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16/01/2024 | FRANCE | N°22NT02190

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 16 janvier 2024, 22NT02190


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 30 juin 2021 de l'autorité consulaire française au Togo, refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'un enfant français.



Par un jugement n° 2112076 du 16 m

ai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 30 juin 2021 de l'autorité consulaire française au Togo, refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'un enfant français.

Par un jugement n° 2112076 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2022 et 24 mai 2023, Mme C... A... et M. D... B..., représentés par Me Poulard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Poulard, leur avocate, de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est entachée d'un défaut de motivation de nature à révéler un défaut d'examen particulier de la situation de M. B... ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du risque de menace pour l'ordre public que constituerait sa présence en France ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juillet 2022 du bureau d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... et de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'un enfant français. Mme A... et M. B... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. Si les requérants font valoir que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient demandé à la commission de recours la communication des motifs de sa décision implicite. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, en l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où un visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

5. Il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur ce que M. B... ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, sur ce que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public et sur ce que son comportement marque une volonté constante de s'installer en France.

6. En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Il suit de là qu'il appartient seulement à l'autorité administrative d'apprécier compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des ressources de chacun des deux parents et des besoins de l'enfant, la contribution financière de l'intéressé à l'entretien de son enfant français et son implication dans son éducation.

7. Il est constant que M. B... est le père de l'enfant Keyla B..., ressortissante française née le 24 mai 2019, laquelle vit en France avec sa mère, Mme C... A..., depuis le 25 décembre 2019. Il ressort des pièces du dossier, que si M. B... est en contact téléphonique avec sa fille et la mère de celle-ci dont il est séparé et qu'il n'adresse qu'occasionnellement de l'argent à la mère de sa fille, notamment pour l'anniversaire de cette dernière, M. B... ne peut être regardé comme contribuant à l'entretien et à l'éducation de son enfant au sens de l'article 371-2 du code civil. Il résulte en outre de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pouvait fonder sa décision sur ce seul motif.

8. En troisième lieu, dès lors qu'il n'est pas établi que M. B... participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, la décision implicite de la commission de recours ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux buts dans lesquels elle a été prise, ni comme étant contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. En quatrième lieu, la décision contestée n'a pas été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles régissent la délivrance des titres de séjour demandés par un parent étranger d'un enfant français mineur résidant en France. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions est inopérant et doit dès lors être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en qualité de parent d'une enfant française. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation de jugement,

C. RIVAS

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02190
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : POULARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;22nt02190 ?
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