Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019 du maire de la commune de Huelgoat, ainsi que la décision du 29 mai 2019 de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1902990 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre 2022 et 12 mai 2023, M. B..., représenté par Me Logeat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 août 2022 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019 du maire de la commune de Huelgoat ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Huelgoat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du respect de la condition provisoire des mesures ordonnées et n'examine pas le moyen tiré du caractère incomplet de l'arrêté du maire ;
- l'arrêté du 26 avril 2019 est insuffisamment motivé ;
- les mesures édictées par un maire en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'urbanisme ne peuvent être que provisoires ; la démolition de la toiture et de la charpente ne peuvent être regardées comme des mesures provisoires ; l'écart entre l'arrêté de péril imminent et l'intervention de la commune démontre qu'il n'y avait pas d'urgence ;
- l'arrêté du 26 avril 2019 est incomplet en ce qu'il ne prend pas en compte la mitoyenneté de l'immeuble avec un bâtiment propriété de la commune ; les désordres trouvent leur origine dans ce bâtiment appartenant à la commune duquel se déverse des eaux sur sa propriété ;
- les mesures prescrites par l'arrêté du 26 avril 2019 sont disproportionnées et constituent une atteinte au droit de propriété ; il a sollicité la commune le 26 octobre 2021 afin que des artisans puissent intervenir sur son bâtiment mais celle-ci n'a jamais répondu et a fait intervenir une entreprise qu'elle a choisie ; les travaux réalisés ont été mal exécutés ;
- l'arrêté du 26 avril 2019 est entaché d'un détournement de procédure ;
- il reprend l'ensemble des moyens de première instance.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 février et 3 juin 2023, la commune de Huelgoat, représentée par Me Quentel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Clairay, représentant M. B... et de Me Quentel, représentant la commune de Huelgoat.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire d'une maison d'habitation inhabitée, située 1 rue des Cendres, sur une parcelle cadastrée section AD n°58, sur le territoire de la commune de Huelgoat (Finistère). Compte-tenu de la chute de bouts de bois et d'ardoises provenant de la toiture de cet immeuble, et en l'absence de travaux de sécurisation par M. B... en dépit des courriers de la mairie le sollicitant à cet effet, une expertise a été diligentée par le tribunal administratif de Rennes par ordonnance du 7 mars 2019 à la demande de la commune. L'expert a déposé son rapport le 11 mars 2019, complété le 19 avril 2019. Le maire de Huelgoat a pris le 26 avril 2019 un arrêté de péril imminent concernant cette construction et a mis en demeure M. B..., dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cet arrêté, de procéder à la démolition de la toiture et de la charpente de son immeuble. M. B... relève appel du jugement du 4 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs du jugement que le tribunal administratif de Rennes s'est prononcé sur le moyen tiré du caractère incomplet de l'arrêté du maire au point 7. Il est en outre suffisamment motivé aux points 6 et 7 s'agissant de ce moyen et de celui tiré de l'absence de respect de la condition tenant au caractère provisoire des mesures ordonnées par le maire dans le cadre d'un arrêté dit de péril imminent. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités pour ces motifs.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 26 avril 2019 et du défaut d'information de l'architecte des bâtiments de France de l'engagement de la procédure prévue par l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 2 à 4 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / (...) ".
5. D'autre part, la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.
6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert du 19 avril 2019, que, s'agissant du bâtiment en litige appartenant à M. B..., " l'état du clos couvert, et notamment l'éventrement de la charpente, rendent le péril d'effondrement certain. De plus, la grande quantité d'ardoises non fixées entraîne à ce jour de nombreuses chutes qui peuvent s'avérer très dangereuses. (...) le péril est imminent ". L'expert préconise en conséquence " sans délai la démolition de la toiture et de la charpente de cette bâtisse ", son état étant " beaucoup trop inquiétant pour envisager de raccommoder les protections déjà mises en place depuis des années. De plus, l'état de dégradation des menuiseries pourrait générer des appels d'air violents qui faciliteraient l'effondrement de la charpente et de la couverture. (...) ". L'expert conclut alors à l'existence d'un péril grave et imminent. Il n'est pas contesté par M. B... que la toiture et la charpente du bâtiment dont il est propriétaire sont dans un état de dégradation avancée mettant en danger la sécurité publique. Il en résulte qu'en prescrivant par arrêté du 26 avril 2019 la démolition de la toiture et de la charpente, la commune de Huelgoat n'a pas excédé par leur nature et leur ampleur les mesures provisoires pouvant seules être légalement prescrites à un propriétaire selon la procédure de péril imminent prévue par les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation et à même de garantir la sécurité publique et n'a pas non plus méconnu ces dispositions.
