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19/01/2024 | FRANCE | N°22NT04123

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 19 janvier 2024, 22NT04123


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2022, 16 juin et 13 octobre 2023, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Quiberon a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SAS Reco ;



2°) de mettre à la charge de la commune de Quiberon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative.



Elle soutient que :

- il n'est pas établi que les membres de la Commis...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2022, 16 juin et 13 octobre 2023, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Quiberon a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SAS Reco ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Quiberon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) auraient reçu communication des dossiers et de l'ensemble des pièces exigées par l'article R. 752-35 du code de commerce en temps utile ;

- il n'est pas établi que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme auraient été signés par des personnes dûment habilitées ;

- le dossier de demande est incomplet sur les flux de circulation et sur la consommation de l'espace et l'imperméabilisation des sols, en méconnaissance de l'article R. 752-6 du code de commerce, et n'a ainsi pas permis à la CNAC de se prononcer en connaissance de cause ;

- l'autorisation est entachée d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce ; l'impact du projet sur l'animation urbaine et commerciale est négatif ; la desserte par bus n'est pas adaptée et celle par vélo n'est pas sécurisée ; le projet est excessivement consommateur d'espace.

Par des mémoires, enregistrés les 14 avril et 7 octobre 2023, la SAS Reco et la SCI Cayuco, représentées par Me Cazin, concluent au rejet de la requête de la SAS Distribution Casino France et à ce que la cour mette à la charge de celle-ci la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2023, la commune de Quiberon, représentée par Me Lahalle, conclut au rejet de la requête de la SAS Distribution Casino France et à ce que la cour mette à la charge de celle-ci la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Leveque substituant Me Lahalle, pour la commune de Quiberon.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Reco a déposé, le 29 décembre 2021, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour étendre la surface de vente de son magasin " Super U " situé à Quiberon de 1 950 à 2 150 m² et créer une piste de " drive " supplémentaire. Le 12 mai 2022, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Morbihan a émis un avis favorable sur le projet. Sur recours de la SAS Distribution Casino France, qui exploite également un supermarché à Quiberon, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a également émis, le 29 septembre 2022 un avis favorable au projet. La SAS Distribution Casino France demande à la cour de prononcer l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le maire de Quiberon a délivré le permis de construire sollicité par la SAS Reco, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

3. Si la SAS Distribution Casino France soutient qu'il n'est pas établi que les membres de la CNAC auraient reçu communication des dossiers et de l'ensemble des pièces exigées par l'article R. 752-35 du code de commerce en temps utile, celle-ci, en produisant une attestation de la société Dematis, son prestataire de convocations électroniques, établit avoir envoyé à ses membres, par courriel du 14 septembre 2022, une convocation à la séance du 29 septembre 2022, au cours de laquelle a été examiné le projet en litige, cette convocation les informant de la mise à disposition des documents nécessaires pour l'examen du dossier au moins cinq jours avant cette séance, sur la plateforme de téléchargement dédiée, avec les précisions suivantes : " Les documents relatifs à ces dossiers seront disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance. Ces documents ne seront pas imprimés par le secrétariat de la commission. / En application de l'article R. 752-35 du code de commerce, chaque dossier est composé de : - l'avis ou la décision de la commission départementale - le procès-verbal de la réunion de la commission départementale - le rapport des services instructeurs départementaux - le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision - le rapport du service instructeur de la commission nationale. / En complément, ces dossiers pourront comporter une sélection de cartes ou de plans et la demande d'autorisation d'exploitation commerciale. ", ce que confirme la commune de Quiberon dans son mémoire en défense. Il n'est ni établi, ni même allégué par des objections circonstanciées que les membres de la CNAC n'ont pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article, eu égard notamment aux termes du compte-rendu de la séance du 29 septembre 2022 et de l'avis de la CNAC, qui s'est au demeurant prononcée à l'unanimité de ses sept membres. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la Commission n'auraient pas été en mesure de prendre connaissance en temps utile des documents prévus au deuxième alinéa de l'article R. 752-35 précité du code de commerce. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation de la CNAC doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce : " (...) Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis au nom du ministre en charge du commerce a été signé par Mme A... B..., en sa qualité de cheffe du service du tourisme, du commerce, de l'artisanat et des services, poste auquel elle a été nommée par arrêté du 30 septembre 2019 et que conformément à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, cette qualité l'habilitait à signer " l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. ". Il ressort également des pièces du dossier que l'avis émis au nom du ministre en charge de l'urbanisme a été signé par M. C... D..., en sa qualité de " sous-directeur de la qualité du cadre de vie, au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature ", poste auquel il a été nommé par arrêté du 27 février 2020 et que conformément à l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, cette qualité l'habilitait à signer " l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. ". Dans ces conditions le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme auraient été signés par des personnes dûment habilitées doit être écarté comme manquant en fait.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " I. La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6 (...) / 2° Cartes ou plans relatifs au projet : / a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ; / b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manœuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ; (...) / 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients (...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de commerce, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. D'une part, si la SAS Distribution Casino France soutient que les informations sur les flux journaliers des véhicules générés par le projet sont incomplètes, en particulier en ce que l'étude de trafic n'a pas été actualisée depuis le précédent projet et qu'elle est basée sur les seuls comptages routiers effectués en mars 2019, hors période touristique, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette étude serait insuffisante pour permettre d'apprécier l'effet du projet sur les flux de transports, ce d'autant qu'une seconde étude a été effectuée le 15 décembre 2021, qui dissocie la circulation entre la haute saison et la basse saison et les flux avant et après projet.

