Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête n° 2010656, Mme J... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 23 août 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre la décision du 21 août 2019 des autorités consulaires françaises à Djibouti refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour, en qualité de membre de famille de réfugié.
Par une requête n° 2010657, Mme I... B... A..., agissant en son nom et en tant que représentante légale de l'enfant C... Abdillahi D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la même décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre la décision du 21 août 2019 des autorités consulaires françaises à Djibouti refusant de délivrer au jeune C... un visa d'entrée et de long séjour, en qualité de membre de famille de réfugié.
Par un jugement nos 2010656, 2010657 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande Mme I... B... A..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer à l'enfant C... Abdillahi D... un visa de long séjour et a rejeté la demande de Mme F... A... dirigée contre la décision de la commission de recours en tant qu'elle refuse de lui délivrer le visa qu'elle sollicitait.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, Mme J... B... A..., représentée par Me Murillo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 23 août 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté son recours contre la décision de l'autorité consulaire française à Djibouti du 21 août 2019 refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité membre de famille de réfugié ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que la décision contestée, en ce qu'elle se fonde sur l'absence de lien de filiation l'unissant à Mme Mme I... B... A..., est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme J... B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme I... B... A..., ressortissante djiboutienne, née le 14 janvier 1984 à Djibouti, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du 30 juillet 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Par des décisions du 21 août 2019, les autorités consulaires françaises à Djibouti ont rejeté les demandes de visas de long séjour présentées par ses enfants alléguées, F... A... et G... D..., nées, respectivement, le 8 mai 2001 et le 5 février 2007, en qualité de membres de famille de réfugié. Par une décision implicite née le 23 août 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme I... B... A..., la décision implicite de la commission en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à l'enfant C... Abdillahi Moujoumed et a rejeté la demande de Mme J... B... A... tendant à l'annulation de cette même décision en tant qu'elle refuse de lui délivrer le visa qu'elle sollicitait. Mme F... A... relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur (et jusqu'au 1er mai 2021): " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) ".
3. Il ressort du mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur en première instance que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer le visa sollicité par Mme J... B... A... au motif qu'étant la sœur de Mme E... A..., réfugiée statutaire, et non sa fille, elle n'était pas éligible à la procédure de réunification familiale.
4. A l'appui de la demande de visa de Mme J... B... A... a été produit un extrait d'acte de naissance n° 2446, délivré le 7 avril 2019 par un officier de l'état civil de Djibouti, indiquant qu'elle est la fille de M. B... A... et de Mme H.... Par un jugement n° 23/2020 du 24 janvier 2020, le tribunal du statut personnel de première instance de Djibouti a toutefois déclaré que ces derniers étaient ses grands-parents maternels et qu'en réalité, la mère biologique F... A... était Mme I... B... A..., née à Djibouti, le 14 janvier 1984. Par ce même jugement, le tribunal a également ordonné " le rattachement de la lignée (filiation) de la fille dénommée J... à sa mère réelle Mme I... B... A... " et la délivrance à l'intéressée de " ses pièces de nationalité au nom de sa mère susmentionnée ". En outre, en exécution du jugement du 24 janvier 2020, l'officier de l'état civil du centre d'état civil de Djibouti a dressé, le 6 septembre 2023, un acte de naissance n°2446 constatant que Mme J... B... A... est la fille de Mme I... B... A.... Ces documents, dont l'authenticité n'est pas remise en cause par le ministre de l'intérieur, établissent le lien de filiation de l'intéressée. Par suite, en estimant que ce lien de filiation n'était pas démontré, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme J... B... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme J... B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Murillo dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 mai 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme J... B... A....
Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme J... B... A....
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme J... B... A... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Murillo, avocate de Mme J... B... A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Murillo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Buffet, présidente,
Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLe greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22NT00216