Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 2001440 du 30 septembre 2022 le tribunal administratif de Nantes a, par son article 1, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 82 euros et a, par son article 2, rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2022 M. et Mme B..., représentés par Me Poirier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'un apport de droits sociaux était assimilable à une revente au sens du 3 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts ainsi que du 3° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du même code ;
- les rehaussements procèdent d'une application illégale de la doctrine administrative ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 8 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et selon lesquelles les opérations d'apport de droits sociaux ne doivent conduire à aucune imposition de l'apporteur, ainsi que la loi le prévoit d'ailleurs dans différentes hypothèses ;
- le report d'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport des titres de la SAS B... à la société CBR Invest en vertu de l'article 50-0 B ter du code général des impôts, dont il n'est pas contesté qu'ils remplissaient les conditions pour en bénéficier, s'applique également au titre de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession des titres à M. B..., en vertu du principe de neutralité fiscale ;
- la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 implique par elle-même la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont également été assujettis au titre de ces mêmes années.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., associés de la SAS B..., détenaient respectivement 700 et 3 534 des parts sociales de cette société. Par quatre opérations de cession des 29 mars 2011, 23 décembre 2013, 18 novembre 2014 et 20 mars 2015, Mme B... a cédé à son époux
1 011 de ses parts de la SAS B.... Les intéressés ont par la suite créé, le 17 avril 2015, la société CBR Invest, dont le capital a été constitué par l'apport de la totalité de leurs parts dans la SAS B.... L'administration fiscale, à l'occasion d'un contrôle sur pièces, a estimé que cette opération correspondait à une revente, par M. B..., des titres de la SAS B... acquis auprès de son épouse et a remis en cause, dans ces conditions, l'exonération et l'abattement renforcé d'impôt sur le revenu dont ils avaient bénéficié au titre de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession des titres effectuées au profit de M. B..., en ce qu'elle avait été opérée entre membres d'un même groupe familial. Elle leur a, par conséquent, notifié par une proposition de rectification du 6 décembre 2017 des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement du 30 septembre 2022, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 82 euros et rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu.(...). Aux termes du 3 du même I, applicable aux plus-values
réalisées antérieurement au 31 décembre 2013 : " Lorsque les droits détenus directement ou
indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants ainsi que
leurs frères et sœurs dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés
ou à un impôt équivalent et ayant son siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plus-value réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers. / (...).".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. (...) / Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7,7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. / (...) / 1 quater. A.- Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B du présent 1 quater sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à :/ 1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de la cession ; / 2° 65 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ; / 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. (...) ". Aux termes du B du 1 quater du même article, dans sa version applicable aux plus-values réalisées entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017 : " l'abattement prévu au A s'applique : 3° Lorsque le gain résulte de la cession de droits, détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et descendants ainsi que leurs frères et sœurs, dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent et ayant son siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales qui ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent 3°, si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plus-value, réduite, le cas échéant, de l'abattement mentionné au 1 ter, est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers. ".
4. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2001 à 2015, Mme B... a cédé à son mari, M. B..., 1 011 actions de la SAS B... dont ils étaient les associés. Ces cessions réalisées au sein du groupe familial ont été exonérées d'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions précitées. M. et Mme B... ont ensuite créé, le 17 avril 2015, la société CBR invest par apport de la totalité de leurs actions de la SAS B... notamment celles cédées par Mme B... à son mari ce qui a conduit l'administration à imposer les plus-values réalisées par Mme B... à la suite de ces cessions au motif que les titres ont été revendus à un tiers avant l'échéance du délai de cinq ans. Toutefois, cet apport, qui ne s'est traduit par aucun flux financier, ne peut être assimilé à une revente au sens et pour l'application des dispositions précitées du 3 de l'article 150-0 A du code général des impôts et du 3° du B du 1 quater de l'article 150-0 D de ce code, alors même que M. B... a seulement obtenu en contrepartie de cet apport, des parts sociales au sein de la société CBR Invest. Par conséquent, c'est à tort que l'administration a privé les contribuables de l'exonération prévue par ces dispositions.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à demander à la cour d'annuler l'article 2 du jugement attaqué et de prononcer la décharge des impositions en litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2001440 du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président,
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 22NT037212