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16/01/2024 | FRANCE | N°22NT02661

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 16 janvier 2024, 22NT02661


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou, et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 10 août 2020 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant

Souchila Maxime Chamgo Ngakanou et à Mme D... E... des visas d'entrée et de long séjour au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou, et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 10 août 2020 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou et à Mme D... E... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2111740 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 août 2022 et 14 juin 2023, Mme F..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou, et Mme D... E..., représentées par Me Bourgeois, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

- l'identité et le lien de filiation sont établis par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... et Mme E... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante camerounaise née le 7 mars 1974, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 2 mai 2018. Des demandes de visas de long séjour au titre de la réunification familiale ont été déposées pour Mme D... E..., née le 17 juillet 2002, et pour l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou, née le 17 septembre 2008, que Mme C... présente comme ses enfants. Ces demandes ont été rejetées par une décision de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) du 10 août 2020. Le recours formé contre cette décision formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 16 décembre 2020. Mme C... et Mme E... ont alors saisi le tribunal administratif de Nantes. Elles relèvent appel du jugement de ce tribunal du 25 avril 2022 rejetant leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Douala, sur la circonstance que l'identité de l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou et de Mme D... E... et, partant leur lien de filiation avec Mme C..., n'étaient pas établis.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L.752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du même code : " I. -Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.

4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour justifier de l'identité des demanderesses de visa, deux actes de naissance n° 61/2002 et n° 101 E/2008 établis par le centre d'état civil de Deido et Akwa Nord ont été produits. Ils font état de la naissance de Mme D... E..., le 17 juillet 2002, et de l'enfant Souchila Maxime Chamgo Ngakanou, le 17 septembre 2008, de Mme B... C... née le 7 mars 1974. Toutefois, une levée d'actes, réalisée par l'autorité consulaire à Douala a fait apparaître que l'acte de naissance n° 61/2002 issu du registre du centre d'état civil de Deido et Akwa Nord correspondait à une tierce personne de sexe masculin, et que l'acte de naissance n° 101 E/2008 n'existe pas dans les registres. Le " procès-verbal d'authentification d'actes de naissance " du 22 février 2021 aux termes duquel l'huissier de justice mandaté par Mme C... " authentifie ", seul, les actes de naissance n° 61/2002 et n° 101 E/2008 ne permet pas d'établir l'absence de caractère frauduleux de ces actes. Par ailleurs les photographies du registre d'état civil comportant les souches des actes de naissance, produites pour la première fois en appel par les requérantes, et dont l'origine et les conditions de réalisation ne sont pas connues, ne permettent pas non plus d'établir l'authenticité de ces mêmes actes. En outre, les éléments présentés pour établir le lien familial par la possession d'état, qui consistent essentiellement en des photographies, des preuves de transferts d'argent réalisés au bénéfice de la fille ainée de Mme C... et de Mme A... qui se présente comme la tutrice des enfants mineurs de la réunifiante, ainsi que des relevés de communications et d'échanges électroniques, ne suffisent pas à établir l'identité des intéressées et leur lien familial. Dans ces conditions, en estimant que l'identité des demanderesses de visas, et partant, leur lien familial à l'égard de Mme C... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées aux points 3 et 4.

6. En second lieu, l'identité et le lien familial allégués n'étant pas établis, ainsi qu'il vient d'être dit, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et Mme E... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme C... et Mme E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérantes doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme C... et de Mme E... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président de la formation

de jugement,

C. RIVASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

S. PIERODÉ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02661
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;22nt02661 ?
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