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14/11/2023 | FRANCE | N°22NT02213

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 novembre 2023, 22NT02213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1906178 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet 2022, 20 janvier et 31 mai 2023, M. B...

et Mme D..., représentés par Me de Larminat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1906178 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet 2022, 20 janvier et 31 mai 2023, M. B... et Mme D..., représentés par Me de Larminat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens et ont séparément vécu en 2015 et 2016 ; la procédure d'imposition est donc irrégulière dès lors que l'administration aurait dû engager deux examens de situation fiscale personnelle ;

- l'administration n'aurait pas dû imposer les sommes de 1 990 euros et 4 485 euros respectivement perçues en 2015 et 2016 ainsi que les remises d'espèces de 6 000 euros le 24 juin 2016, 5 000 euros le 2 juillet 2016 et 4 000 euros le 9 juillet 2016 sur un de leurs comptes bancaires;

- ils ont été imposés sur des sommes qui ne correspondent en aucun cas à des revenus professionnels ; le montant des sommes imposées doit être limité aux montants de 206 595 euros et à 174 085 euros au titre des années 2015 et 2016 ;

- la majoration pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier, 17 mai et 6 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et demande subsidiairement à la cour si elle devait estimer que la majoration pour manœuvres frauduleuses n'était pas applicable de lui substituer la majoration prévue au a) de l'article 1729 a du code général des impôts en cas de manquements délibérés.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme D... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 à 2016. Par un jugement du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. B... et Mme D... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016. Les intéressés relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. (...) Sauf application des dispositions des 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". (...) / 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) ".

3. Les déclarations des revenus afférentes aux années litigieuses, libellées au nom de M. B... ou Mme D... et spécifiant l'existence d'un foyer fiscal unique et d'une résidence principale commune à Nantes, ont été souscrites par les requérants sans que ceux-ci aient informé l'administration fiscale que leur situation familiale y faisait obstacle. Leur réponse du 27 décembre 2017 à un questionnaire de l'administration au début de l'examen de leur situation fiscale personnelle fait état d'une telle résidence et confirme l'existence d'un seul foyer fiscal. Dès lors, les intéressés ne peuvent pas utilement soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière dans la mesure où l'administration n'a engagé qu'un seul examen de situation fiscale personnelle alors qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens et ont vécu séparément en 2015 et 2016.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne le montant des recettes non déclarées :

4. En application des dispositions de l'article R 190-1 du livre des procédures fiscales, une réclamation adressée à l'administration fiscale avant la mise en recouvrement du rôle est prématurée et, par suite, irrecevable.

5. Il n'est pas sérieusement contesté par les requérants que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant des redressements en base en matière de bénéfice non commercial à hauteur de 1 990 euros pour l'année 2015 et de 4 485 euros pour l'année 2016 n'ont pas été mises en recouvrement. Ce n'est que le 4 mars 2020 que la commission des impôts directs et du chiffre d'affaires d'Ille-et-Vilaine a donné un avis favorable à l'administration sur ces deux redressements en base, soit postérieurement à l'avis de mise en recouvrement du 30 juin 2019. Après l'avis de la commission, aucun nouvel avis de mise en recouvrement n'a été notifié aux intéressés. Dans ces conditions, la réclamation préalable formée par M. B... et Mme D... le 9 octobre 2019 portant sur ces deux rectifications était prématurée et n'a pas été régularisée en cours d'instance. Leur demande tendant à la décharge de sommes résultant de ces redressements en base est irrecevable.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

6. Les requérants ne contestent pas et ont même reconnu dans leur réponse du 26 juillet 2018 à la demande d'éclaircissements et de justifications que la somme globale de 15 000 euros correspondant à trois remises d'espèces de 6 000 euros le 24 juin 2016, 5 000 euros le 2 juillet 2016 et 4 000 euros le 9 juillet 2016 sur l'un des comptes bancaires ouverts au nom de Mme D... sont des espèces d'origine indéterminée. C'est donc à bon droit que l'administration a imposé ainsi ces sommes.

Sur la majoration pour manœuvres frauduleuses :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis "

8. Dans son mémoire en réplique en date du 17 mai 2023 le ministre demande que soit substituée à la pénalité pour manœuvres frauduleuses prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts, la pénalité de 40 % prévue au a. du même article en cas de manquement délibéré. Il appartient au juge, dans une telle hypothèse, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier les pénalités pour manœuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser le manquement délibéré du contribuable et de substituer, dans l'affirmative, la pénalité pour manquement délibéré à la majoration pour manœuvres frauduleuses.

9. L'administration peut appliquer la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue par l'article 1729 du code général des impôts, si l'intéressé a fait usage d'artifices destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Il résulte de l'instruction que le service a relevé pour appliquer la majoration pour manœuvres frauduleuses que Mme D... a fait usage de deux comptes bancaires ouverts en France à son nom dans le cadre de ses activités professionnelles non commerciales dont elle n'a pas révélé l'existence au vérificateur. Toutefois, il n'est pas contesté que le service a pu avoir accès sans difficulté à ces deux comptes bancaires en usant de son droit de communication. Ce faisant, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'intention de Mme E... B..., en ne révélant pas l'existence des deux comptes bancaires ouverts à son nom, d'égarer le pouvoir de contrôle de l'administration, mais seulement de l'intention délibérée de l'intéressée d'éluder le paiement de l'impôt. Dès lors il y a lieu de substituer la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts à la majoration de 80 %, prévue au c. du même article, dont ont été assortis les rappels d'imposition à l'impôt sur le revenu.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses dont ont été assortis les droits en litige. Il y a, toutefois lieu, de substituer la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts à la majoration de 80 %, prévue au c. du même article, dont ont été assortis les droits en litige.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présence instance, la somme de 3 000 euros que demandent M. B... et Mme D... au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue au titre de l'article 1729 du code général des impôts, est substituée à la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses, dont ont été assortis les rappels d'impositions à l'impôt sur le revenu d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge Mme A... D... au titre des années 2015 et 2016.

Article 2 : Le jugement n° 1906178 du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02213
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DE LARMINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;22nt02213 ?
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