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14/11/2023 | FRANCE | N°21NT02589

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 novembre 2023, 21NT02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le maire de Porspoder (Finistère) a délivré à Mme A... un permis de construire pour une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section C nos 99 et 160, situées 3 route de Mescadoroc, la décision du 28 décembre 2018 rejetant son recours gracieux et l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel la même autorité a délivré à Mme A... un permis de construire modificatif pour ce projet.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le maire de Porspoder (Finistère) a délivré à Mme A... un permis de construire pour une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section C nos 99 et 160, situées 3 route de Mescadoroc, la décision du 28 décembre 2018 rejetant son recours gracieux et l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel la même autorité a délivré à Mme A... un permis de construire modificatif pour ce projet.

Par un jugement n° 1900490 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre 2021 et 28 juillet 2022, Mme D... B..., représentée par Me Vallantin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire de Porspoder des 7 septembre 2018 et 12 mai 2020 portant respectivement permis de construire initial et permis de construire modificatif ainsi que sa décision du 28 décembre 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Porspoder le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire contesté est intervenu sur la base d'un dossier de demande insuffisant et erroné, s'agissant notamment de l'existence légale de la construction existante, de la présence d'une grange à l'état de ruine laquelle a ensuite été rénovée sans autorisation ainsi que de la réunion des deux parcelles initiales en une seule sans nouveau plan de masse ;

- il ne respecte pas les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 juillet et 15 septembre 2022 (ce dernier non communiqué), la commune de Porspoder, représentée par Me Gourvennec et Me Guil, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Halna du Fretay, substituant Me Vallantin, représentant Mme B... et celles de Me Riou, substituant Me Gourvennec, représentant la commune de Porspoder.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2018 par lequel le maire de Porspoder (Finistère) a délivré à Mme A... un permis de construire pour une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section C nos 99 et 160, situées 3 route de Mescadoroc, la décision de la même autorité du 28 décembre 2018 rejetant son recours gracieux et l'arrêté de ce maire du 12 mai 2020 portant permis de construire modificatif. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis de construire : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...). ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ".

3. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale.

4. D'une part, dans le formulaire Cerfa de la demande de permis de construire initial renseigné par Mme A..., il est mentionné que " le terrain présente actuellement une baraque d'après-guerre en bois recouverte de plaques de parpaings, assez rustique et non habitable à l'année. Il existe également un hangar où la quasi-totalité est sans toiture. Reste seulement 32 m² seulement de couvert. ". Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice paysagère et des plans joints à la demande de permis, qu'il existe sur le terrain d'assiette du projet " une petite maison de vacances de plain-pied de 70 m² de surface de plancher " édifiée dans les années 50, laquelle doit être démolie pour pouvoir implanter à sa place une nouvelle habitation sur deux niveaux et d'une surface de plancher de 150 m². La demande de permis de construire précise encore que la maison existante en très mauvais état n'est habitable que l'été, qu'il n'y a aucune isolation, que l'électricité n'est pas aux normes et qu'elle ne possède pas d'évacuation d'eau ni d'assainissement aux normes. Les photographies du dossier de demande permettent de visualiser le bâtiment existant et les plans et descriptions du projet permettent d'appréhender précisément la construction future, ses proportions et la présence de deux niveaux. Dans ces conditions et malgré l'utilisation du terme " baraque " dans le formulaire de demande, la présentation du projet n'apparaît ni contradictoire ni trompeuse et n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

5. D'autre part, à supposer même que des travaux aient été réalisés sans autorisation sur la " grange en ruine ", aussi dénommée hangar par Mme A..., apparaissant sur les plans et les photographies de la demande de permis de construire initial, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des permis de construire contestés qui ne portent pas sur cette construction distincte.

6. Enfin, le formulaire Cerfa de demande du permis de construire modificatif mentionne que les parcelles d'origine cadastrées section C nos 99 et 160 ont été regroupées pour ne constituer qu'une seule parcelle cadastrée section C n° 318. La circonstance que dans le plan de masse joint à la demande de permis de construire modificatif apparaisse encore la limite séparant les deux anciennes parcelles C 99 et 160 ne rend pas à elle seule et en tout état de cause le dossier incomplet.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du caractère incomplet et erroné du dossier de demande de permis de construire modifié, de nature à fausser l'appréciation du service instructeur, manque en fait et doit dès lors être écarté.

8. En second lieu, d'une part, l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme dispose que les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues par le même code. En vertu du premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, les dispositions du chapitre relatif à l'aménagement et à la protection du littoral sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, ajouté par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre [relatif à l'aménagement et protection du littoral]. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation. ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement. ". Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des 100 m que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.

10. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme qui prévoient qu'en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-16 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

11. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet sur lequel sont implantées deux constructions, dont la maison existante à démolir, est entouré sur les côtés nord, est et sud de parcelles bâties. Il est séparé du rivage à l'ouest par une parcelle non bâtie et deux qui le sont, ainsi que par la route départementale 27, dite " rue du Port ". Si la parcelle d'assiette du projet se situe à plus de deux kilomètres du centre-bourg de Porspoder, elle s'inscrit toutefois au sein d'un secteur comptant au moins une trentaine d'habitations implantées sur plusieurs rangs à partir du littoral et s'organisant autour de plusieurs voies publiques, dont la rue du Port et la rue de Mescadoroc. Le terrain d'assiette du projet s'implante dès lors dans un espace urbanisé, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. En outre, le projet qui consiste à démolir une maison de plain-pied d'une surface de plancher de 70 m² pour y construire à la place une habitation d'une surface de plancher de 150 m² sur deux niveaux n'entraîne pas en lui-même une densification significative de l'espace urbanisé. Enfin, le schéma de cohérence territoriale du Pays de Brest approuvé le 19 décembre 2017, lequel couvre le territoire de la commune de Porspoder, ne précise pas l'application de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Porspoder, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Porspoder d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Porspoder la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à la commune de Porspoder et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation

de jugement,

C. RIVAS

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02589
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;21nt02589 ?
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