Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 juin 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1808937 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, Mme A... B..., représentée par Me Pather, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 18 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre à titre principal au ministre chargé des naturalisations de lui accorder la nationalité française et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en méconnaissance de l'article 27 du code civil la décision en litige est insuffisamment motivée en droit, dès lors qu'elle ne mentionne aucun texte prévoyant l'assimilation à la communauté française comme condition de naturalisation, et en fait dès lors qu'elle ne mentionne pas la date de sa demande de naturalisation ni tous les éléments du compte rendu d'entretien la fondant ;
- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 21-24 du code civil et de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993 ; en méconnaissance des préconisations de la circulaire du 16 octobre 2012 les questions sur ses connaissances n'ont pas été insérées dans un échange mais se sont présentées sous forme de questionnaire ; l'autorité administrative n'a pas adapté son niveau d'exigence à sa condition ; elle a démontré une connaissance suffisante des éléments fondamentaux relatifs à la citoyenneté et à la République française ; elle a suivi avec sérieux et assiduité plusieurs formations dispensées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et poursuit son apprentissage de la langue française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 5 juin 1982, relève appel du jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 18 juin 2018 rejetant sa demande de naturalisation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. ".
3. D'une part, en mentionnant l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dans sa décision contestée, le ministre de l'intérieur a énoncé les circonstances de droit constituant son fondement. D'autre part, cette même décision relève l'insuffisance des connaissances de Mme B... concernant les éléments fondamentaux relatifs aux grands repères de l'histoire de la France, aux règles de vie en société et à la place de la France dans l'Europe et dans le monde. Cette insuffisance est explicitée par l'indication des questions auxquelles Mme B... n'a pas su répondre lors de son entretien en préfecture. La décision comporte ainsi les éléments de faits sur lesquelles elle est fondée. A cet égard, la circonstance que le ministre n'ait pas mentionné la date de la demande de Mme B... est sans incidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision, manquant en fait, doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, notamment révélée par son niveau de connaissance de l'histoire, des principes et des institutions de la République, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France.
5. Le ministre chargé des naturalisations a estimé dans sa décision du 18 juin 2018, par laquelle il a rejeté la demande de Mme B..., que cette dernière ne dispose pas d'une connaissance suffisante des éléments fondamentaux relatifs aux grands repères de l'histoire de France, aux règles de vie en société et à la place de la France dans l'Europe et dans le monde.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien d'assimilation de Mme B... et du questionnaire auquel elle a été soumise lors de cet entretien, que l'intéressée n'a pas été en mesure de citer de grandes personnalités de l'histoire de France, des écrivains célèbres ni d'indiquer d'évènement marquant en France au cours de l'année 1789. Elle n'a pas non plus su apporter des éléments concernant la Vème République, ni expliquer les notions de démocratie et de fraternité, ni su répondre à une question, dont le contenu a été explicité lors de l'entretien, portant sur la place de la France dans le monde. Aussi, si Mme B... a su répondre à certaines questions, ses connaissances sur l'histoire, la culture, la société françaises ainsi que sur les principes et valeurs de la République demeurent lacunaires et insuffisantes, malgré sa participation en 2013 à une formation civique et à une session d'information sur la vie en France. Il est par ailleurs établi par le compte-rendu de son entretien en préfecture que Mme B... n'a pas été soumise à un simple questionnaire, sans prise en compte de son parcours personnel. Si elle se prévaut à cet égard de la circulaire du 16 octobre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux procédures d'accès à la nationalité française, cette circulaire est dépourvue de caractère règlementaire. Dans ces conditions et alors même que l'intéressée poursuivrait son apprentissage du français et n'aurait appris à lire et écrire qu'à compter de son arrivée en France, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en retenant une insuffisance d'assimilation à la société française pour rejeter sa demande de naturalisation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant ce qu'il soit enjoint au ministre, à titre principal, de lui accorder la nationalité française ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président de la formation
de jugement,
C. RIVAS
La greffière,
S. PIERODÉ La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01313