Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles.
Par un jugement n° 2304993 du 5 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Béarnais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante gabonaise, née le 2 décembre 1980, est entrée en France le 16 février 2023, selon ses déclarations et a sollicité l'asile, le 22 février 2023. Par un arrêté du 20 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités espagnoles. Mme A... relève appel du jugement du 5 mai 2023, de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du résumé d'entretien individuel conduit en préfecture le 22 février 2023 que Mme A... a été mise à même de faire état de ses problèmes de santé et d'en justifier et qu'en prenant l'arrêté contesté, le préfet de Maine-et-Loire a pris en compte l'éventualité que son état de santé puisse faire obstacle à son transfert en Espagne. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas tenu compte d'éléments de sa situation médicale que Mme A... lui aurait communiqués avant la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de la requérante doit être écartés comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
4. S'il est constant que Mme A... est atteinte du virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.), il n'est en tout état de cause pas sérieusement contesté qu'elle n'en n'a pas informé le préfet de Maine-et-Loire avant la date de l'arrêté contesté, notamment à l'occasion de l'entretien individuel du 22 février 2023. Les attestations médicales d'un médecin généraliste du service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Nantes qu'elle produit sont postérieures à la date de l'arrêté contesté et ne permettent en tout état de cause pas d'établir, au regard en particulier de la fréquence de suivi hospitalier mensuel à trimestriel qu'elles préconisent, que Mme A... ne pourrait pas être prise en charge médicalement en Espagne, dans le cadre de son transfert organisé entre les autorités françaises et espagnoles. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... serait exposée à un risque pour sa vie ou sa santé en cas de transfert en Espagne. En outre, si Mme A... produit diverses attestations faisant état de sa fatigue physique et psychologique du fait d'une situation de précarité et de détresse, cela ne suffit pas à caractériser une situation de vulnérabilité exceptionnelle justifiant que sa demande d'asile soit examinée en France. Il n'est dès lors pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
6. Mme A... ne justifie d'aucune attache particulière en France, comme elle le soutient, du seul fait qu'elle y est soignée et hébergée. Il ressort des pièces du dossier que sa présence en France est très récente et qu'elle a un enfant au Gabon. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... en décidant son transfert en Espagne et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Béarnais et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01747