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10/11/2023 | FRANCE | N°22NT03101

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22NT03101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions par lesquelles le maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, et le préfet du Calvados ont implicitement rejeté sa demande tendant à l'établissement de procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement pour des faits relatifs à divers travaux réalisés sur des parcelles voisines de sa propriété.

Par un jugement n° 1700439 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a reje

té sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02978 du 25 février 2022, la cour administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions par lesquelles le maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, et le préfet du Calvados ont implicitement rejeté sa demande tendant à l'établissement de procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement pour des faits relatifs à divers travaux réalisés sur des parcelles voisines de sa propriété.

Par un jugement n° 1700439 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02978 du 25 février 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé la décision implicite du préfet du Calvados ainsi que, en tant qu'elle porte sur la législation de l'urbanisme, la décision implicite du maire de Bénouville, a annulé, dans cette mesure, le jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Caen, et a enjoint au maire de Bénouville et, en cas de carence de ce dernier, au préfet du Calvados, de faire dresser, en application des dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, un procès-verbal d'infraction et d'en adresser une copie au ministère public, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour.

Procédure devant la cour :

Mme A... a présenté, le 23 mai 2022, une demande en vue d'obtenir l'exécution de de l'arrêt n° 18NT02978 rendu le 25 février 2022 par la cour.

Par une lettre du 1er août 2022, le président de la cour administrative d'appel a informé Mme A... du classement administratif de sa demande.

Par une lettre du 17 août 2022, Mme A..., représentée par Me Ferretti, a contesté la décision de classement administratif.

Par une ordonnance du 26 septembre 2022, le président de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires, enregistrés le 28 octobre 2022, le 3 janvier et le 9 août 2023, Mme A..., représentée par la SCP Ferretti Hurrel Leplatois, demande à la cour :

1°) d'enjoindre à la maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, de faire dresser, en application des dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, un procès-verbal d'infraction et d'en adresser une copie au ministère public dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) en cas de carence de la maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, d'enjoindre au préfet du Calvados de faire dresser procès-verbal et d'en adresser copie au ministère public, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Bénouville le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt de la cour n'a pas été exécuté ; le rapport de constat adressé au ministère public par la maire de Bénouville remet en cause la matérialité de l'infraction, en méconnaissance de l'autorité absolue de chose jugée par la cour administrative d'appel ;

- les travaux litigieux ont été réalisés sans autorisation administrative, en méconnaissance du plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI) applicable à la zone où les exhaussements ont été réalisés ;

- l'infraction n'est pas prescrite.

Par des mémoires, enregistrés le 13 décembre 2022 et le 10 août 2023, la commune de Bénouville, représentée par Me Labrusse, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- l'arrêt de la cour a été pleinement exécuté ;

- l'infraction n'est pas caractérisée et, au surplus, est prescrite, les travaux ayant été achevés en 2016.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'arrêt de la cour a été pleinement exécuté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Leborgne, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

Sur la demande d'exécution :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Si le jugement dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai et prononcer une astreinte " et aux termes de l'article R. 921-2 du même code : " (...) La demande d'exécution d'un arrêt rendu par une cour administrative d'appel est adressée à celle-ci (...) ".

2. Par un arrêt n° 18NT02978 du 25 février 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a enjoint au maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, et, en cas de carence de ce dernier, au préfet du Calvados de faire dresser, en application des dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, un procès-verbal de l'infraction, prévue à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, commise par M. B... au regard des dispositions du f ) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme et d'en adresser une copie au ministère public, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

3. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. ".

4. Il résulte de l'instruction que, le 15 mars 2022, la maire de Bénouville et deux agents de l'Etat assermentés se sont déplacés au droit de la propriété de M. B..., sur la parcelle cadastrée n°AK 223, pour y constater les travaux d'exhaussement réalisés par ce dernier en méconnaissance des dispositions du f) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme. Au terme de cette visite des lieux, la maire a rédigé, le 24 mars 2022, un " constat de visite " dont elle a transmis une copie au ministère public, le 12 juillet suivant, en y joignant aussi une copie de l'arrêt du 25 février 2022 de la cour. Toutefois, ce constat se borne à indiquer que le remblai à l'origine du comblement du fossé n'excède pas deux mètres de hauteur " dans sa partie visible ", que compte tenu de la présence d'eau stagnante et de vase au fond du fossé, les relevés n'ont pu être effectués sur la totalité du remblai et que la hauteur a été mesurée à environ deux mètres du remblai, pour conclure que " le seuil requis à l'article R. 421-23 F du code de l'urbanisme (...) ne semble pas établi ". Compte tenu de l'imprécision des énonciations du " constat de visite " quant à la méthode mise en œuvre pour effectuer les relevés de mesure ainsi que de celle des conclusions rendues, et alors les photographies jointes au constat, qui ne sont pas annotées, n'apportent pas davantage de précisions sur ces points, la maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, ne peut être regardée comme ayant fait dresser, en application des dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, un procès-verbal d'infraction et, par suite, comme ayant pris les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêt du 25 février 2022 de la cour. Enfin, en se bornant à soutenir que les derniers travaux de remblaiement auraient été effectués au plus tard au début du mois de janvier 2016, la commune de Bénouville n'établit pas que l'action publique serait désormais prescrite.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour les motifs énoncés au point 4, de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui, de justifier de l'exécution de l'arrêt du 25 février 2022 de la cour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 50 euros par jour jusqu'à la date à laquelle l'arrêt du 25 février 2022 de la cour aura reçu exécution.

Sur les frais liés au litige :

6. D'une part, lorsqu'il intervient sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, le maire agit au nom de l'Etat. Dès lors, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bénouville qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Pour les mêmes raisons, ces dispositions font également obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A... la somme que la commune de Bénouville demande au titre de ces mêmes dispositions.

7. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans le mois suivant la notification du présent arrêt, exécuté l'arrêt n° 18NT02978 du 25 février 2022 et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour, à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bénouville tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La maire de Bénouville, agissant au nom de l'Etat, communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'arrêt mentionné à l'article 1er.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise au préfet du Calvados et à la commune de Bénouville.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03101
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : TASCIYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-10;22nt03101 ?
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