8. D'autre part, le dossier de demande comporte des éléments précis relatifs à la consommation de l'espace et à l'imperméabilisation des sols, permettant de distinguer le projet actuel de celui examiné par la CNAC le 15 octobre 2020, notamment les surfaces en cause, qu'elles soient dédiées à l'activité commerciale, au stationnement ou aux espaces verts et d'identifier les parcelles concernées. Il ressort des pièces du dossier qu'ils suffisaient pour permettre à l'autorité administrative de porter son appréciation sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

9. Par suite, la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que le dossier de demande serait incomplet.

Sur la légalité interne :

10. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; /b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; /f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; /2° En matière de développement durable : /a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; /b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; /c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; /3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; /b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; /c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

En ce qui concerne l'impact du projet sur l'animation urbaine et commerciale :

12. Pour remettre en cause le projet de la SAS Reco dans ses effets sur l'animation de la vie urbaine et dans sa contribution à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de Quiberon, la SAS Distribution Casino France développe essentiellement des moyens d'ordre général sur les risques que représentent la grande distribution pour l'animation et la commercialité des centres-villes, risques qui ne sont pas de nature à caractériser la méconnaissance de ces critères dans le cas précis du projet d'extension du magasin " Super U " de Quiberon. Elle ne peut, en outre, utilement soutenir que la densité commerciale en offre alimentaire dans la zone de chalandise est supérieure aux moyennes départementale et nationale dès lors que la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure pas au nombre des critères applicables.

13. Si la société requérante fait état d'une baisse significative de la population dans la zone de chalandise de 8,4 % entre 2008 et 2018, ce chiffre doit être relativisé au regard du particularisme de la commune de Quiberon, tenant à la coexistence d'une population vieillissante et d'une occupation saisonnière liée à une activité touristique dynamique, qui se traduit notamment par les faits non contestés que le nombre de logements sur la commune est passé de 5 300 à 8 600 environ depuis 1984, date de création du commerce de la SAS Reco, et d'une augmentation significative du nombre de logements dans son environnement proche entre 2018 et 2021. En outre, les taux de vacance commerciale tels qu'ils ressortent des pièces du dossier, à savoir 10 % avec 35 cellules dans la centralité de Quiberon et 6,1% sur un " parcours marchand " de l'entrée de ville au quai de l'océan au sud de la commune, en passant par le centre-ville, n'apparaissent pas témoigner d'une situation particulièrement dégradée du tissu commercial local. De fait, comme l'a relevé la CNAC, le projet doit permettre de maintenir l'activité et de limiter l'évasion commerciale vers le pôle d'Auray. Enfin, la circonstance, que met en avant la société requérante, selon laquelle la commune de Quiberon a été intégrée au programme " Petites Villes de Demain ", ne suffit pas à établir que le projet porterait atteinte à l'animation du centre-ville ou à son tissu commercial.

14. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le ministre en charge de l'urbanisme, dans son avis favorable du 28 septembre 2022, a estimé que le projet " participe à l'animation urbaine et contribue au confortement du tissu commercial du centre-ville de Quiberon... ". Enfin, le ministre chargé du commerce, dans son avis favorable du 13 septembre 2022 a considéré que " L'extension présentée étant relativement minime (+200 m²), ne vient pas remettre en cause le projet déjà validé en CNAC en juillet 2020. Le projet se situe en centre-ville de Quiberon et permettra de fait de limiter l'évasion commerciale vers les secteurs périphériques comme le pôle commercial d'Auray, ainsi il permettra de dé-saturer la RD 768, unique axe routier permettant de relier la Presqu'Ile au continent lors de la haute saison touristique. Dans ces conditions, le projet est compatible avec les orientations du SCoT qui prescrit que l'organisation du commerce doit contribuer à préserver la vitalité des centres des villes et bourgs. ".

15. Eu égard à ce qui précède, les éléments précis mentionnés dans ces documents n'étant pas sérieusement démentis par la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait de nature à compromettre la réalisation du critère énoncé par la loi en matière d'impact sur l'animation urbaine et commerciale.

En ce qui concerne l'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone :

16. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier qu'il existe un service de transports en commun par bus à Quiberon durant la période estivale (1er juillet - 31 août), avec des arrêts à 50 mètres et 260 mètres du projet, et que d'avril à novembre des liaisons sont également assurées entre le parc de stationnement des îles et la gare maritime avec des arrêts à la demande possibles, il est constant qu'aucune desserte du site en transports en commun n'est assurée entre les mois de novembre et avril. Dans ces conditions, le ministre chargé du commerce dans son avis du 13 septembre 2022 a estimé que : " la desserte en transports en commun n'est pas optimale, elle est d'ailleurs inexistante de novembre à avril... ". Toutefois, ces seules insuffisances de desserte par les transports collectifs, eu égard notamment au contexte particulier de Quiberon, ne sont pas, à elles seules, de nature à entacher ce projet d'illégalité, contrairement à ce que soutient la SAS Distribution Casino France.

17. D'autre part s'agissant d'une simple augmentation de surface commerciale de 200 m² et de la création d'une piste de " drive " supplémentaire, la seule circonstance, relevée par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) dans son avis du 21 mars 2022, que l'accès au magasin en vélo ne serait pas sécurisé au motif que " seule la rue du Sankt Mang bénéficie d'une bande cyclable permettant la circulation des vélos en sens inverse des voitures " ne suffit pas à considérer que l'autorisation d'exploitation commerciale litigieuse serait illégale, alors qu'elle a également relevé qu'une chicane sera installée à l'entrée de la voie piétonne afin d'inciter les cyclistes à ralentir.

18. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière d'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.

En ce qui concerne la consommation économe de l'espace :

19. En premier lieu, la SAS Distribution Casino France ne peut utilement se prévaloir, s'agissant d'un permis de construire délivré au vu d'un dossier de demande déposé complet le 29 décembre 2021, des dispositions du V de l'article L. 752-6 du code de commerce issues de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dès lors qu'en vertu de l'article 9 du décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols, ces dispositions ne sont susceptibles d'être entrées en vigueur que dans le cadre de dossiers de demandes déposés à compter du 15 octobre 2022.

20. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet n'a nécessité que l'acquisition d'un ancien immeuble d'habitation, jouxtant le site actuel, donc des surfaces déjà bâties et n'impliquant pas de consommation directe d'espaces supplémentaires naturels ou agricoles. En outre, il n'est pas contesté que, compte tenu notamment du recours à un parking aérien, le ratio entre l'emprise au sol de l'aire de stationnement et la surface de plancher du bâti sera en diminution à 63%.

21. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière consommation économe de l'espace.

22. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'erreur d'appréciation en ce qu'il méconnaît les critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2022 du maire de Quiberon en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Quiberon, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SAS Distribution Casino France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 1 500 euros à verser, d'une part à la commune de Quiberon et, d'autre part, ensemble aux sociétés Reco et Cayuco.

D E C I D E :

Article 1er : La requête la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera une somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune de Quiberon et, d'autre part, aux sociétés Reco et Cayuco prises ensemble, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Reco, Cayuco et Distribution Casino France, à la commune de Quiberon et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 2 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au préfet du Morbihan en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT04123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04123
Date de la décision : 19/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-19;22nt04123 ?
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