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27/10/2023 | FRANCE | N°22NT01747

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 octobre 2023, 22NT01747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Angers a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Sopréma Entreprises à lui verser la somme de 487 636,34 euros TTC, assortie des intérêts, en réparation des désordres affectant les toitures terrasses de la crèche de La Roseraie, et la somme de 32 321,60 euros, au titre des frais et honoraires d'expertise.

Par un jugement n° 1908204 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Sopréma Entreprises à verser à la commune d'A

ngers la somme de 108 882,11 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Angers a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Sopréma Entreprises à lui verser la somme de 487 636,34 euros TTC, assortie des intérêts, en réparation des désordres affectant les toitures terrasses de la crèche de La Roseraie, et la somme de 32 321,60 euros, au titre des frais et honoraires d'expertise.

Par un jugement n° 1908204 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Sopréma Entreprises à verser à la commune d'Angers la somme de 108 882,11 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019 (article 1er), a mis à la charge définitive de la société Sopréma Entreprises les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 32 321,60 euros (article 2) et a ordonné, avant de statuer sur le préjudice d'exploitation de la commune d'Angers, une expertise, confiée à un expert-comptable, qui aura pour mission de chiffrer les pertes de recettes et frais supplémentaires de personnel engendrés par la pollution de la crèche, déduction faite des économies réalisées (articles 3, 4 et 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2022, la société Sopréma Entreprises, représentée par Me Caillet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande d'indemnisation de la commune d'Angers relative aux préjudices hors préjudice d'exploitation ou, subsidiairement, de reconnaître que la responsabilité de la commune d'Angers est engagée dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50% ;

3°) de rejeter la demande de la commune d'Angers à fin d'indemnisation d'un préjudice d'exploitation et de rejeter la demande d'expertise y afférente ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Angers une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert n'a pas tenu compte, ni annexé, ni consigné ses observations contenues dans ses dires du 31 janvier et 20 avril 2018 et le rapport d'expertise doit donc être écarté, ses conclusions n'étant corroborées par aucun autre élément ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il s'est fondé exclusivement sur le rapport d'expertise ;

- le mauvais état de la dalle béton, dont la commune est propriétaire en sa qualité de maître de l'ouvrage, est à l'origine des désordres dénoncés par la commune d'Angers ;

- les travaux d'étanchéité, en tant que tels, ont été réalisés conformément aux règles de l'art ;

- elle n'était pas en mesure de déceler le mauvais état de la dalle béton ;

- la responsabilité de la commune d'Angers est engagée et doit l'exonérer totalement ou à tout le moins partiellement, dès lors qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage propriétaire de l'ouvrage que constitue la dalle béton, elle en est responsable et se doit d'assumer sa vétusté et ses défauts comme en l'espèce sa trop grande porosité, qu'en sa double qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'œuvre, elle a fait établir et remis à la société les diagnostics de l'APAVE qui n'ont mis en évidence aucune anomalie de la dalle béton et qu'en sa qualité de maître d'œuvre, elle a participé à l'acceptation de la dalle béton support ;

- la commune d'Angers a tardé à mettre en œuvre les mesures de reprise mais surtout à les proposer, ayant contribué de la sorte à aggraver son préjudice ;

- la commune d'Angers n'a jamais été en mesure de rapporter la preuve du préjudice d'exploitation allégué et une mesure d'expertise ne saurait dès lors être sollicitée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, la commune d'Angers, représentée par Me Brossard, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Soprema Entreprises ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes en portant son indemnisation, par la société Sopréma Entreprises, à la somme de 487 636,34 euros TTC, avec intérêt au taux légal ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la société Sopréma Entreprises le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les parties ont bien été mises à même de faire valoir leur argumentation devant l'expert et en tout état de cause si une irrégularité disqualifie les conclusions du rapport, rien ne fait obstacle à ce que la teneur des informations contenues dans ledit rapport soit retenue à titre d'information, pourvu qu'il ait été versé au dossier et soumis au débat contradictoire des parties ;

