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26/01/2024 | FRANCE | N°22NT00744

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 22NT00744


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 février 2021 de l'autorité consulaire française à Abidjan refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de parent d'enfant français.



Par un jugement n° 2107453 du 10 janvier 2022, le t

ribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 février 2021 de l'autorité consulaire française à Abidjan refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de parent d'enfant français.

Par un jugement n° 2107453 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mars 2022 et 4 avril 2023, Mme E... C..., représentée par Me Nadège Louafi Ryndina, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 28 avril 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et la décision de l'autorité consulaire à Abidjan refusant de lui délivrer un visa ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 211-1 et du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés et soutient que sa décision aurait pu être légalement fondée sur la situation de polygamie dans laquelle le visa sollicité placerait le père de l'enfant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne née le 29 septembre 1995, est la mère de deux enfants français, D... A... et B... A..., nés, respectivement, les 31 janvier 2018 et 12 mars 2019, à Abidjan. Elle a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de parent d'enfant français. Par une décision du 12 février 2021, les autorités consulaires à Abidjan (Côte d'Ivoire) ont refusé de faire droit à cette demande. Son recours contre cette décision a été rejetée par décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 28 avril 2021. Mme C... relève appel du jugement du 10 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nantes a expressément répondu aux moyens présentés par Mme C.... Par suite et alors qu'elle se borne à soutenir que " [s]a situation (...) n'a pas été examinée en son intégralité par le Tribunal administratif de Nantes ", elle n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par les autorités diplomatiques ou consulaires. Par suite, la décision du 28 avril 2021 de cette commission s'est substituée à la décision du 12 février 2021 des autorités consulaires françaises à Abidjan. Il en résulte que les conclusions de la requête de Mme C... doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision de la commission de recours.

4. Pour rejeter la demande de visa présentée par Mme C..., la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur deux motifs tirés, l'un, de ce que les enfants de Mme C... résident hors de France avec elle, l'autre de ce que l'intéressée ne justifie pas de moyens d'existence suffisants pour assumer les charges liées à un séjour en France de longue durée.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

6. Il ressort des pièces du dossier que les enfants D... et B... A..., de nationalité française, âgés de 2 et 3 ans à la date de la décision contestée, ont été inscrits à l'école maternelle " Molette " au Creusot pour l'année scolaire 2021-2022, afin de suivre leur scolarité en France. Il ressort également des pièces du dossier qu'ils vivent avec leur mère, Mme C..., depuis leur naissance et que celle-ci pourvoit à leur entretien et leur éducation. Il n'est pas contesté qu'elle souhaite entrer sur le territoire français avec ses très jeunes enfants afin de permettre à ces derniers de suivre leur scolarité en France et de se rapprocher de leur père qui a la nationalité française. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... serait mariée avec le père des enfants de sorte que le ministre ne peut faire valoir que ce dernier se trouverait alors vivre en situation de polygamie. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision contestée porte au droit au respect de la vie privée et familiale tant de Mme C... que de ses enfants une atteinte disproportionnée au regard des motifs en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré à Mme C.... Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer ce visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de Mme C..., d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 janvier 2022 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 28 avril 2021de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer un visa d'entrée et de long séjour à Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00744


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00744
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LOUAFI RYNDINA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;22nt00744 ?
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