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27/10/2023 | FRANCE | N°23NT01583

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 octobre 2023, 23NT01583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2304191 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, M. B..., représenté par Me Lavenant, dema

nde à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2023 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2304191 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, M. B..., représenté par Me Lavenant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il doit établir que les garanties relatives à l'entretien ont été respectées et notamment que l'entretien a été mené par un agent qualifié et que l'interprète a été assermenté en langue tigrigna ;

- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision méconnaît les articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il sera exposé à de mauvais traitements en Italie contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il y fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et risque d'être renvoyé en Erythrée ;

- l'Italie est confrontée à un afflux massif de migrants qu'elle est incapable de traiter et présente une défaillance systémique ; l'Italie ne garantit pas des conditions matérielles suffisantes pour les demandeurs d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet, première conseillère ;

- et les observations de Me Lavenant, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant érythréen né le 1er janvier 1988 à Degi Werasi (Erythrée), déclare être entré en France le 15 novembre 2022. Il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique, qui a été enregistrée le 7 décembre 2022. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé de ses empreintes digitales a révélé qu'il avait été identifié en Italie le 25 décembre 2021 après avoir franchi irrégulièrement la frontière de ce pays. Il a déjà fait l'objet d'une première procédure " Dublin " lors de sa première entrée en France et a été transféré en Italie le 8 novembre 2022. Saisies par les autorités françaises le 9 décembre 2022, les autorités italiennes ont accepté implicitement leur responsabilité. M. B... relève appel du jugement du 2 mai 2023 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... et des conséquences de son transfert en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et la prise en compte de son état de santé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...) Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 7 décembre 2022, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé le 7 décembre 2022, sont rédigés en tigrigna, langue officielle de l'Erythrée qu'il a déclaré comprendre, ainsi que cela ressort des termes du recueil de ses données, et dont le contenu lui a également été communiqué oralement lors de l'entretien du même jour où il était assisté d'un interprète en langue tigrigna, via les services de l'association ISM, agréée par le ministère de l'intérieur, qui a assuré l'interprétariat par téléphone, ainsi qu'en témoignent les cases cochées sur le compte-rendu d'entretien individuel par M. B..., qui a ainsi déclaré avoir compris les informations communiquées et qui établit que l'intéressé a pu répondre aux questions qui lui étaient posées. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / (...) ". Aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. (...) /(...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné à l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui s'est déroulé le 7 décembre 2022 à la préfecture de la Loire-Atlantique, mené avec le concours d'un interprète en langue tigrigna. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions garantissant la confidentialité ou par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, il ressort du compte rendu d'entretien, signé par l'intéressé, que M. B... a été interrogé de manière approfondie sur sa situation personnelle, notamment médicale et familiale, ainsi que sur son parcours migratoire. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 modifié du 2 septembre 2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même règlement : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national font foi de la transmission de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de l'accusé de réception "DubliNet " produite par le préfet de Maine-et-Loire, qui comporte le numéro de référence du dossier de M. B..., que la demande de reprise en charge de l'intéressé par les autorités italiennes a été formée le 9 décembre 2022 par le réseau de communication " DubliNet " sur le fondement des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que ces autorités ont accusé réception de cette demande le 9 décembre 2022. En outre, en l'absence d'accord explicite de reprise en charge du requérant par les autorités italiennes dans les délais requis, les autorités françaises les ont informées par le même réseau de communication qu'en application de l'article 22-7 du même règlement, il y avait accord implicite de reprise en charge du requérant. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de l'accusé de réception "DubliNet " produite par le préfet de Maine-et-Loire, que les autorités italiennes ont accusé réception de cette information le 13 février 2023. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

12. M. B... fait tout d'abord état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, les simples affirmations figurant dans ses écritures n'apportent pas la preuve de l'existence de défaillances systémiques et ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré illégalement en Italie en décembre 2021 sans solliciter de protection internationale dans ce pays. Il a, selon ses déclarations du 7 décembre 2022, lors de la première décision de transfert du 8 novembre 2022, indiqué aux autorités italiennes ne pas vouloir déposer de demande d'asile dans ce pays. C'est la raison pour laquelle les autorités italiennes ont pris une mesure d'éloignement le 3 janvier 2022 à l'encontre du requérant. Cette mesure d'éloignement pouvait, selon ses termes, faire l'objet d'un recours dans le délai de trente jours à compter de sa notification, ce que le requérant n'allègue pas avoir fait. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les autorités italiennes ne procèderont pas à un examen sérieux et attentif de la demande d'asile de l'intéressé. Par ailleurs, il n'est pas établi que la mesure d'éloignement italienne doit s'effectuer à destination de l'Erythrée, ni que, en pareil cas, le requérant ne disposerait pas d'une voie de recours effective contre cette mesure, ni enfin, en tout état de cause, que les autorités italiennes procéderaient à son renvoi vers l'Erythrée sans examiner au préalable s'il y serait soumis à des risques pour sa vie ou sa sécurité ou à des traitements inhumains ou dégradants.

13. Par ailleurs, si M. B... invoque sa situation de vulnérabilité en ce qu'il souffre de pelade, de troubles de sommeil et de migraines récurrentes, le certificat médical du 22 décembre 2022 à l'appui de ces allégations ne suffit pas à démontrer qu'il se trouverait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Il ne ressort pas non plus de l'examen de ces pièces que l'état de santé du requérant serait incompatible avec son transfert en Italie. En tout état de cause, il n'est aucunement établi que le requérant n'aurait pas accès en Italie aux traitements requis par son état de santé. Le requérant ne démontre pas davantage qu'il serait exposé au risque de subir en Italie des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de vulnérabilité, le requérant n'est fondé à soutenir ni que la décision de transfert méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Lavenant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01583
Date de la décision : 27/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LAVENANT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-27;23nt01583 ?
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