Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert aux autorités portugaises.
Par un jugement n° 2305212 du 11 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Blin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes du 11 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, dans le délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas examiné sérieusement et complètement sa situation ;
- l'information prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ne lui a pas été remise en temps utile ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu le §2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son article 17 ;
- il a méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante angolaise, née le 15 mai 1990, est entrée en France le 20 janvier 2023, selon ses déclarations et a sollicité l'asile, le 6 février 2023. Par un arrêté du 22 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités portugaises. Mme A... relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la requérante se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, ce qui traduirait un défaut d'examen sérieux de sa situation, et que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge respectivement aux points 3 à 8 du jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
5. Mme A... soutient qu'elle n'est pas assurée que sa demande d'asile sera traitée sérieusement au Portugal, ni qu'elle pourra y bénéficier de conditions matérielles d'accueil satisfaisantes. Mais les documents qu'elle produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que le Portugal est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés n'établissent pas qu'elle se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. En particulier, si elle établit avoir des problèmes d'anémie, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé ferait obstacle à son transfert au Portugal, ni qu'elle ne pourrait pas être prise en charge médicalement dans ce pays, en tant que de besoin. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers l'Angola, Mme A... ne peut utilement soutenir que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes aurait dû prendre en compte les risques auxquels elle serait exposée dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement doivent être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... C... A..., à Me Blin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01731