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10/11/2023 | FRANCE | N°21NT02499

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 21NT02499


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Bès de Berc, substituant Me Versini-Campinchi, représentant la société Parc éolien du Houssais.

Une note en délibéré présentée par la société Parc éolien du Houssais a été enregistrée

le 2 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien du Houssais a sollicité du préfet de la Loire-Atla...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Bès de Berc, substituant Me Versini-Campinchi, représentant la société Parc éolien du Houssais.

Une note en délibéré présentée par la société Parc éolien du Houssais a été enregistrée le 2 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien du Houssais a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs sur le territoire des communes de Mouzeil et Trans-sur-Erdre. Cette demande a été rejetée par un arrêté préfectoral du 28 juin 2021 dont elle demande l'annulation.

2. En premier lieu, par un arrêté du 2 septembre 2020, publié au recueil des actes administratifs de la Loire-Atlantique du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a accordé à M. Otheguy, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous actes concernant l'administration de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions en matière d'autorisation environnementale. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut dès lors qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : / 1° Une phase d'examen ; / 2° Une phase d'enquête publique ; / 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet (...) ".

4. Par la décision attaquée, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande d'autorisation environnementale de la société Parc éolien du Houssais, à l'issue de la phase d'examen, sur le fondement des dispositions précitées.

5. Aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières ". Il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des motifs de la décision attaquée que le préfet de la Loire-Atlantique, qui a saisi, le 24 juillet 2020, pour avis, l'autorité environnementale, laquelle n'a pas fait d'observations dans le délai réglementaire, n'aurait pas pris en considération l'étude d'impact, dans sa version résultant des compléments apportés par la société pétitionnaire en décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement auraient été méconnues ne peut qu'être écarté.

6. L'article R. 181-34 du même code dispose : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables ". Aux termes de l'article L. 181-3 de ce code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

7. Pour rejeter, dès la fin de la phase d'examen, la demande présentée par la société Parc éolien du Houssais, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur ce que, compte tenu des impacts que comportait le projet de parc éolien sur le balbuzard pêcheur, espèce protégée, l'autorisation ne pouvait être délivrée sans porter une atteinte excessive aux intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement.

8. Le balbuzard pêcheur est une espèce d'oiseau menacée, inscrite à l'annexe I de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, ainsi qu'à l'annexe II de la convention de Berne. Cette espèce figure également dans la liste des espèces protégées sur l'ensemble du territoire national arrêtée en application des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et fait l'objet d'un plan de restauration et d'un plan national d'action. L'effectif du balbuzard pêcheur a été estimé en 2019 à seulement 87 couples reproducteurs sur l'ensemble du territoire national par le plan national d'action. Dans la région des Pays de la Loire, ce plan ne recense que quatre couples reproducteurs, deux en Maine-et-Loire et deux dans la Sarthe, la Loire-Atlantique n'accueillant que des individus en période de migration pré- et post-nuptiale. Pour autant, il résulte de l'instruction que le balbuzard pêcheur a retrouvé son statut de nicheur dans l'Orléanais en 1984 et que l'espèce s'est propagée dans les départements voisins, en suivant la Loire et les cours d'eau. La population de cette espèce protégée dans la région et le département de la Loire-Atlantique est ainsi particulièrement fragile.

9. D'une part, au cours de l'élaboration de l'étude d'impact, un expert naturaliste chargé de cette élaboration a observé, sur le site d'implantation du projet, le 24 septembre 2018, un balbuzard pêcheur. Il résulte également de l'instruction et notamment du plan national d'action, qui doit notamment permettre la recolonisation par l'espèce du département de la Loire-Atlantique, que des spécimens de cette espèce avaient déjà été observés à plusieurs reprises à proximité de cette zone d'implantation. Dans ces conditions et alors même que cette zone ne se situe pas dans le couloir même de migration, constitué par la vallée de la Loire et le sud de la vallée de l'Erdre, identifié par le plan national d'action comme la zone la plus fréquentée par cette espèce et n'accueille pas de spécimens de l'espèce en période de reproduction, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur de fait en relevant que la zone d'implantation du projet était fréquentée par cette espèce.

10. D'autre part, le balbuzard pêcheur est une espèce longévive, avec une espérance de vie élevée mais un faible taux de reproduction, espèce pour laquelle le taux de survie des adultes est le principal facteur explicatif de la dynamique des populations. Plusieurs cas de mortalité par collision avec des éoliennes ont été recensés par le plan national d'action, qui indique que l'aménagement de parcs éoliens à proximité des zones de nidification et d'hivernage et sur les axes migratoires peut constituer une source de mortalité. Au regard de l'ensemble de ces éléments et nonobstant la circonstance que l'espèce ne fréquente qu'occasionnellement la zone d'implantation, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'espèce présentait une sensibilité forte au risque de mortalité par collision avec un parc éolien.

11. Enfin, la société Parc éolien du Houssais a proposé plusieurs mesures afin d'éviter que son projet n'ait d'impact négatif sur la conservation de cette espèce. En premier lieu, elle a prévu un bridage des éoliennes entre le 1er et le 30 avril et entre le 1er et le 30 septembre, du lever du jour à 10 h, puis de 16 h à la tombée de la nuit. Cependant, si le balbuzard pêcheur, espèce diurne, chasse plus activement tôt le matin et en fin d'après-midi ou en soirée, il est exposé à un risque de collision à toute heure de la journée. En outre, il résulte de l'instruction que l'espèce est observée en Loire-Atlantique, pour la migration pré-nuptiale, dès la mi-mars et jusqu'à la mi-mai et, pour la migration post-nuptiale, dès le mois d'août et jusqu'à la mi-octobre. En second lieu, la société pétitionnaire a prévu l'installation d'un dispositif de détection automatique et d'effarouchement de type " DT-Bird ". Il résulte cependant de l'étude fournie par la société requérante elle-même, réalisée pour le compte d'une société commercialisant un tel système, que ce dernier échoue à déclencher un comportement d'évitement par les oiseaux faisant l'objet des mesures d'effarouchement dans au moins 12 % des cas. En troisième lieu, elle a prévu un suivi de la mortalité en phases travaux et d'exploitation afin de renforcer si nécessaire les mesures d'évitement et de réduction mises en œuvre. Une telle mesure n'est, cependant, pas de nature à éviter les atteintes à la conservation de l'espèce qu'elle ne pourrait que constater a posteriori et ne saurait donc pallier les insuffisances des autres mesures de réduction proposées.

12. Compte tenu des circonstances mentionnées aux points 8 à 11 du présent arrêt et eu égard tant à la faiblesse de la population de cette espèce dans le département que de l'impact qu'aurait la mortalité d'un nombre même limité d'adultes reproducteurs, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet ne pouvait être autorisé sans porter une atteinte excessive aux intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement.

13. En égard à ce qui précède, et dès lors que la demande de la société Parc éolien du Houssais faisait apparaître que l'autorisation ne pouvait être accordée en l'état du dossier ou du projet, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait, sur le fondement des dispositions de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, sans accomplir notamment les formalités prévues par la réglementation au cours de la phase d'enquête publique, et sans méconnaitre les dispositions de l'article R. 181-34 du même code, rejeter sa demande doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien du Houssais n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 juin 2021. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Parc éolien du Houssais est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien du Houssais et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02499
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LPA CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-10;21nt02499 ?
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