Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le maire de la commune de Sauzon a délivré à Mme B... un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé lieudit " Brénantec " (Morbihan).
Par un jugement n° 2000456 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 6 août 2019 du maire de Sauzon.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 janvier 2022 et 9 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Sauzon, représentée par Me Gourvennec et Me Le Baron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 novembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande de l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que moyen tiré de ce que le terrain d'assiette du projet constituerait un espace proche du rivage n'a pas été soulevé ni débattu au cours de l'instruction ;
- la décision contestée ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que le secteur d'implantation du projet ne constitue pas un espace proche du rivage ; le secteur d'implantation du projet est déjà urbanisé ; le projet contesté répond à la qualification de densification du secteur ; le projet a pour finalité d'améliorer l'offre de logement ;
- le préfet et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'ont pas entaché leurs avis d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle n'était pas tenue d'opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2022, l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray, représentée par Me Busson, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la commune de Sauzon et de Mme B... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête et le mémoire ont été communiqués à Mme B... qui n'a pas produit d'observation.
Par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juin 2023.
Un mémoire en intervention, présenté pour le pôle d'équilibre territorial et rural du Pays d'Auray, représenté par Me Rouhaud, a été enregistré le 18 décembre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Riou, représentant la commune de Sauzon.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Sauzon a été enregistrée le 26 décembre 2023.
Une note en en délibéré présentée pour l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray a été enregistrée le 27 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a déposé le 18 avril 2019 une demande de permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé lieu-dit " Brénantec " à Sauzon (Morbihan). Par un arrêté du 6 août 2019, le maire de Sauzon lui a délivré le permis de construire sollicité. Le maire a implicitement rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cette décision par l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray (A.A.L.L.P.A). L'association a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 août 2019. La commune de Sauzon relève appel du jugement de ce tribunal du 25 novembre 2021 annulant l'arrêté précédemment mentionné.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la parcelle d'implantation du projet est située dans un espace proche du rivage. Il ressort toutefois des écritures de première instance des parties qu'un tel moyen n'était pas soulevé par l'A.A.L.L.P.A. devant le tribunal, cette dernière contestant seulement le caractère déjà urbanisé du secteur d'implantation du projet. Il s'ensuit que le tribunal s'est fondé à tort sur ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, pour annuler l'arrêté en litige. Dans ces conditions, la commune de Sauzon est fondée à soutenir que le jugement est irrégulier et doit être annulé.
3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par l'A.A.L.L.P.A. devant le tribunal administratif de Rennes en examinant dans ce cadre les moyens recevables présentés devant le tribunal ainsi que ceux présentés devant la cour.
Sur la légalité de l'arrêté contesté du 6 août 2019 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Sauzon :
4. Aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 17 mai 2005, l'A.A.L.L.P.A. a déposé à la sous-préfecture de Lorient ses statuts modifiés, soit plus d'un an avant l'affichage en mairie de la demande de permis de construire déposée par Mme B... le 18 avril 2019. Il ressort de ses statuts que l'association, dont le siège social est à Pluneret, a pour objet de " protéger les sites, les paysages, le patrimoine architectural " ainsi que de " lutter contre le mitage de l'espace rural spécialement en veillant à l'application de la loi littoral " et qu'elle exerce notamment ses activités sur le territoire de la communauté de communes du Pays d'Auray, dont la commune de Sauzon est membre. Compte tenu de son objet statutaire et de ce que l'arrêté contesté autorise la construction d'une maison individuelle sur le territoire d'une commune littorale à Sauzon, l'association justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire litigieux sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle ne soit agréée ni au titre du code de l'environnement ni au titre du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Sauzon doit être écartée.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
6. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. ". Aux termes de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " (...) III.- Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi. (...) ". Les secteurs ainsi mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme sont les secteurs déjà urbanisés.
7. D'une part, il résulte de ces dispositions que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées que les constructions réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ou, sous certaines conditions, au sein des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, se distinguant des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ou de ces secteurs déjà urbanisés.
8. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté que le lieu-dit " Brénantec ", situé à environ un kilomètre du bourg de Sauzon et dans lequel est compris le terrain d'assiette du projet, ne constitue pas un village ou une agglomération au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Le schéma de cohérence territoriale (S.C.O.T.) du Pays d'Auray applicable à la date de la décision en litige n'a pas classé ce lieu-dit en tant qu'agglomération ou village. Cependant ce lieu-dit comporte, en son centre, une trentaine de maisons d'habitation densément regroupées sur plusieurs rangs de part et d'autre de deux voies publiques et est desservi par les réseaux publics d'assainissement, d'électricité et d'eau. Par suite, la construction projetée par Mme B..., se situe dans un secteur déjà urbanisé, autre qu'une agglomération ou un village existant, au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018. En outre, d'une part, la construction projetée d'une surface de plancher de 74 m² qui s'insère entre deux parcelles qui supportent déjà des constructions, au sein de ce secteur déjà urbanisé, n'aura pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti et, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'opération projetée qui porte sur une maison à usage d'habitation contribuera à l'amélioration de l'offre de logement.
9. D'autre part, l'objectif d'urbanisation limitée visé par les dispositions précitées du 2ème alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme implique que soit retenu dans sa totalité, comme espace proche du rivage, un territoire dont le développement urbain forme un ensemble cohérent. Si le critère de covisibilité est à prendre en compte pour la définition d'un tel espace proche du rivage, il n'implique donc pas que chacune des parcelles situées au sein de cet espace soit située en covisibilité de la mer, dès lors que ces parcelles ne peuvent être séparées de l'ensemble cohérent dont elles font partie.
10. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet appartient à un ensemble cohérent de parcelles situées à moins de 500 mètres du rivage de la ria de Sauzon, dont une partie est en situation de covisibilité de la mer, comme l'indique la carte intitulée " proposition de tracé des espaces proches du rivage " du projet plan local d'urbanisme, et dont il est séparé par des parcelles agricoles ou naturelles. Par ailleurs, à la date de la décision en litige, le schéma de cohérence territoriale (S.C.O.T.) du Pays d'Auray a identifié le secteur de " Brénantec " en tant qu'espace proche du rivage. A cet égard, les parties ne sont pas fondées à se prévaloir du projet de S.C.O.T. en cours d'élaboration qui n'était pas applicable à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le terrain d'assiette du projet litigieux doit être regardé comme un espace proche du rivage au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Cette circonstance faisait obstacle à ce que, bien qu'identifié en tant que secteur déjà urbanisé, le permis de construire contesté soit délivré au sein du lieudit " Brénantec ".
11. Dès lors c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que le maire de la commune de Sauzon a délivré, le 6 août 2019, le permis de construire en litige. Celui-ci doit par suite être annulé.
12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.
13. Par ailleurs, et pour l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du même code, le vice mentionné au point 9 du présent arrêt n'est pas susceptible d'être régularisé.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 6 août 2019 du maire de Sauzon accordant un permis de construire à Mme B....
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Sauzon demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font également obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray, le versement de la somme que Mme B... demande, dans ses écritures de première instance, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la seule commune de Sauzon le versement de la somme de 1 500 euros à l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000456 du tribunal administratif de Rennes du 25 novembre 2021 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 6 août 2019 du maire de Sauzon accordant un permis de construire à Mme B... est annulé.
Article 3 : La commune de Sauzon versera à l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sauzon, à l'Association pour l'Application de la Loi Littoral dans le Pays d'Auray et à Mme A... B....
Copie en sera adressée transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lorient en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président de la formation
de jugement,
C. RIVAS
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00222