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26/01/2024 | FRANCE | N°22NT00596

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 22NT00596


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... F... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 20 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 2 juin 2020 de l'autorité consulaire française à Conakry (République de Guinée) refusant de délivrer à l'enfant D... B... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.



Par un jugement n° 2011796 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 20 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 2 juin 2020 de l'autorité consulaire française à Conakry (République de Guinée) refusant de délivrer à l'enfant D... B... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2011796 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2022, M. F... B..., représenté par Me Orane Allene Ondo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2020 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. F... B... soutient que :

- la décision contestée de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;

- il justifie de la délégation d'autorité parentale consentie à son profit par la mère de l'enfant ;

- le lien de filiation allégué est établi par les actes d'état civil produits ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que celles du paragraphe 1 de l'article 9 de la même convention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... B... ne sont pas fondés.

M. F... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B..., ressortissant guinéen né le 26 mars 1984, a obtenu du préfet de la Haute-Garonne, par décision du 24 avril 2020, une autorisation de regroupement familial au profit de son épouse, de l'enfant qu'il a eue avec celle-ci ainsi que de l'enfant C... B..., né le 16 octobre 2014 et issu d'un précédent mariage. Par une décision du 2 juin 2020, les autorités consulaires françaises à Conakry ont refusé la délivrance d'un visa de long séjour au titre de ce regroupement familial au seul enfant C... B.... Par une décision implicite née le 20 octobre 2020, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours administratif formé par M. F... B... à l'encontre de la décision par laquelle a été refusé un visa à l'enfant C... B.... M. F... B... relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /(...)/ 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 232-4 du même code dispose toutefois : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... B... ait demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Dans ces conditions, il ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif que la décision contestée est fondée sur deux motifs tirés, l'un, de l'absence d'établissement de l'identité de l'enfant pour lequel est demandé le visa et donc son lien de filiation avec M. F... B... et, l'autre, de ce que ce dernier n'a pas produit de jugement de délégation d'autorité parentale.

5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Pour justifier de l'identité de l'enfant C... B... et de son lien de filiation,

M. F... B... produit, pour la première fois en appel, un jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal de première instance de Dixinn le 14 mai 2021. Il ressort des mentions de ce jugement que l'enfant C... B... est né le 16 octobre 2014 à Dixinn de M. D... F... B... et de Mme E... A.... Contrairement à ce que soutient le ministre, ce jugement supplétif ne peut être regardé comme révélant une situation contraire à la conception française de l'ordre public international en raison de la seule insuffisance alléguée de sa motivation. Par suite, le lien de filiation entre les intéressés doit être regardé comme établi par le jugement supplétif. Dès lors, le ministre de l'intérieur ne peut utilement soutenir que l'acte de naissance dressé le 7 juin 2021 et transcrivant ce jugement du 14 mai 2021 serait irrégulier en ce qu'il ne comporterait pas certaines mentions essentielles de l'état-civil.

7. Il résulte des développements qui précédent qu'en refusant la délivrance du visa sollicité, au motif que le lien de filiation entre l'enfant C... B... et M. D...

I B... n'était pas établi, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

8. Toutefois, M. F... B... ne produit, pour justifier de son exercice de l'autorité parentale sur l'enfant C... B..., qu'un acte notarié du 4 mars 2020 par lequel la mère de l'enfant a entendu en confier la garde à son père, dont le ministre fait d'ailleurs valoir qu'il méconnaît l'article 196 du code de l'enfant en Guinée, qui dispose qu'aucune renonciation ou cession d'autorité parentale ne peut avoir d'effet si ce n'est en vertu d'un jugement, et ne conteste pas qu'il ne disposait pas, à la date de la décision contestée, d'une décision juridictionnelle étrangère portant délégation à son profit de l'autorité parentale.

9. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, tiré du défaut de décision juridictionnelle étrangère portant délégation à son profit de l'autorité parentale, de nature à la justifier légalement.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Eu égard à ses motifs, dont l'un tend à s'assurer du recueil du consentement de la mère de l'enfant à son départ en France, la décision contestée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par les stipulations précitées.

11. En quatrième lieu, M. F... B... ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de cette même convention, dès lors que ces stipulations ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par

M. F... B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par ce dernier doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de M. F... B... demande au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00596
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ALLENE ONDO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;22nt00596 ?
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