- la société Sopréma Entreprises a constaté que le pare-vapeur existant n'adhérait plus au support en certains endroits de la toiture et a alors décidé, de manière unilatérale, d'appliquer un vernis d'accrochage pour poser le nouveau pare-vapeur, sans prendre de précaution particulière, sans en informer le maître d'œuvre ni le maître d'ouvrage et alors que cela n'était pas prévu initialement ;

- en cours de chantier une importante quantité de vernis a coulé au droit d'un conduit de VMC dans le plénum de la salle d'activité n° 1 et il a été constaté qu'une trop grande quantité de produit d'étanchéité avait été appliquée à la raclette par la société Sopréma Entreprises ;

- il appartenait à la société Sopréma Entreprises en tant qu'entreprise assurant les travaux d'étanchéité d'apprécier le support et de définir si les produits qu'elle envisageait d'utiliser étaient compatibles avec ce support ;

- aucune faute ne saurait lui être reprochée ;

- il n'est pas établi que l'arrêt de la VMC quelques jours avant la première réunion d'expertise aurait eu pour effet de retarder l'évaporation des agents polluants alors même que la ventilation des locaux pendants de nombreux mois n'a pas permis de mettre fin à la pollution constatée ;

- les préjudices reconnus par le tribunal dans le jugement attaqué doivent être confirmés ;

- s'agissant des travaux conservatoires et de remise en état, si ces travaux ont été effectués en régie par les services de la commune, ils doivent être pris en compte dans le cadre du préjudice exposé par cette dernière dès lors qu'ils ont été rendus nécessaires par les désordres en cause et ont été effectués après autorisation de l'expert et elle est fondée à demander la somme de 2 509,05 euros ;

- s'agissant du nettoyage des locaux, après plus de 19 mois de fermeture des locaux, la mise en œuvre de mesure de ventilations importantes ainsi que la réalisation de travaux de pose de plaques Prefyplac Air BA 13 dans le dortoir n° 8 effectués en juin 2017 sur instruction de l'expert, un nettoyage en profondeur des locaux était nécessaire avant que ceux-ci puissent rouvrir au public et notamment aux enfants en très bas âge et elle est fondée à demander la somme de 3 182,26 euros ;

- s'agissant des frais liés au déménagement et au réaménagement de la crèche, si ces interventions ont été réalisés en régie, elles doivent toutefois être prises en compte dans le cadre du préjudice subi dès lors qu'elles résultent des désordres constatés au sein de la crèche de la Roseraie et pour le réaménagement de la crèche, la commune a fait appel à la société Dem'Anjou et elle est fondée à demander la somme de 5 136 euros ;

- s'agissant des pertes de recettes, coût supplémentaire en personnel et économies réalisées, elle a apporté des pièces justificatives et les opérations d'expertise sont en cours et apparaissent utiles à la solution du litige ;

- s'agissant des troubles de jouissance, la fermeture en urgence de la crèche de la Roseraie et la réorganisation de l'accueil sur trois sites différents ont engendré des complications importantes tant pour le personnel que pour les usagers qui ont dû s'adapter et elle est fondée à demander à ce titre une somme de 20 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Caillet, représentant la société Sopréma Entrprises, et de Me Carré, représentant la commune d'Angers.

Considérant ce qui suit :

