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14/11/2023 | FRANCE | N°23NT01486

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 novembre 2023, 23NT01486


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2200094 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Pau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2200094 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Paugam, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle dans la mesure où le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant n'y est pas visée, méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 mai 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 octobre 2021, Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 10 novembre 2000, entrée en France en septembre 2018, a sollicité auprès du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 octobre 2021, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination vers lequel elle pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. La décision contestée vise l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est fondée notamment sur le fait que le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé de Mme A... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle mentionne des éléments de la biographie de l'intéressée. Le préfet de la Loire-Atlantique a ainsi suffisamment motivé sa décision tant en droit qu'en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision que le préfet de la Loire-Atlantique a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... même s'il n'a pas visé le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".

5. Dans son avis du 6 août 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

6. Pour contester le motif pris de ce que le défaut d'une prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme A..., qui a levé le secret médical en précisant qu'elle souffre d'une hépatite B chronique, verse deux certificats médicaux, au demeurant postérieurs à la date de l'arrêté contesté. L'un des certificats, qui a été établi le 22 janvier 2021, se contente d'affirmer que l'état de santé de Mme A... lui permet d'accéder au statut d'étranger malade. L'autre, qui est datée du 3 janvier 2022, indique seulement que l'état de santé nécessite un suivi spécialisé régulier qui est inaccessible dans le pays d'origine de Mme A.... Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique, en s'appropriant le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et en refusant de délivrer un titre de séjour de M. A... et en retenant ce motif, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

7. Le séjour de Mme A..., qui est entrée en France en septembre 2020, soit depuis à peine plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté, est récent. L'intéressée n'a pas d'autres attaches familiales en France que ses trois enfants, qui y sont nés en 2019, 2020 et 2022. Elle n'établit ni n'allègue avoir établi un réseau amical en France. Dans ces conditions d'entrée et de séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Rien ne fait obstacle à ce que les enfants de Mme A..., eu égard notamment à leur jeune âge, suivent leur mère dans son pays d'origine et y poursuivent une existence et une scolarité normales. Par suite, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'elle est fondée, comme en l'espèce, sur les dispositions alors mentionnées au 3° de l'article L. 611-1 du même code, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour pour soins, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

13. En l'espèce, Mme A... a versé des certificats médicaux, comme il a été dit au point 6. De tels documents ne démontrent pas la réalité d'un état de santé d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement aux points 7, 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A... doivent être rejetées.

15. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. La décision fixant le pays de destination précise la nationalité de Mme A..., vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que l'intéressée n'établit pas que sa vie ou sa liberté soient menacées ni qu'elle soit exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne en cas de retour dans le pays de renvoi. Dès lors, elle est suffisamment motivée en fait et en droit.

17. Si Mme A..., dont la demande d'asile a au demeurant été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, invoque des craintes en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément suffisant pour établir qu'elle encourrait des risques pour sa vie ou sa liberté ou qu'elle y serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas ces stipulations et dispositions.

18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement aux points 7, 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination sur la situation personnelle de Mme A... doivent être rejetées.

19. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fin d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01486
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PAUGAM

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;23nt01486 ?
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