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26/01/2024 | FRANCE | N°21NT01217

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 janvier 2024, 21NT01217


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Océane a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Saint-Herblain à lui verser la somme de 1 622 621,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2017 en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des décisions des 25 octobre 2013 et 31 décembre 2015 du maire de Saint-Herblain portant, respectivement, sursis à statuer sur la demande de permis de con

struire qu'elle a présentée et refus de permis de construire.



Par un jugement no 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Océane a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Saint-Herblain à lui verser la somme de 1 622 621,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2017 en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des décisions des 25 octobre 2013 et 31 décembre 2015 du maire de Saint-Herblain portant, respectivement, sursis à statuer sur la demande de permis de construire qu'elle a présentée et refus de permis de construire.

Par un jugement no 1801692 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 7 octobre 2021, la société Océane, représentée par Me Leraisnable, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner la commune de Saint-Herblain à lui verser en réparation la somme de 1 622 621,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Herblain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'illégalité de l'arrêté du 25 octobre 2013 portant sursis à statuer sur la demande de permis de construire de la société Capcity, constatée par un jugement d'annulation définitif du tribunal administratif de Nantes du 21 juin 2016, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- l'arrêté portant refus de permis de construire du 31 décembre 2015 opposé à la société Capcity est illégal en ce que, d'une part, de simples prescriptions auraient suffi à ce que soient respectées les dispositions de l'article UE 13.4 du règlement du plan local d'urbanisme, d'autre part, le service instructeur ne pouvait constater une insuffisance du dossier de demande de permis de construire sans avoir exigé au préalable les pièces complémentaires jugées nécessaires à l'instruction de la demande ; cette illégalité constitue une faute engageant la responsabilité de la commune ;

- les illégalités fautives commises par la commune lui ont causé un préjudice certain lui ouvrant droit à réparation ; ce préjudice s'établit à la somme globale de 1 622 621,60 euros, décomposée en 1 220 000 euros au titre du manque à gagner, 117 575, 63 euros au titre des intérêts d'emprunt, 203 430 euros au titre des difficultés de trésorerie, 20 000 euros au titre du préjudice moral et 61 616 euros au titre des taxes foncières versées depuis 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2021, la commune de Saint-Herblain, représentée par Me Vic, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Océane la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Pallabre, représentant la société Océane, et de Me Vic, représentant la commune de Saint-Herblain.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Océane est propriétaire d'une parcelle cadastrée section EC n° 83 située à Saint-Herblain. Le 18 avril 2013, la société Océane a accepté une offre d'achat émanant de la société Capcity, portant sur une partie de cette parcelle. Cette offre d'achat comportait notamment une condition suspensive, tenant à l'obtention par l'acquéreur d'un permis de construire. Le 6 août 2013, la société Capcity a déposé une demande de permis de construire auprès de la mairie de Saint-Herblain en vue de l'édification, sur le terrain cadastré EC n° 83, situé rue du Moulin de la Rousselière, d'un immeuble de bureaux en R+6, comprenant des commerces en rez-de-chaussée. Par un arrêté du 25 octobre 2013, le maire de Saint-Herblain a opposé à cette demande de permis un sursis à statuer pour une durée de deux ans. A l'expiration de ce délai, la société Capcity a confirmé, le 3 novembre 2015, sa demande de permis de construire. Elle s'est vue opposer un refus de permis de construire par un arrêté du 31 décembre 2015.

2. Par courrier du 31 octobre 2017, la société Océane a adressé une réclamation préalable à la commune de Saint-Herblain tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 25 octobre 2013 portant sursis à statuer et de l'arrêté du 31 décembre 2015 portant refus de permis de construire, à hauteur de 1 561 005,60 euros. Cette demande a été rejetée par une décision expresse du 21 décembre 2017 du maire, qui a été notifiée le 26 décembre suivant à la société. Par un jugement du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société Océane tendant à la condamnation de la commune de Saint-Herblain à lui verser, en réparation du préjudice subi, la somme de 1 622 621,60 euros. La société Océane relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "

4. Il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prescrites par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence de fautes de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Herblain :

S'agissant de l'arrêté du 25 octobre 2013 portant sursis à statuer :

5. Par un arrêté du 25 octobre 2013, le maire de Saint-Herblain a opposé, en application de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, à la demande de permis de construire présentée par la société la société Capcity un sursis à statuer au motif que son projet de construction était de nature à compromettre la réalisation d'une opération d'aménagement dans le secteur des Cochardières-Piliers de la Chauvinière. Toutefois, par un jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté du 25 octobre 2013 au motif que le projet de la société Capcity n'était pas de nature à compromettre cette opération d'aménagement qui n'avait pas encore été définie de sorte que le maire ne pouvait légalement opposer à cette société un sursis à statuer sur sa demande de permis. Ce jugement, dont il n'a pas été relevé appel, est définitif. Par suite, l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 25 octobre 2013 portant sursis à statuer est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Herblain.