1. En 2015, la commune d'Angers a engagé des travaux de réfection de l'étanchéité des toitures terrasses de la crèche de la Roseraie, située place Jules Verne et principale crèche de la ville, accueillant près de cent enfants. La société Sopréma Entreprises a été désignée, selon un accord cadre, pour réaliser des travaux de réfection de l'étanchéité de certaines toitures terrasses de la crèche et la mise en place de dispositifs permanents de sécurité, pour un montant de 165 878,92 euros TTC. Les travaux ont commencé le 9 novembre 2015. A la suite de la dépose de l'étanchéité existante sur les premières terrasses, la société Sopréma Entreprises a constaté que le pare-vapeur existant n'adhérait plus au support en certains endroits de la toiture et a décidé d'appliquer un vernis d'accrochage pour poser le nouveau pare-vapeur. Cependant l'application de ce vernis a provoqué une pollution importante de l'air au sein de la crèche, qui a obligé le personnel de la crèche à déplacer les enfants dans les zones du bâtiment non affectées par les travaux. La crèche a été fermée au public et l'accueil des enfants a été réorganisé dès le 30 janvier 2016 sur trois autres sites. Les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves suivant procès-verbal du 27 juin 2016. La crèche a été rouverte aux usagers le 4 septembre 2017. Par une ordonnance du 13 avril 2016, le président du tribunal administratif de Nantes a désigné un expert, qui a déposé son rapport le 11 mai 2018. La commune d'Angers a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Sopréma Entreprises à lui verser la somme de 487 636,34 euros TTC, assortie des intérêts, et la somme de 32 321,60 euros, au titre des frais et honoraires d'expertise. Par un jugement du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Sopréma Entreprises à verser à la commune d'Angers la somme de 108 882,11 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019 (article 1er), a mis à la charge définitive de la société Sopréma Entreprises les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 32 321,60 euros (article 2) et a ordonné, avant de statuer sur le préjudice d'exploitation de la commune d'Angers, une expertise, confiée à un expert-comptable, qui aura pour mission de chiffrer les pertes de recettes et frais supplémentaires de personnel engendrés par la pollution de la crèche, déduction faite des économies réalisées (articles 3, 4 et 5). D'une part, la société Sopréma Entreprises fait appel de ce jugement et d'autre part, par la voie de l'appel incident, la commune d'Angers demande à la cour de réformer le jugement du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes en portant son indemnisation, par la société Sopréma Entreprises, à la somme de 487 636,34 euros TTC, avec intérêt au taux légal.

Sur les conclusions d'appel principal de la société Sopréma Entreprises :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige.

3. Il est constant que le rapport d'expertise déposé le 11 mai 2018 a omis de prendre en compte les dires de la société Sopréma Entreprises des 31 janvier et 20 avril 2018 alors qu'ils contenaient des éléments nouveaux, sur la question de l'engagement de la responsabilité de cette dernière, par rapport aux dires du 28 février 2017, seuls pris en compte par l'expert. Dès lors, le rapport d'expertise a été établi dans des conditions irrégulières et il ne pourra être tenu compte, par la cour, de ce rapport, que si les éléments y figurant sont soit des éléments de pur fait non contestés par les parties soit des éléments corroborés ou non infirmés par d'autres éléments du dossier.

4. Le jugement attaqué n'est pas fondé sur le rapport d'expertise, le tribunal ayant seulement pris en compte, à titre d'informations, les éléments corroborés par les autres éléments du dossier. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier dès lors qu'il est fondé exclusivement sur le rapport d'expertise doit être écarté.

5. En second lieu, la requérante conteste l'expertise complémentaire ordonnée par le tribunal relative au préjudice d'exploitation. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la commune, pour établir un préjudice d'exploitation, a produit une note détaillée établie par le service Petite Enfance, datée du 22 février 2018. Ce préjudice ne parait donc pas dénué de réalité bien que la société Sopréma Entreprises ait produit une note d'un cabinet d'expert-comptable remettant en cause les pertes de recettes et économies réalisées. Ainsi, l'expertise présente un caractère utile. Dès lors et au vu de la nature intrinsèquement prévisionnelle de ce type de préjudice, la société Sopréma Entreprises n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, par le jugement attaqué, ordonné une expertise afin de chiffrer les pertes de recettes et frais supplémentaires de personnel engendrés par la pollution de la crèche, déduction faite des économies réalisées.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Sopréma Entreprises :

