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17/11/2023 | FRANCE | N°22NT03332

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 novembre 2023, 22NT03332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée.

Par un jugement n° 1907509 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2022 et 19 juin 2023, M. A..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée.

Par un jugement n° 1907509 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2022 et 19 juin 2023, M. A..., représenté par Me Flynn, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de deux mesures de fermeture administrative de la discothèque " Le VIP ", située à Venansault, prises par le préfet de la Vendée, et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les arrêtés des 17 février et 31 mai 2016 du préfet de la Vendée ont été suspendus par le juge des référés en raison du doute sérieux quant à leur légalité, puis annulés par deux jugements du 4 novembre 2016 ; ces deux décisions étant illégales, la préfecture de Vendée a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- l'EURL Guepass a subi un préjudice matériel et financier du fait de la fermeture administrative illégale de la discothèque, qui a été fermée onze jours sur l'année 2016 ; les pertes d'exploitation ont conduit à sa liquidation judiciaire en juillet 2016, ou, à minima, une perte de chance d'y échapper ; il est fondé à demander la somme de 106 065,60 euros correspondant au capital qu'il avait investi dans cette société ainsi qu'une somme de 20 000 euros du fait des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... était gérant de l'EURL Guepass, qui exploitait à Venansault (Vendée) une discothèque. Par un arrêté du 17 février 2016, annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Nantes du 4 novembre 2016, le préfet de la Vendée a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée d'un mois à compter du 18 février 2016 compte-tenu d'infractions constitutives de travail illégal, en application de l'article L. 8211-1 du code du travail. Par un arrêté du 27 avril 2016, le préfet de la Vendée a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée de trois mois, en application de l'article L. 253-4 du code de la sécurité intérieure, pour défaut de déclaration d'un système de vidéoprotection de onze caméras. Par un second jugement du 4 novembre 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du 31 mai 2016 refusant d'abroger la décision de fermeture administrative de trois mois du 27 avril 2016, pour erreur manifeste d'appréciation alors que l'exploitant avait enlevé les caméras irrégulièrement installées. M. A..., estimant que la liquidation judiciaire de l'EURL Guepass, prononcée le 13 juillet 2016 par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, résultait de ces deux mesures administratives illégales, a demandé au tribunal administratif de Nantes, en son nom propre, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 126 065,60 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de ces deux arrêtés illégaux. Il relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Toute illégalité est constitutive d'une faute. Ainsi, la décision par laquelle l'autorité administrative rejette illégalement une demande constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, à condition, notamment, que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité ainsi commise et le préjudice invoqué puisse être établi.

3. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de plan d'apurement du passif du 14 juin 2016 de l'EURL Guepass, que les difficultés de cette entreprise, ayant conduit à sa liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon du 13 juillet 2016, ont pour origine un chiffrage inexact des travaux nécessaires à l'ouverture de la discothèque, avec un dépassement du budget initial de 150 000 euros en raison notamment du coût des mises aux normes et du retard sur les travaux du bâtiment qui a dû reporter son ouverture de juin 2014 à octobre 2014, ainsi qu'une mauvaise appréciation de l'estimation du chiffre d'affaires pouvant être escompté, basé sur la somme de 1 140 000 euros alors que le chiffre d'affaires n'a pas dépassé 600 000 euros la première année d'ouverture. En outre, les loyers étant dus à compter de février 2014 alors que la discothèque n'était pas encore ouverte, l'entreprise a dû les acquitter sans contrepartie à hauteur de 50 000 euros et l'ensemble de ces charges a obéré sa trésorerie. Le passif de l'entreprise au 14 juin 2016 était ainsi évalué à 1 447 991,03 euros et, s'il est indiqué dans ce plan que les deux mesures de fermeture administrative du préfet de la Vendée ont généré une perte de chiffre d'affaires d'environ 140 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que la liquidation judiciaire n'aurait pas été prononcée en l'absence de ces périodes brèves de fermeture. Au contraire, il ressort du jugement du 13 juillet 2016 que la liquidation judiciaire de l'entreprise a été prononcé au motif qu'elle avait " généré de nouvelles dettes auxquelles elle ne pouvait faire face ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la fermeture administrative de la discothèque du fait des deux arrêtés du préfet de la Vendée des 17 février et 31 mai 2016 ait un lien de causalité direct et certain avec cette liquidation judiciaire.

4. Au surplus, M. A... ne justifie pas la perte personnelle d'un investissement en capital de 106 065,60 euros en produisant le " K-Bis " de la société faisant état d'un capital social de 20 000 euros ainsi qu'un relevé de la comptabilité de l'entreprise mentionnant un apport en compte courant d'associé de la SARL GUEMAS d'un montant de 86 065,60 euros. Il ne justifie pas davantage d'un préjudice moral et d'un trouble dans ses conditions d'existence en produisant un certificat médical du 14 mars 2018 mentionnant une situation de syndrome anxiodépressif au 10 avril 2017 et se bornant à relater les dires du requérant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Flynn et au préfet de la Vendée.

Une copie du présent arrêt sera adressée pour information au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03332
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-17;22nt03332 ?
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