Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme F... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel la maire de la commune de Rennes a délivré à M. E... un permis de construire pour une maison d'habitation, sur les parcelles cadastrées section BN n°s 651 et 652, situées 58 ter rue de la Palestine.
Par un jugement n° 2001358 du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis de construire du 12 décembre 2019 de la maire de Rennes en tant qu'il méconnaît l'article 7.2 du règlement applicable à toutes les zones du plan local d'urbanisme de Rennes et a rejeté le surplus de leur demande tendant à l'annulation dans son intégralité de l'arrêté contesté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2021 et 23 février 2023, M. D... A... et Mme F... A..., représentés par Me Lebey, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande tendant à l'annulation dans son intégralité du permis de construire du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du 12 décembre 2019 du maire de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rennes le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'abus de droit et de l'apparence de la régularité du permis de construire ;
- le permis de construire contesté a été pris en méconnaissance de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme ;
- il est entaché d'une fraude tirée de la création artificielle d'une unité foncière permettant de soustraire le projet autorisé à certaines règles du plan local d'urbanisme ;
- il énonce des prescriptions qui présentent un caractère imprécis et illimité et qui imposent une modification de l'implantation du bâtiment projeté ;
- il ne respecte pas l'article 1 des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes applicables à la zone UD1a ;
- il a été pris en violation de l'article 2.1 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article 7.1 des dispositions générales du plan local d'urbanisme ;
- il ne respecte pas l'article 7.2 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, la commune de Rennes, représentée par Me Donias, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la mise en œuvre des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 janvier et 4 mai 2023 (ce dernier non communiqué), M. B... E... et Mme C... E..., représentés par Me Meillard, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Pasco substituant Me Donias, pour la commune de Rennes et celles de Me Baton substituant Me Meillard, pour les époux E....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 décembre 2019, la maire de Rennes a délivré à M. E... un permis de construire pour une maison d'habitation, sur les parcelles cadastrées section BN n°s 651 et 652, situées 58 ter rue de la Palestine. Par un jugement du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. et Mme A..., le permis de construire du 12 décembre 2019 en tant qu'il méconnaît l'article 7.2 du règlement applicable à toutes les zones du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande tendant à l'annulation dans son intégralité de l'arrêté contesté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les époux A... invoquent une irrégularité du jugement tirée de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu à un moyen tiré de l'abus de droit et de l'apparence de régularité du permis de construire. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le moyen concerné a été visé par les premiers juges, qui l'ont écarté expressément au point 27. Par suite, l'irrégularité invoquée par les époux A... tirée du défaut de réponse à un moyen manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette comprenant une ou plusieurs unités foncières contiguës, doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire Cerfa de demande de permis de construire, que le projet porte sur la construction d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section BN n°s 651 et 652, sur lesquelles sont implantés une maison construite dans les années 50, une piscine autorisée par un arrêté de non-opposition à déclaration préalable en date du 3 janvier 2019 et un garage dont la démolition est autorisée par le permis de construire contesté. Outre que le projet porte sur la construction d'un seul bâtiment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une division en propriété ou en jouissance serait prévue avant l'achèvement des travaux. Notamment la circonstance qu'un huissier de justice ait constaté le 14 février 2020, soit postérieurement à la date de la décision contestée, que les travaux avaient commencé sur la parcelle d'assiette du projet et qu'une clôture avait été implantée entre la maison existante et le chantier n'est pas de nature à démontrer que la propriété a été divisée en jouissance au sens des dispositions précitées. En outre, si les époux E... envisagent de proposer à la location la maison d'habitation existante, une telle location ne constitue pas une davantage une division en jouissance de la propriété foncière au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme est inopérant et doit être écarté.
5. En deuxième lieu le règlement du plan local d'urbanisme de Rennes définit un terrain comme " tout bien foncier d'un seul tenant appartenant à un même propriétaire ". D'une part il est constant que les époux E... sont propriétaires des deux parcelles cadastrées section BN n°s 651 et 652, sur lesquelles sont déjà implantés comme il a été dit diverses constructions, dont un garage dont la démolition est autorisée par le permis de construire contesté, ces deux parcelles formant ainsi un terrain au sens du plan local d'urbanisme. D'autre part, quand bien même les travaux autorisés seront en fait circonscrits à la seule parcelle BN n°652, le formulaire Cerfa de demande de permis de construire impose de mentionner les références cadastrales du terrain d'assiette du projet, lequel est constitué de l'ensemble des parcelles cadastrales d'un seul tenant appartenant à un même propriétaire. Dans ces conditions il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les pétitionnaires auraient artificiellement réuni les parcelles BN 651 et 652 dans le seul objectif de bénéficier de certaines dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes applicables aux terrains d'angle, tels que celui ici en cause, composé de l'addition des parcelles BN n°651 et BN n°652. Le moyen tiré du caractère frauduleux du permis de construire doit dès lors être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / (...) Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ". L'administration ne peut assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions qu'à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, aient pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
7. Le permis de construire du 12 décembre 2019 contesté est assorti de prescriptions, selon lesquelles notamment le bénéficiaire du permis de construire doit se conformer à l'avis de la direction de l'assainissement de Rennes Métropole et à celui de la direction de la voirie de Rennes Métropole, les deux avis étant annexés à l'arrêté contesté. Il ressort des pièces du dossier que la direction de l'assainissement de Rennes Métropole a émis le 13 novembre 2019 un avis favorable au projet, assorti de la prescription suivante : " Afin de respecter l'article 9.2 du titre IV du PLU de Rennes, le projet se situant dans une zone d'infiltration non obligatoire, il devra être mis en place un ouvrage de régulation-rétention minimal de 4,4 m² et équipé d'un débit de fuite de 1 l/s. Le trop-plein est accepté ". En outre, l'avis favorable émis le 5 septembre 2019 par la direction de la voirie de Rennes Métropole énonce : " Le projet s'implante sur les niveaux de voirie actuels. Aucune modification du domaine public ne sera tolérée ". Il ressort des pièces du dossier que ces avis ont été émis au regard du projet de construction présenté par les époux E... dans leur demande de permis de construire et non au regard d'une seule parcelle, et que les prescriptions auxquelles fait référence l'arrêté du 12 décembre 2019 sont précises. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans du dossier de demande de permis de construire, que la construction s'implante en limite de propriété, sans empiètement sur le domaine public et la prescription de la direction de la voirie de Rennes Métropole, laquelle impose de respecter " les niveaux de voirie actuels " et le domaine public, n'implique pas de modifier l'implantation du projet. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme doit être écarté.