7. Il résulte de l'instruction, en particulier des études réalisées par le cabinet Hygiatech DPA le 4 février 2016 et par le bureau Véritas le 30 janvier 2017, que les travaux d'étanchéité de la toiture de la crèche, débutés en novembre 2015, ont entraîné une pollution de l'air au sein de la crèche de la Roseraie, liée à une trop grande concentration de xylène, pouvant avoir un impact sanitaire, en particulier sur les jeunes enfants. Il est constant que la société Sopréma Entreprises, à la suite de la dépose de l'étanchéité des premières terrasses, a constaté que le pare-vapeur n'adhérait pas toujours au support et a appliqué un vernis à base de xylène, d'abord à la raclette puis, au vu des premières nuisances olfactives, au rouleau, pour la pose du nouveau pare-vapeur. En outre, il ressort des photographies produites qu'en cours de chantier une importante quantité de vernis a coulé au droit d'un conduit de VMC dans la salle d'activité n° 1. La société requérante reconnaît, dans ses écritures en appel, que " le vernis mis en œuvre peut être considéré comme étant à l'origine de la pollution ". Contrairement à ce qu'elle affirme, il ne ressort pas des comptes rendus de chantier qu'elle aurait averti la commune d'Angers préalablement à la mise en œuvre de ce vernis. Ces éléments sont de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Sopréma Entreprises.

8. La société soutient que l'application du vernis n'aurait pas engendré de pollution si l'état de porosité de la dalle béton n'avait pas permis sa migration à travers celle-ci et qu'elle n'était pas en mesure de déceler le mauvais état de la dalle béton. Toutefois, la commune d'Angers n'avait pas à informer la société Sopréma Entreprises de la porosité de la dalle dès lors que la pose du vernis n'était initialement pas prévue et qu'aucune demande préalable à cette fin ne lui avait été présentée par la société Sopréma Entreprises. Si le document technique unifié (DTU) 43.5 relatif à la " réfection des ouvrages d'étanchéité des toitures terrasses ou inclinées ", prévoit qu'une étude préalable de la stabilité de l'ossature et des éléments porteurs de la toiture doit être réalisée, ce qui a été le cas, cette étude n'avait pas à inclure une analyse de la porosité de la dalle béton. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'arrêt de la VMC par la commune d'Angers quelques jours avant la première réunion d'expertise du 11 mai 2016 aurait eu pour effet de retarder l'évaporation des agents polluants alors que la ventilation des locaux pendant de nombreux mois, dès décembre 2015, n'avait pas permis de mettre fin à la pollution constatée. De même, la commune d'Angers a proposé de procéder à la dépose des dalles et structures des faux plafonds de la salle dortoir n° 8 et à la pose de plaques BA13, capables d'absorber 80 % des agents polluants et si ces travaux, validés par l'expert judiciaire le 27 avril 2017, n'ont été exécutés et achevés que fin juin 2017, ce délai ne parait pas excessif et contrairement à ce que soutient la société Sopréma Entreprises la commune ne peut être regardée comme ayant aggravé son préjudice. Par suite, la société Sopréma Entreprises n'est pas fondée à soutenir que la commune d'Angers aurait commis une faute de nature à atténuer sa propre responsabilité.

Sur les conclusions d'appel incident de la commune d'Angers :

9. Le montant de 108 882,11 euros auquel le tribunal administratif a condamné la société Soprema Entreprises répare les chefs de préjudices suivants : 36 774,72 euros pour les frais d'analyse de l'air des locaux de la crèche, 4 392 euros pour les frais d'installation des bornes ayant servi à analyser l'air ambiant, 9 600 euros de frais d'analyse des mesures de pollution par un médecin expert, 3 917,18 euros de frais de ventilation des locaux par la pose d'un acrotère souffleur, 39 178,83 euros de frais de gardiennage des locaux restés ouverts pour les aérer, 216 euros de frais de destruction d'odeurs, 1 206,15 euros de fournitures pour les travaux conservatoires et de remise en état réalisés par les services de la commune elle-même, 13 597,23 euros de frais liés au déménagement et au réaménagement de la crèche. La commune d'Angers demande, par la voie de l'appel incident, tout ce qu'elle n'a pas obtenu en première instance, aux fins que l'indemnité mise à la charge de la société Soprema Entreprises soit portée à la somme de 487 636,34 euros.

