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20/10/2023 | FRANCE | N°22NT00539

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 octobre 2023, 22NT00539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 19 février 2021 par laquelle l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme B... A..., au titre du regroupement familial.

Par un jugement n°2108001 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 19 février 2021 par laquelle l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme B... A..., au titre du regroupement familial.

Par un jugement n°2108001 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2022, M. A..., représenté par Me Rahmani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 26 mai 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en estimant que l'identité de Mme A... n'était pas établie, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

- c'est aussi à tort que la commission a estimé que le lien matrimonial l'unissant à son épouse n'était pas démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 19 février 2021 par laquelle l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) a refusé de délivrer un visa de long séjour à son épouse, au titre du regroupement familial. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales (...) ". Aux termes de l'article L. 434-2 de ce code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

3. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer le visa de long séjour sollicité au motif que les actes d'état civil présentés par Mme A... étaient dépourvus de caractère probant et qu'ils ne permettaient d'établir ni son identité ni le lien matrimonial allégué.

7. Pour établir l'identité de la demandeuse de visa, M. A... a produit un jugement supplétif d'acte de naissance, rendu le 17 septembre 2019, par le tribunal de première instance de Conakry III Mafanco, mentionnant que Mme B... A... est née le 10 mai 1995 à Conakry, un extrait du registre de l'état civil de la commune de Matam où ce jugement a été transcrit ainsi qu'une copie, délivrée le 24 février 2016, du volet n°1 d'un acte de naissance, établi le 18 mai 1995, par un officier d'état civil de la commune de Matoto. Pour justifier du lien matrimonial allégué, M. A... a produit un acte de mariage n°464, dressé par un officier d'état civil de la commune de Matam, relatant son union avec Mme A..., le 16 mai 2019.

8. En premier lieu, d'une part, la circonstance que le jugement supplétif d'acte de naissance ait été rendu vingt ans après la naissance de Mme A... n'est pas de nature à caractériser son caractère frauduleux, dès lors que l'objet même d'un jugement supplétif d'un acte de naissance est d'intervenir postérieurement à la naissance de la personne à laquelle il se rapporte. D'autre part, si le ministre fait valoir que ce jugement ordonne la transcription de son dispositif dans les registres d'état civil de 1995, alors que l'article 180 du code civil guinéen prévoit que " les registres seront clos et arrêtés par l'officier de l'état civil à la fin de chaque année (...) " et que l' acte transcrivant ce jugement n'est pas conforme à l'article 175 du code civil guinéen en ce que certaines mentions prévues par ces textes seraient manquantes, ces circonstances ne sont pas davantage de nature à établir le caractère frauduleux du jugement. Le caractère inauthentique du jugement ne peut davantage se déduire de la circonstance qu'il n'est pas revêtu de la formule exécutoire prévue à l'article 554 du code de procédure civile guinéenne, à supposer que les dispositions de cet article soient applicables. Le caractère frauduleux du jugement supplétif produit par Mme A... n'étant pas démontré, les mentions qui y figurent établissent son identité. En estimant que Mme A... n'avait pas justifié de son identité, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

9. En second lieu, s'il est vrai que la copie d'extrait d'acte de naissance, délivrée le 24 février 2016 à Mme A..., ne mentionne ni l'année ni les numéros de registre et de feuillet dans lesquels la déclaration de la naissance de l'intéressée a été reçue en 1995, raison pour laquelle, selon M. A..., son épouse a ensuite sollicité un jugement supplétif, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'extrait d'acte de naissance du 24 février 2016 contient les mentions essentielles qui, en vertu de l'article 196 du code civil guinéen, doivent figurer dans l'acte de naissance que les futurs époux doivent présenter, en application de l'article 208 du même code, avant la célébration de leur mariage. Dans ces circonstances, le caractère irrégulier de l'acte de naissance du 24 février 2016 ne saurait suffire à faire regarder comme inauthentique l'acte de mariage n°464, établi le 16 mai 2019 au vu de ce document. Cet acte de mariage permet d'établir le lien matrimonial qui unit M. et Mme A.... En estimant que ce lien n'était pas démontré, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré à Mme A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au requérant de la somme de 1 200 euros au titre de ces frais.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 26 mai 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de prendre les mesures nécessaires pour qu'un visa d'entrée et de long séjour en France soit délivré à Mme B... A... dans les conditions prévues par le présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5: Le présent jugement sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

I. MONTES-DEROUETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00539
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONTES-DEROUET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : RAHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-20;22nt00539 ?
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