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24/10/2023 | FRANCE | N°22NT02585

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 22NT02585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Persimo a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant total de 415 079 euros auxquelles elle a été assujettie, par avis de mise en recouvrement du 30 décembre 2016.

Par un jugement n°1710191 du 10 juin 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 août 2022 et 1er juin 2023, la SCI Persimo, représent

e par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Persimo a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant total de 415 079 euros auxquelles elle a été assujettie, par avis de mise en recouvrement du 30 décembre 2016.

Par un jugement n°1710191 du 10 juin 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 août 2022 et 1er juin 2023, la SCI Persimo, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que le montant de l'indemnité d'éviction litigieuse, fixé à 2 370 000 euros, est justifié au regard de la valeur vénale de l'immeuble Berthier fixée à 2 289 000 euros par le rapport Robine du 18 juillet 2011 ;

En ce qui concerne la déductibilité de l'indemnité d'éviction :

- le montant de l'indemnité d'éviction litigieuse, fixé à 2 370 000 euros, est justifié au regard de la valeur vénale de l'immeuble Berthier fixée à 2 289 000 euros par le rapport Robine du 18 juillet 2011, établi à la demande de la SPLA Paris Batignolles comme des préjudices subis par les deux sociétés locataires ;

- les deux sociétés occupantes Seris Security et Securifrance Expansion, bénéficiaires de baux commerciaux, avaient droit à une indemnité d'éviction en vertu des articles L. 145-14 et suivants du code de commerce ;

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les pénalités étaient suffisamment motivées ;

- le service n'apporte pas la preuve du manquement délibéré dès lors qu'en fixant le montant de l'indemnité d'éviction, la SCI Persimo n'a fait que se conformer à ses obligations légales de bailleur et s'est comporté en propriétaire prudent et avisé.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2023 et un mémoire enregistré le 22 juin 2023, non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Marchand, représentant la SCI Persimo.

Une note en délibéré, présentée pour la SCI Persimo, a été enregistrée le 5 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle sur place ayant porté sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'administration fiscale a remis en cause, pour l'établissement du bénéfice net de la SCI Persimo, propriétaire d'un immeuble à usage de bureaux sis 13 boulevard Berthier à Paris (18e) qu'elle a cédé le 27 septembre 2012 à la SPLA Paris Batignolles, la déduction des indemnités d'éviction, d'un montant global de 2 370 000 euros, versées en 2011 et 2012 par cette société à ses locataires, les sociétés Seris Security et Securifrance Expansion. La SCI Persimo a en conséquence été assujettie, après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en date du 9 juin 2016 -selon lequel l'indemnité litigieuse est justifiée à hauteur de 1 500 000 euros- auquel le service s'est rangé, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant total en droits et pénalités de 415 079 euros par avis de mise en recouvrement du 30 décembre 2016. La SCI Persimo relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Si la société requérante a soutenu en première instance que le montant de l'indemnité d'éviction litigieuse, fixé à 2 370 000 euros, était justifié au regard de la valeur vénale de l'immeuble Berthier fixée à 2 289 000 euros par le rapport Robine du 18 juillet 2011, le tribunal a répondu à cette branche du moyen tiré de ce que cette indemnité était fiscalement déductible en considérant que cette circonstance était indifférente au regard des modalités de détermination de l'indemnité d'éviction définies à l'article L. 145-14 du code de commerce. Par suite, les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision, n'ont pas omis de répondre à un moyen.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. D'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...). ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 145-9 du code de commerce, relatif aux baux commerciaux : " (...) les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. / A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. (...) / Le congé (...) doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. ". Aux termes de l'article L. 145-14 du même code : " Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit (...) payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. / Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. ".

6. Il résulte de l'instruction que la SCI Persimo a signé le 11 juillet 2012 avec la SPLA Paris Batignolles un protocole d'accord en vue de la cession de l'immeuble à usage de bureaux sis 13 boulevard Berthier à Paris (18e) dont elle était propriétaire et par lequel elle s'engageait à prendre toutes les dispositions pour le libérer de ses occupants, les sociétés Seris Security et Securifrance Expansion, titulaires de baux commerciaux, et faire son affaire personnelle de leur indemnisation en raison de résiliation anticipée des baux en cours à laquelle la SPLA consentait à participer à hauteur de la somme globale et forfaitaire de 1 500 000 euros. L'immeuble à usage de bureaux propriété de la SCI Persimo a effectivement été cédé le 27 septembre 2012 à la SPLA Paris Batignolles en vue de sa destruction pour un montant de 3 500 000 €, auquel s'est ajoutée une indemnité d'éviction d'un montant global de 1 500 000 €. En contrepartie du départ, à la date du 31 mars 2012, des deux sociétés locataires, la SCI Persimo leur a versé, au titre d'indemnités d'éviction et conformément à des protocoles d'accord signés le 6 juillet 2012, la somme de 2 300 000 euros à la SAS Seris Security et 70 000 € à la SARL Securifrance Expansion. Elle soutient que ces indemnités étaient déductibles de ses bénéfices dès lors que les deux sociétés occupantes Seris Security et Securifrance Expansion, bénéficiaires de baux commerciaux, avaient droit à une indemnité d'éviction en vertu des articles L. 145-14 et suivants du code de commerce. Toutefois, quelle que soit la nature des pertes et des frais dont les sociétés locataires de l'immeuble ont été ainsi indemnisées, le versement de ces indemnités globales d'éviction par la SCI Persimo qui ont procuré à celle-ci en permettant la libération de l'immeuble en vue de la vente, un accroissement de la valeur de cet élément d'actif immobilisé doit être regardée comme un élément du prix de revient de cet immeuble et ne constitue dès lors pas une charge déductible des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés. Il suit de là que ces indemnités ne sont pas au nombre des charges dont la déduction est admise par les articles 38 et 39 du code général des impôts applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de les admettre en déduction en ce qu'elles excèdent le montant retenu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dispose que : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

8. D'une part, la proposition de rectification du 12 septembre 2014, qui cite les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, comporte le fondement légal des majorations appliquées aux rehaussements prononcés à raison de la remise en cause de la déductibilité des indemnités d'éviction versées à la SAS Seris Security et à la SARL Securifrance Expansion. Par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'application de cette majoration est suffisamment motivée.

9. D'autre part, en relevant que la société que la SCI Persimo a versé une indemnité d'éviction d'un montant total de 2 370 000 euros à ses locataires alors qu'elle n'a obtenu de l'acquéreur de l'immeuble que le versement de la somme de 1 500 000 euros destinée à couvrir cette dépense, et qu'il existe une communauté d'intérêts entre la contribuable et ses deux locataires, dirigées par la même personne, laquelle a mené pour toutes les parties les négociations en vue de la fixation de l'indemnité litigieuse. En faisant état de ces éléments non sérieusement contestés, l'administration fiscale établit la volonté délibérée de la SCI Persimo d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de la pénalité litigieuse.

10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Persimo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Persimo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Persimo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

Le rapporteur

A. Penhoat

Le président

G. Quillévéré

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22NT025852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02585
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLEVERE
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET FIDAL (NANTES)

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-24;22nt02585 ?
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