Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours formé contre les décisions du 6 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire), refusant de délivrer à Mme B... et au jeune D... F... B... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2112563, 2112564 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E... B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2022, Mme E... B..., représentée par Me Keufak Tameze, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2022 en tant qu'il rejette sa demande ;
3°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, au besoin sous astreinte, de lui délivrer le visa sollicité ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à Mme A..., mère de Mme B..., d'une somme de 2 000 euros et à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 434-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- les actes d'état civil produits sont authentiques ;
- il n'a pas été procédé aux vérifications des documents d'état civil produits auprès des autorités ivoiriennes ;
- le lien de filiation est établi par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 9 août 2022, resté sans réponse, Me Keufak Tameze, a été invité à produire à la cour, dans un délai de 15 jours, le justificatif du dépôt de son dossier d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 2 juin 1982, résidant régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle, a déposé une demande de regroupement familial en faveur de ses enfants allégués, E... B..., née le 10 juin 2001, et D... F... B..., né le 15 novembre 2004. Cette demande a été acceptée par une décision du préfet de police de Paris du 27 octobre 2020. Les demandes de visa de long séjour en qualité de bénéficiaires de la procédure de regroupement familiale déposées pour les intéressés ont toutefois été rejetées par deux décisions de l'autorité consulaire française à Abidjan du 6 juillet 2021. Le recours contre ces décisions a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Les intéressés ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces décisions. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2022 en tant qu'il rejette sa demande.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente (...) ".
3. Compte tenu à la fois de sa nature, de la date à laquelle la requête a été introduite devant la cour par la requérante et de l'absence de toute réponse donnée par cette dernière à l'invitation qui lui a été faite par le greffe de présenter un dossier d'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu en l'espèce d'accorder à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Abidjan, sur la circonstance que l'identité de Mme B..., et partant, son lien de filiation avec Mme A..., n'étaient pas établis.
5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de la décision contestée : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. "
6. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.
7. Il s'ensuit que la commission n'a pas commis d'erreur de droit en opposant l'absence de caractère authentique de l'acte d'état civil produit et ce, alors même que le préfet de police de Paris avait autorisé, le 27 octobre 2020, le regroupement familial sollicité et le moyen doit, par suite, être écarté.
8. En deuxième lieu, l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
9. Pour justifier de son identité, Mme B... a produit un extrait et une copie intégrale d'acte de naissance établie le 15 octobre 2020 par l'officier d'état civil de la commune de Yopougon. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les vérifications sécuritaires réalisées lors de l'instruction de la demande de visa présentée par Mme B... ont fait apparaitre une correspondance biométrique avec une précédente demande de visa établie au nom d'une tierce personne née le 11 juin 2002. Si Mme B... soutient que cette dernière demande de visa a été présentée par une personne dont l'identité est différente de la sienne, cette seule affirmation ne suffit pas à remettre en cause les résultats de l'analyse des données biométriques du logiciel " réseau mondial visa " ayant révélé une correspondance dans l'identité des deux demanderesses de visa. Cette circonstance constitue une donnée extérieure à l'acte de naissance produit par l'intéressée, de nature à remettre en cause sa valeur probante. Dans ces conditions, et alors que Mme B... ne produit aucun autre document, l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa de Mme B... ne peut être regardé comme permettant d'établir son identité. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a estimé que l'identité de Mme B..., et partant son lien de filiation n'étaient pas établis.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. (...) ".
11. Ces dispositions n'imposaient pas à l'autorité administrative de saisir, préalablement au refus opposé, les autorités ivoiriennes afin qu'elles vérifient l'authenticité et l'exactitude des actes d'état civil produits au soutien de la demande de visa. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit, par suite, être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Le lien familial n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement, à Mme A..., mère de Mme B..., et à son conseil, des sommes demandées en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ces conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme B... n'est pas admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Keufak Tameze.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
S. PIERODÉ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02602