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14/11/2023 | FRANCE | N°22NT01939

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 novembre 2023, 22NT01939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... Noyer et Mme A... Noyer ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les revenus mises à leur charge au titre de l'année 2018.

Par une ordonnance n° 2102272 du 5 mai 2022 le président du tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2022 M. B... Noyer et Mme A... Noyer, représentés par Me Dhalluin, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette

ordonnance ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... Noyer et Mme A... Noyer ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les revenus mises à leur charge au titre de l'année 2018.

Par une ordonnance n° 2102272 du 5 mai 2022 le président du tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2022 M. B... Noyer et Mme A... Noyer, représentés par Me Dhalluin, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières n'entrait pas dans le champ des mesures de tempérament prévues par la doctrine administrative BOI-IR-PAS-50-10-30-10.

Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme Noyer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme Noyer, qui ont fait l'objet d'une rectification relative à la taxation de plus-values de cession de valeurs mobilières au titre de l'année 2018, ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les revenus mises à leur charge au titre de l'année 2018. Ils relèvent appel de l'ordonnance du 5 mai 2022 par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que (...) des moyens inopérants (...) ".

3. Pour rejeter la requête de M. et Mme Noyer, le président du tribunal administratif de Caen a estimé que le seul moyen tiré de l'invocation de la doctrine référencée BOI-IR-PAS-50-10-30-10 était inopérant. Toutefois, la circonstance que la taxation de plus-values de cession de valeurs mobilières au titre de l'année 2018 que contestent les requérants n'entre pas dans le champ des mesures de tempérament prévues par cette doctrine ne rendait pas le moyen inopérant. Il suit de là que la demande de M. et Mme Noyer ne pouvait être rejetée par une ordonnance prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. L'ordonnance attaquée est, par suite, entachée d'incompétence et doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme Noyer devant le tribunal administratif de Caen.

Sur l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes du II de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, portant loi de finances pour 2017, dans sa rédaction applicable au présent litige : " A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. / B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. Le montant obtenu est diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales afférents aux revenus mentionnés au 1 du même article 204 A. / C. - Sont pris en compte au numérateur du rapport prévu au B du présent II, pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A, les montants nets imposables suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères, à l'exception : / (...) / 13° Des gratifications surérogatoires, qui s'entendent des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu'ils prévoient, quelle que soit la dénomination retenue ; / 14° Des revenus qui correspondent par leur date normale d'échéance à une ou plusieurs années antérieures ou postérieures ; / 15° De tout autre revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement. / (...) ".

6. Cet article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, modifié notamment par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, instaure, à compter des revenus de l'année 2018 et pour ceux qui entrent dans son champ d'application, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est opéré, pour les revenus salariaux et les revenus de remplacement, par l'employeur ou l'organisme versant. Les dispositions du I de l'article 60 déterminent les modalités de ce prélèvement. Les dispositions de son paragraphe II fixent les modalités de la transition entre les règles antérieures de paiement de l'impôt sur le revenu et le prélèvement à la source, afin que les contribuables ne paient pas, en 2019, l'impôt sur le revenu dû à la fois sur les revenus de l'année 2018 et sur ceux de l'année 2019, en instituant un crédit d'impôt dit de modernisation du recouvrement ayant pour objet d'effacer le montant de l'impôt dû au titre de 2018 correspondant aux revenus non exceptionnels de cette année.

7. Il résulte des termes mêmes des dispositions du II de cet article 60 rappelées au point 5, éclairées par les travaux parlementaires qui ont conduit à leur adoption, que le législateur a entendu exclure du bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instaurent, afin de prévenir tout comportement d'optimisation fiscale, les revenus qui présentent, par leur nature ou leur montant, un caractère exceptionnel, notamment en raison de leur caractère surérogatoire ou parce qu'ils ne sont pas susceptibles d'être recueillis annuellement.

8. Il est constant que la réalisation de plus-values de cession de valeurs mobilières est au nombre des revenus exceptionnels inéligibles au crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement prévu au A du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

Sur le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale

9. M. et Mme Noyer entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 70 de la doctrine administrative référencée BOI-IR-PAS-50-10-30-10 selon lequel : " Afin de prendre en compte les difficultés qu'ont pu rencontrer les contribuables face aux modalités particulières de la déclaration de revenus de l'année 2018, année de transition dans la mise en œuvre du PAS, les contribuables de bonne foi dont la déclaration de revenus de l'année 2018 présente des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances déclaratives révélées à l'occasion d'une procédure contraignante, pourront également, par mesure de tempérament, bénéficier du CIMR et, le cas échéant, du crédit d'impôt complémentaire ".

10. Toutefois, d'une part, selon ce même paragraphe : " (..) Cette mesure de tempérament concerne tous les revenus non exceptionnels entrant dans le champ du PAS, y compris les revenus fonciers ou les bénéfices de l'année 2018 dont le caractère non exceptionnel repose sur un dispositif pluriannuel de plafonnement consistant à comparer le bénéfice réalisé au titre de l'exercice 2018 à ceux réalisés au titre des années 2015, 2016, 2017 puis, le cas échéant 2019 (BOI-IR-PAS-50-10-20-20, BOI-IR-PAS-50-10-20-30) ". D'autre part, selon la doctrine administrative référencée BOI-IR-PAS-10 : " Sont également exclus du prélèvement à la source, qu'ils soient imposés à l'impôt sur le revenu au barème progressif ou à un taux proportionnel : - les revenus de capitaux mobiliers ; - les plus-values immobilières ; - les plus-values de cessions de biens meubles corporels ".

11. Dans ces conditions, les requérants ne rentrent pas dans les prévisions de la mesure de tempérament prévue par la documentation administrative précitée qui exclut les plus-values de cession de valeurs mobilières.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme Noyer ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations d'impôt sur les revenus mises à leur charge au titre de l'année 2018.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2102272 du président du tribunal administratif de Caen du 5 mai 2022 est annulée.

Article 2 : La demande de M. et Mme Noyer devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Noyer, à Mme A... Noyer et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22NT019392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01939
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DHALLUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;22nt01939 ?
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