. C..., son compagnon, s'est vu remettre des enregistrements compromettants et que la police le poursuit pour cet acte. Cependant, elle se borne à rappeler le récit présenté lors de sa demande d'asile, relatif à des enregistrements compromettants pour le pouvoir en place qui auraient été obtenus par un ami et transmis aux autorités de police. Ce récit et les allégations de craintes ont été rejetées par l'OFPRA. Mme B... n'apporte aucune pièce nouvelle à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de présentation :

12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de présentation, par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Si Mme B... soutient que le préfet n'a pas limité dans le temps ses obligations de présentation, il ressort des termes des arrêtés attaqués que ce délai a été fixé à trente jours, soit celui du départ volontaire. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. En dernier lieu, si Mme B... soutient que l'obligation de présentation à laquelle elle est astreinte n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée, elle n'explique pas en quoi l'obligation de présentation trois fois par semaine à 10 heures au commissariat de police d'Angers, alors que cette mesure est limitée dans le temps ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, présenterait un tel caractère. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de faire application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 13 janvier 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire, ni à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de se présenter au commissariat d'Angers et de la décision fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2211586 du 12 décembre 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, de retrait de l'attestation de demande d'asile, fixant le pays de destination et portant obligation de présentation contenues dans l'arrêté du 4 août 2022 du préfet de

Maine-et-Loire et le surplus des conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 23NT0008002

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00080
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SMATI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt00080 ?
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