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24/10/2023 | FRANCE | N°22NT03276

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 22NT03276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2106138 du 14 septembre 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2022 M. A..., représenté par

Me Lavenant,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2106138 du 14 septembre 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2022 M. A..., représenté par

Me Lavenant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité compte tenu de la situation en Afghanistan ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 31 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 septembre 2023.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqué, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Par une décision du 18 octobre 2022 le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat ;

- et les observations de Me Lavenant, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1994, déclare être entré irrégulièrement en France le 20 octobre 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 avril 2017, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 septembre 2017. Sa demande de réexamen a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 9 mars 2018, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 octobre 2018. Par arrêté du 14 novembre 2018, le préfet de Maine et Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, décision dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 avril 2019, puis par arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 janvier 2020. S'étant néanmoins maintenu sur le territoire français, il a sollicité du préfet de Maine-et-Loire l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par arrêté du 12 avril 2021 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... relève appel du jugement du 14 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...). ".

3. Si M. A... établit vivre en France depuis plus de cinq années à la date de la décision contestée, cet état de fait qui s'explique au demeurant par son maintien en situation irrégulière malgré une précédente mesure d'éloignement ne constitue pas, à lui seul, une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale, alors que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit pas, en outre, être dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de vingt et un ans. Enfin, si le requérant fait valoir une promesse d'embauche en qualité de maçon, ce seul élément est insuffisant pour caractériser une insertion professionnelle stable et durable en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A..., doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux motifs exposés au point 3, que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire sur la situation personnelle de M. A....

6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à le supposer soulevé, est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire dès lors que celle-ci n'a pas pour objet d'éloigner

M. A... vers l'Afghanistan.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (23 août 2016, J.K et autres c/ Suède, n° 59166/1228). Selon cette même cour, l'appréciation d'un risque réel de traitement contraire à l'article 3 précité doit se concentrer sur les conséquences prévisibles de l'éloignement du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l'intéressé (30 octobre 1991, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, paragraphe 108, série A n° 215). À cet égard, et s'il y a lieu, il faut rechercher s'il existe une situation générale de violence dans le pays de destination ou dans certaines régions de ce pays si l'intéressé en est originaire ou s'il doit être éloigné spécifiquement à destination de l'une d'entre elles. Cependant, toute situation générale de violence n'engendre pas un risque réel de traitement contraire à l'article 3, la Cour européenne des droits de l'homme ayant précisé qu'une situation générale de violence serait d'une intensité suffisante pour créer un tel risque uniquement " dans les cas les plus extrêmes " où l'intéressé encourt un risque réel de mauvais traitements du seul fait qu'un éventuel retour l'exposerait à une telle violence.

9. M. A... fait valoir qu'il risque d'être exposé, en cas de retour en Afghanistan, à des persécutions en raison de menaces reçues de la part des talibans et du fait de

" l'occidentalisation manifeste de son profil " dès lors qu'il a quitté son pays depuis plusieurs années et qu'il séjourne en France depuis 2015. Toutefois, alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 19 avril 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 20 septembre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile et que sa demande de réexamen a été rejetée par une décision d'irrecevabilité du 9 mars 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision du 12 octobre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile, le requérant n'apporte aucune autre précision, ni aucun commencement de preuve à l'appui de ces assertions. A cet égard, M. A..., qui ne fournit aucune indication, ni aucun élément sur sa situation familiale, sur son histoire personnelle, sur ses conditions d'existence en Afghanistan ou encore sur les raisons de son départ de son pays, ne démontre nullement qu'il aurait acquis un tel profil " occidentalisé " ou qu'un tel profil pourrait lui être imputé en cas de retour en Afghanistan. Par ailleurs, le requérant ne fait pas état d'aucun élément nouveau permettant d'établir la réalité des risques actuels et personnels auxquels il serait directement exposé en cas de retour en Afghanistan, lesquels ne sauraient résulter de la seule évolution de la situation géopolitique et sécuritaire intervenue, au mois d'août 2021 alors qu'à l'occasion d'une décision n°22023959 du 14 février 2023, librement consultable sur son site internet, la Cour nationale du droit d'asile, s'appuyant sur les analyses récentes de l'Agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA) publiées en janvier 2023, a estimé que si douze des trente-quatre provinces d'Afghanistan, dont celle de Kunduz, étaient en proie à une situation de violence aveugle affectant les civils résultant d'un conflit armé, cette situation n'atteint cependant pas un niveau tel qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui y retourne court, du seul fait de sa présence dans ces provinces, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

Le rapporteur

A. PenhoatLe président

G. Quillévéré

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT032762

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03276
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLEVERE
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LAVENANT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-24;22nt03276 ?
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