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17/11/2023 | FRANCE | N°23NT01677

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 novembre 2023, 23NT01677


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300679 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 f

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2300679 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays de destination, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juin 2023 et le 18 octobre 2023, le préfet du Calvados demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen.

Il soutient que :

- il n'a pas entaché la décision fixant le pays de destination d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C... ; la demande d'asile de ce dernier a été rejetée le 21 janvier 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2022 ; la demande de réexamen a également été rejetée pour irrecevabilité le 22 décembre 2022 par l'OFPRA ; la situation de M. C... a été prise en compte et ce dernier n'a pas démontré qu'il encourt un risque de traitements inhumains ou dégradants contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Afghanistan ; la province de Sari-Pol n'est pas considérée comme étant dans une situation de violence aveugle à l'égard des civils ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés le 16 octobre 2023 et le 20 octobre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), M. C..., représenté par Me Hourmand, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Calvados ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 en tant que le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français et l'a interdit de retour sur le territoire ;

2°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une incompétence de son auteur et méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 et du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une incompétence de son auteur, d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est fondée sur des décisions illégales portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 12 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né le 20 février 1995 à Sar-é-Pol, est entré en France le 10 juin 2021 selon ses déclarations. Le préfet du Calvados relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être éloigné. M. C... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation des décisions du 16 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur ce territoire.

Sur l'appel principal du préfet du Calvados :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados, qui mentionne que la demande d'asile de M. C... a été rejetée le 31 janvier 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2022, que sa demande de réexamen a été considérée comme irrecevable par l'OFPRA le 28 décembre 2022, et procède à l'examen de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé avant de fixer le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

3. Dès lors, le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision fixant le pays de destination sur le motif tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C.... Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Caen et la cour.

4. En premier lieu, par un arrêté du 19 janvier 2023, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 14-2023-012 du même jour et consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet du Calvados a donné délégation à M. B... A..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement, à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en litige doit, par suite, être écarté.

5. En second lieu, le requérant soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan du fait de la perception négative par les talibans et la société afghane des ressortissants ayant quitté le pays pour s'installer en Europe, de son isolement familial en cas de retour et de la situation de violence aveugle des provinces d'Afghanistan qu'il devra traverser pour retourner dans sa province de Sar-é-Pol, à commencer par celle de Kaboul dont l'aéroport constitue le point d'accès en Afghanistan. Toutefois, il ne produit aucun élément au dossier permettant de justifier de la réalité de risques personnels en cas de retour en Afghanistan. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'il a été dit au point 2. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 16 février 2023 fixant le pays à destination duquel M. C... est susceptible d'être éloigné et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

Sur l'appel incident de M. C... :

7. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 16 février 2023 doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 et du b du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 4 à 6 du jugement attaqué.

9. En dernier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour sur ce territoire doit être annulée par voie de conséquence.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de ses conclusions. Ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Me Hourmand et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01677
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-17;23nt01677 ?
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