En ce qui concerne les travaux conservatoires et de remise en état :

10. Si la commune d'Angers sollicite l'indemnisation de la main d'œuvre pour les travaux, réalisés en régie, de pose de plaques dans le dortoir n° 8, les dépenses de personnel constituent des frais fixes que la commune aurait nécessairement supportés même si les désordres n'étaient pas survenus, alors même qu'ils ont pu ainsi être réalisés à moindre coût. Dès lors, sa demande d'indemnisation à ce titre n'est pas fondée.

En ce qui concerne le nettoyage des locaux :

11. Il résulte de l'instruction que la crèche a été fermée plus de 19 mois, que des mesures de ventilations importantes ont été mises en œuvre ainsi que des travaux de pose de plaques Prefyplac Air BA 13 dans le dortoir n° 8 effectués en juin 2017, ces circonstances nécessitant un nettoyage en profondeur des locaux avant que ceux-ci puissent rouvrir au public et notamment aux enfants en très bas âge. La commune a produit à l'appui de sa demande d'indemnisation une facture d'un montant de 3 182,26 euros ainsi, en appel, que le bon de commande correspondant, mentionnant le nettoyage de la crèche après travaux. Par conséquent, il y a lieu d'indemniser la commune d'Angers à hauteur du montant sollicité.

En ce qui concerne les frais liés au déménagement et au réaménagement de la crèche :

12. Si la commune d'Angers sollicite l'indemnisation de la main d'œuvre pour les frais de déménagement et de réaménagement, réalisés en régie, les dépenses de personnel constituent des frais fixes que la commune aurait nécessairement supportés même si les désordres n'étaient pas survenus. Si elle soutient que les agents mobilisés n'ont pu accomplir leurs tâches habituelles pendant ce temps, elle n'établit ni même n'allègue avoir dû recruter du personnel supplémentaire en compensation. De même, si elle soutient que beaucoup ont été mobilisés pendant le week-end, elle n'établit pas qu'ils ne travaillaient pas habituellement pendant cette période et au demeurant, elle ne détaille pas, parmi les pièces produites, le nombre de dimanches ou jours fériés travaillés et le nombre d'agents éventuellement concernés, la délibération du conseil municipal communiquée faisant état d'un tarif de main d'œuvre majoré pour les dimanches et jours fériés étant d'ailleurs postérieure aux interventions en cause. Ainsi, comme l'ont estimé les premiers juges, il n'y a lieu de retenir qu'une somme de 13 597,23 euros, correspondant aux frais de fourniture et de réaménagement par la société Dem'Anjou.

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

13. Si la commune d'Angers demande la réparation d'un préjudice de jouissance, qu'elle chiffre à la somme de 20 000 euros, un tel préjudice n'est pas séparable du préjudice d'exploitation pour lequel une expertise complémentaire a été ordonnée par le tribunal administratif de Nantes dans le jugement attaqué.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Angers est seulement fondée à demander que la somme que le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Sopréma Entreprises à lui verser soit portée à la somme de 112 064,37 euros TTC.

En ce qui concerne les intérêts :

15. La commune d'Angers a droit aux intérêts sur la somme de 112 064,37 euros TTC, à compter du 23 juillet 2019, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Nantes.

Sur les frais liés au litige :

16. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Angers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Sopréma Entreprises demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par la commune d'Angers au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Soprema Entreprises est rejetée.

Article 2 : L'indemnité de 108 882,11 euros mise à la charge de la société Sopréma Entreprises par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 avril 2022 est portée à la somme de 112 064,37 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1908204 du 6 avril 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune d'Angers est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sopréma Entreprises et à la commune d'Angers.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01747
Date de la décision : 27/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-27;22nt01747 ?
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