Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert vers l'Allemagne.
Par un jugement n° 2305668 du 16 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Thoumine, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert en Allemagne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas examiné sérieusement son dossier faute d'avoir tenu compte de sa demande au titre de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant kazakh, né le 10 janvier 1996, est entré en France le 18 février 2023 selon ses déclarations et a sollicité l'asile le 3 mars 2023. Par un arrêté du 31 mars 2023 le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Allemagne de M. A.... Celui-ci relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté prononçant son transfert.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. A... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, le moyen invoqué en première instance tiré de ce que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 5 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. A..., alors que les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir qu'il aurait demandé au préfet de Maine-et-Loire, avant la date de l'arrêté contesté, à bénéficier des dispositions de l'article 16 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen de la situation du requérant doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque, du fait (...) d'une maladie grave, (...) le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou sœurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa sœur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette sœur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la sœur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. (...) ".
5. M. A... se prévaut de la présence en France de sa mère, malade et disposant d'un titre de séjour pour ce motif. Toutefois, par les pièces produites, qui témoignent de l'encadrement professionnel dont la mère du requérant bénéficie et permettent seulement d'établir la gravité de son état de santé et la nécessité qu'elle suive une radiothérapie, il ne justifie pas que sa présence aux côtés de sa mère serait indispensable à celle-ci. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu l'article 16 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
7. M. A... ne fait état d'aucun élément précis permettant d'établir qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation médicale de la mère de M. A... ou la présence de deux de ses frères sur le territoire français faisait obstacle à son transfert en Espagne. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écartée.
8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Compte tenu de son entrée récente en France, de sa situation de célibataire sans charge de famille, âgé de vingt-sept ans à la date de l'arrêté contesté et qui était séparé de sa mère depuis l'année 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert en Espagne de M. A... porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Thoumine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02077