8. En quatrième lieu, les dispositions applicables à la zone UD1 du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes prévoient une capacité de construction théorique, fixant relativement au terrain un plafond constructible qu'il convient de répartir en volume et implantation selon les règles définies dans la zone. Le point 1 définit la capacité de construction en zone UD1a comme la surface de plancher maximale constructible sur le terrain, calculée à partir d'une profondeur maximale mesurée à partir de la voie ou de la limite du recul indiquée au règlement graphique et d'une surface utile laquelle se calcule depuis la voie en traçant une ligne et en multipliant par le nombre de niveaux. L'article 1 précise que, dans la zone UD1a, la profondeur utile est de 12 mètres et que le nombre de niveaux est de 3,5. Enfin, il est précisé que, dans le cas d'un terrain d'angle, défini dans le règlement du plan local d'urbanisme de Rennes comme étant un terrain se situant au croisement de voies et emprises publiques, la surface concernée par plusieurs profondeurs utiles de construction n'est comptée qu'une seule fois.
9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe à l'angle de la rue de la Palestine et de la rue Edmond Lailler et constitue dès lors un terrain d'angle au sens du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes. Si les requérants soutiennent que la capacité de construction maximale du terrain d'assiette du projet est de 77,14 m², leur calcul n'inclut toutefois pas la profondeur utile définie par l'article 1 applicable à la zone UD1a et prend en compte uniquement la largeur de la parcelle BN 652, et non la largeur de l'ensemble du terrain d'assiette du projet. Les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes sont suffisamment claires et précises pour permettre le calcul de la capacité de construction du terrain des époux E... et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'addition de la surface de plancher du projet de construction autorisé et de celle de la maison existante excède cette capacité de construction. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 1 applicables à la zone UD1a du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 2.1 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " (...) Voies ayant une emprise inférieure à 6 mètres / Les constructions, exception faite des éléments architecturaux en saillie des façades et toiture et ornements en saillie des façades et toiture respectent les règles d'implantation définies aux dispositions applicables à chaque zone avec un minimum de recul de 3 mètres de l'axe de la voie sauf disposition différente au règlement graphique. / Voies ayant une emprise supérieure ou égale à 6 mètres / Les constructions, exception faite des éléments architecturaux en saillie des façades et toiture et ornements en saillie des façades et toiture respectent les règles d'implantation définies aux dispositions applicables à chaque zone sauf disposition différente au règlement graphique. (...) ". L'article 2.1 précise également que : " (...) Pour les terrains aspectés sur plusieurs voies (terrain d'angle, terrain " ilot ", terrain situé entre deux voies) les règles d'implantation peuvent ne s'appliquer que sur l'une des voies. (...) ". Enfin, l'article 2.1 des dispositions applicables à la zone UD1 énonce que : " (...) Les constructions s'implantent majoritairement à l'alignement par rapport aux voies. (...) ".
11. Comme il a été dit le terrain d'assiette du projet constitue un terrain d'angle au sens du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes. La maison d'habitation existante, sur laquelle aucune modification n'est prévue par le permis de construire contesté, est implantée à l'alignement de la rue de la Palestine, laquelle présente une largeur supérieure à 6 mètres. Par suite, les dispositions invoquées par les requérants relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies ayant une emprise inférieure à 6 mètres ne s'appliquent pas au projet contesté. Le moyen est dès lors inopérant et doit être écarté.
12. En sixième et dernier lieu, les requérants soutiennent que le coefficient de végétalisation déterminé à l'article 7.1 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes. Ces dispositions prévoient toutefois que " Dans le cas d'un terrain d'angle, dans les zones UB1 et UD1, le coefficient de végétalisation indiqué au plan thématique " coefficient de végétalisation " du règlement graphique ne s'applique pas. (...) ". Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le coefficient de végétalisation ne serait pas respecté et le moyen tiré de la violation de l'article 7.1 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de Rennes doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de leur demande, qui tendait à l'annulation dans son intégralité de l'arrêté du 12 décembre 2019 du maire de Rennes.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Rennes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme A... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement à la commune de Rennes d'une somme globale de 750 euros et à M. et Mme E... d'une somme globale de 750 euros au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Rennes la somme globale de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. et Mme A... verseront à M. et Mme E... la somme globale de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et F... A..., à M. et Mme B... et C... E... et à la commune de Rennes.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02201