La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2023 | FRANCE | N°23NT00904

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 novembre 2023, 23NT00904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2113039 du 28 février 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 mars et 3 juillet 2023 M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2113039 du 28 février 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 mars et 3 juillet 2023 Mme B..., représentée par Me Le Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de dix euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2023 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat ;

- et les observations de Me Le Floch, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ukrainienne née le 23 septembre 1992, est entrée en France le 25 août 2014, selon ses déclarations. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par une décision du 13 juin 2017 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 11 décembre de la Cour nationale du droit d'asile. L'intéressée s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire pour raisons médicales valable du 6 octobre 2019 au 5 décembre 2020, dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 20 septembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision n'est pas suffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, moyens que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Par un avis du 2 juin 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un stress post-traumatique et de dépression. Il ressort également des pièces du dossier que, pour la prise en charge de ces pathologies, Mme B... s'est vu prescrire un traitement médicamenteux composé de Paroxétine, Olanzapine et Alprazolam. Toutefois, le seul certificat médical produit qui a été adressé à l'OFII ne mentionne nullement qu'elle ne pourrait être suivie pour ces pathologies dans son pays d'origine. En outre, les citations de plusieurs articles de presse qui font état des attaques menées par la Russie depuis le 24 février 2022 contre les établissements de santé ukrainiens postérieurement à l'adoption de l'arrêté contesté, ne comportent en tout état de cause aucun élément permettant de démontrer l'impossibilité pour elle d'avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine. Si l'intéressée présente également un état de stress post traumatique, cette seule circonstance, sans autre précision, ne suffit pas à établir qu'un retour dans son pays serait impossible. Dans ces conditions, elle ne produit aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de l'avis du collège de médecin de l'OFII, par le préfet de la Loire-Atlantique quant à l'absence de traitement disponible dans son pays d'origine. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Si Mme B... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis près de sept ans et qu'elle y a établi sa vie privée en France, à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, si elle a travaillé pendant de courtes périodes en 2020 et 2021 alors qu'elle bénéficiait d'une autorisation de travail, en tant qu'employée de commerce puis de serveuse, l'intéressée ne justifie pas d'une particulière intégration dans la société française et ne fait état d'aucune attache particulière en France. Enfin, l'intéressée a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté contesté. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, à la date de la décision contestée, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de la requérante.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En troisième lieu, l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, en cas de retour dans son pays d'origine, Mme B... ne pouvait avoir accès à une prise en charge médicale appropriée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si la requérante fait état du conflit armé en Ukraine pour justifier d'un risque encouru en cas de retour dans son pays d'origine, l'évolution de la situation en Ukraine postérieurement à la date de la décision attaquée est cependant sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi. Cette circonstance est en revanche de nature à faire obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français à destination de l'Ukraine.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT009042

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00904
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;23nt00904 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award