7. Par ailleurs, si M. B... a déposé le 20 mai 2019 une déclaration préalable de travaux portant sur " la dépose de la couverture, des voliges et dépose de la charpente. Confortation des arases et tous travaux de moellonnage complémentaires incluant l'évacuation des gravas à la décharge contrôlée ", il n'a cependant pas mis en œuvre les travaux prescrits par l'arrêté en litige alors même que le maire a pris un arrêté de non-opposition à cette déclaration préalable dès le 27 juin 2019. En effet, il ressort d'un procès-verbal de constat du 28 septembre 2020 ainsi que d'un rapport de constat d'urgence établi en avril 2021 à la suite d'une ordonnance du tribunal administratif de Rennes du 28 décembre 2020, que les travaux n'étaient pas exécutés à ces dates, laissant ainsi perdurer le péril. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, contrairement à ce que M. B... soutient, qu'il ait mandaté des entreprises pour procéder aux travaux nécessaires pour faire cesser le péril imminent entre le 26 avril 2019 et janvier 2022. Ainsi, par courrier du 26 octobre 2021, M. B... a informé le maire de Huelgoat avoir missionné une entreprise pour " protéger la toiture (...), mettre en place un support pour refixer la gouttière et le fel'x ", toutes mesures insuffisantes pour remédier au péril imminent. La durée du temps écoulé entre la date de l'arrêté de péril imminent et l'exécution d'office des travaux par la commune en janvier 2022 est sans incidence sur le caractère urgent de la mesure provisoire alors au demeurant que l'arrêté en litige a demandé à M. B... de procéder à ces démolitions dans un délai de quinze jours à compter de la date d'affichage de l'arrêté, sans succès.
8. En outre, M. B... n'est pas fondé à invoquer les conséquences de la mesure de démolition au 21 mars 2022, à savoir l'absence de protection sur le pignon mitoyen du bâtiment qui a provoqué des dégâts des eaux importants sur l'ensemble des bâtiments de sa parcelle, dès lors qu'il lui appartenait de réaliser de tels travaux de protection qui n'entrent pas dans le champ des mesures nécessaires pour faire cesser le péril imminent.
9. Enfin, M. B... ne justifie pas que la mesure prescrite, circonscrite à la charpente et à la toiture, porterait atteinte à son droit de propriété, quand bien même il serait nécessaire de procéder également à des études pour supprimer toutes les liaisons hydrauliques provenant des deux bâtiments du n° 3 rue des Cendres avec les bâtiments mitoyens du n° 1 et n° 2 venelles de l'Eglise et de traiter tous les problèmes provoqués par les champignons lignivores à partir des liaisons hydrauliques trouvant leur origine dans les bâtiments voisins appartenant à la commune.
10. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 511-2 du code de construction et de l'habitation alors applicable ne concernent que le caractère contradictoire de la procédure de péril ordinaire. M. B... n'est par suite pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces dispositions en ce qu'elles prévoient que, dans les cas où il apparaît que la partie de l'immeuble menaçant ruine dont la démolition ou la réparation est envisagée se trouve en copropriété ou en mitoyenneté, l'arrêté de péril doit mettre en cause tous les copropriétaires et propriétaires mitoyens. Le moyen tiré du " caractère incomplet " de l'arrêté de péril imminent du 26 avril 2019, pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du même code, doit être par suite écarté.
11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'arrêté du 26 avril 2019 est justifié par l'état de délabrement de la propriété du requérant. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la procédure de péril imminent soit entachée d'un détournement de procédure, alors même que, par un courrier du 3 juillet 2018, le maire de Huelgoat lui avait fait part de sa recherche de terrains dans le cœur du bourg et de ce que l'îlot lui appartenant avait été identifié comme " endroit à reconquérir ", qu'un article publié dans le quotidien Ouest France du 27 mai 2019 fait état d'un projet de construction d'une maison médicale dans le bourg et que l'avocat du requérant l'a informé, par courrier du 6 mai 2019, que la commune souhaite acheter l'intégralité de " l'ilot litigieux " à M. B... en contrepartie de quoi elle renoncerait à exiger les travaux provisoires prescrits par l'arrêté de péril. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. En dernier lieu, à supposer que les travaux de démolition de la toiture et de la charpente, exécutés sur demande de la commune de Huelgoat, ne l'ont pas été dans les règles de l'art, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2019.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Huelgoat sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Il est mis à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Huelgoat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Huelgoat.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.
La rapporteure,
L. CHOLLET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03172