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24/10/2023 | FRANCE | N°23NT00895

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 23NT00895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 août 2019 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il ne lui a pas délivré de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que la décision du 30 septembre 2019 par laquelle ce même préfet a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1911664 du 12 octobre 2022 le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulatio

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 août 2019 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il ne lui a pas délivré de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que la décision du 30 septembre 2019 par laquelle ce même préfet a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1911664 du 12 octobre 2022 le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2023 Mme A..., représenté par

Me Bouregois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 28 août 2019 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il ne lui a pas délivré de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que la décision du 30 septembre 2019 par laquelle ce même préfet a rejeté son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ne pouvait prononcer un non-lieu à statuer dès lors que le préfet lui a délivré un titre de séjour différent de celui qu'il sollicitait et que ce titre n'emporte pas des effets équivalents ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé au réexamen de sa situation suite à l'ordonnance du juge des référés ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " le préfet a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les orientations de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2023 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 4 janvier 2023 le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 21 février 1979, est entrée en France le 20 septembre 2009. Le 30 mars 2010 elle a déposé une demande d'asile et s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 4 janvier 2011. Par décision du 26 mars 2018, cet établissement a mis fin à la protection subsidiaire. Par décision du 14 février 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par une ordonnance du 29 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu cette décision et a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée. Par une décision du 28 août 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a délivré à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " salarié " sous réserve de son intégration par le travail. Mme A... a demandé au tribunal d'annuler cette décision en tant qu'elle lui refuse la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que la décision du 30 septembre 2019 par laquelle ce même préfet a rejeté son recours gracieux. Par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation d'une décision ayant rejeté une demande de titre de séjour lorsque, postérieurement à la saisine de la juridiction, l'autorité administrative a délivré le titre sollicité ou un titre de séjour emportant des effets équivalents à ceux du titre demandé.

3. Un titre de séjour portant la mention " salarié ", dont la requérante n'avait demandé la délivrance qu'à titre infiniment subsidiaire, n'emporte pas des effets équivalents à ceux d'un titre portant la mention "vie privée et familiale", au regard notamment des conditions de son renouvellement. Dès lors, la délivrance à Mme A... d'un titre de séjour portant la mention " salarié " valable à compter du 1er septembre 2015, depuis renouvelé, n'avait pas privé d'objet sa demande. Par suite, l'intéressée est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer, et, par suite, à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité des décisions du préfet de la Loire-Atlantique :

5. En premier lieu, les décisions contestées sont suffisamment motivées alors que les motifs de refus délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ont été communiquées à la requérante par la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 28 août 2019. En outre, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a, notamment en délivrant un titre de séjour portant la mention " salarié ", réexaminé la situation de la requérante postérieurement à la notification de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 29 avril 2019. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut de réexamen dont seraient entachées les décisions contestées doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

7. Mme A... se prévaut de ses attaches personnelles et familiales en France ainsi que de ses efforts d'intégration en indiquant vivre sur le territoire français depuis plus de 8 ans, être mère de deux enfants mineurs nés et scolarisés en France dont elle contribue à l'entretien et l'éducation et avoir obtenu en détention le titre professionnel d'agent de propreté et d'hygiène. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été condamnée le 11 septembre 2015 par le tribunal correctionnel de Rennes à cinq ans d'emprisonnement pour traite d'humains commise à l'égard de plusieurs personnes, proxénétisme aggravé et participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. D'autre part, l'intéressée ne justifie par les pièces produites au dossier contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants qui ont placés à l'aide sociale à l'enfance depuis son incarcération. Par suite, la requérante ne justifie pas être en situation d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés au point 7 du présent arrêt, Mme A... ne justifie d'aucun motif exceptionnel ni de considérations humanitaires lui permettant de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Loire-Atlantique à avoir refusé une telle admission exceptionnelle au séjour doit être écarté.

10. En quatrième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales définies par le ministre de l'intérieur dans la circulaire du 28 novembre 2012.

11. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Les décisions en litige même en tant en tant qu'elles lui refusent la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " n'ont pas pour effet de séparer la requérante de ses enfants mineurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions contestées. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 191664 du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

Le rapporteur

A. Penhoat

Le président

Q. Quillévéré

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT008952

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00895
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLEVERE
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-24;23nt00895 ?
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