S'agissant de l'arrêté du 31 décembre 2015 portant refus de permis de construire :

6. Pour rejeter, par l'arrêté du 31 décembre 2015, pris après confirmation présentée, conformément aux dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, le 3 novembre 2015, par la société Capcity, de sa demande de permis de construire, le maire de Saint-Herblain s'est fondé sur les motifs tirés de la méconnaissance, par le projet de construction, des dispositions de l'article UE 13.4 du règlement du plan local d'urbanisme, et du caractère erroné des mentions du formulaire de demande de permis de construire quant à la superficie des bâtiments à démolir.

7. En premier lieu, aux termes de l'article UE 13.4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, alors en vigueur : " Les aires de stationnement doivent être plantées à raison d'un arbre de haute tige pour 4 places de stationnement ".

8. D'une part, ainsi que le relève l'arrêté portant refus de permis de construire du 31 décembre 2015, il résulte du dossier de demande de permis de construire que l'aire de stationnement de dix places, située au sud du bâtiment projeté et séparée de la limite sud de la parcelle par une rampe d'accès au sous-sol et une voie de circulation, n'est pas plantée. Il en résulte que le projet méconnaît les dispositions précitées de l'article UE 13.4 du règlement du plan local d'urbanisme, quel que soit le nombre d'arbres de haute tige dont la plantation est par ailleurs prévue à d'autres emplacements sur la parcelle.

9. D'autre part, l'autorité d'urbanisme a la faculté d'assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions, dès lors que ces dernières, n'entrainant qu'une modification portant sur un point précis et limité et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, ont pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'il était possible de prévoir la plantation de cette aire de stationnement, qui utilise toute la largeur de la parcelle, sans modifier l'organisation de l'ensemble des aires de stationnement, ce qui aurait nécessité la présentation d'un nouveau projet. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société Océane, le maire de Saint-Herblain ne pouvait pas, en tout état de cause, délivrer à la société Capcity le permis de construire qu'elle sollicitait en assortissant sa décision d'une prescription tenant à la plantation de cette aire de stationnement.

10. En deuxième lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. Lorsque, à l'expiration du délai de sursis à statuer, qui ne peut excéder deux ans, le pétitionnaire sollicite une décision définitive, celle-ci doit être prise au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle l'autorité administrative statue.

12. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 24 avril 2015, le maire de

Saint-Herblain a délivré un permis de construire pour la réalisation, sur le terrain d'assiette du projet litigieux, d'une construction à usage d'entrepôt. Il n'est pas soutenu que cette construction n'aurait pas été réalisée. Il résulte également de l'instruction que, lorsque la société Capcity a confirmé sa demande de permis de construire à l'expiration du délai de sursis à statuer, le dossier joint à sa demande de permis n'avait pas été actualisé et ne mentionnait pas cet entrepôt parmi les constructions présentes sur le terrain d'assiette, dont la démolition devait être entreprise préalablement à la réalisation du projet. En outre, les indications erronées figurant au dossier étaient de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité de la demande à la réglementation en vigueur, en particulier au regard des dispositions de l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme qui prévoient que la demande de permis de construire doit porter à la fois sur la démolition et sur la construction lorsque cette dernière nécessite une démolition soumise au régime du permis de démolir, ou être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir correspondante.

13. Ainsi, le maire de Saint-Herblain qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne s'est pas fondé, pour refuser le permis de construire sollicité, sur le caractère incomplet du dossier de demande, a pu légalement se fonder sur le motif énoncé au point 6 tiré de ce que les indications du dossier de demande de permis de construire quant aux constructions existantes et à démolir sur le terrain d'assiette étaient erronées.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 13 que l'arrêté portant refus de permis de construire du 31 décembre 2015 n'est pas entaché d'illégalité de sorte que, s'agissant de cet arrêté, la commune de Saint-Herblain n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société Océane.

En ce qui concerne le lien de causalité entre l'illégalité fautive entachant l'arrêté portant sursis à statuer du 25 octobre 2013 et le préjudice allégué :

15. L'illégalité de l'arrêté du 25 octobre 2013 portant sursis à statuer du 25 octobre 2013 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Herblain à l'égard de la société Océane pour autant qu'il en soit résulté pour cette société un préjudice direct et certain.

16. Il résulte de l'instruction que la société Océane demande réparation du préjudice résultant pour elle de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de céder son terrain à la société Capcity, conformément à la promesse d'achat signée le 18 avril 2013 par les deux sociétés, faute pour la société Capcity d'avoir obtenu un permis de construire sur ce terrain.

17. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 9 ci-dessus, le projet de construction présenté par la société Capcity, dans sa demande de permis de construire, méconnaissait les dispositions de l'article UE 13.4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Par suite, le maire de Saint-Herblain ne pouvait que refuser de lui délivrer le permis de construire qu'elle sollicitait. Dès lors, le préjudice dont la société Océane demande réparation ne présente pas de lien direct de causalité avec l'illégalité fautive de l'arrêté du 18 avril 2013 portant sursis à statuer. Il suit de là que les conclusions de la société Océane tendant à la réparation du préjudice qu'elle allègue ne peuvent qu'être rejetées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Océane n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande à fin d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Herblain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Océane demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Océane la somme demandée par la commune de Saint-Herblain au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Océane est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Herblain présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Océane et à la commune de Saint-Herblain.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

Le rapporteur

B. MASLa présidente

C. BUFFET

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT01217 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01217
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL MRV

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;21nt01217 ?
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