Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'article 3 de l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de La Montagne a interdit tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés dès lors qu'il constitue un dépôt de déchet.
Par un jugement n° 2102186 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet article 3 de l'arrêté du 11 janvier 2021 (article 1er) et a rejeté les conclusions présentées par la commune de La Montagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août 2022 et 12 avril 2023, la commune de La Montagne, représentée par Me Gossement, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande présentée par le préfet de la Loire-Atlantique devant le tribunal ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne les deux questions préjudicielles suivantes : 1) " Les substances qui, dans le cadre de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, sont entraînées en dehors des zones traitées constituent-elles des déchets au sens de l'article 3 de la directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ' " 2) " Ne répondant plus à aucun usage défini à l'article 2 du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 et se trouvant hors de la maîtrise de la personne les ayant laissé être entrainés hors de la parcelle ou de la zone traitée, ces déchets peuvent-ils encore être qualifiés de " phytopharmaceutiques ' " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'une incohérence entre les motifs et son dispositif dès lors qu'il ne pouvait annuler l'article 3 de l'arrêté en litige sans se prononcer sur la qualification de déchets ; il est entaché d'omissions à statuer sur le champ d'application de la police des produits phytopharmaceutiques et la qualification juridique de déchet ainsi que sur la légalité de l'arrêté au regard du code de la santé ;
- les produits phytosanitaires déposés hors des parcelles auxquelles ils sont destinés sont des déchets au sens de l'article 3 de la directive cadre 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, dont la définition a été reprise à l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement et n'entrent pas dans la classification des produits phytopharmaceutiques dont ils ont perdu la qualité ;
- le maire de la commune n'a pas porté atteinte à l'exercice de la police spéciale de l'Etat relative à l'usage des produits phytopharmaceutiques ; la police spéciale des produits phytopharmaceutiques ne s'étend pas aux produits déversés, rejetés ou déposés en dehors des zones visées et hors utilisations règlementaires ; par l'article 11 de l'arrêté du 4 mai 2017, le pouvoir règlementaire a entendu soumettre les déchets non visés par cet arrêté à la règlementation relative aux déchets et à la police spéciale des déchets ;
- le maire pouvait exercer ses pouvoirs de police spéciale des déchets en application de l'article L. 541-4 du code de l'environnement, de la police sanitaire en application des articles L. 1311-1 et suivants du code de la santé publique en se fondant sur le règlement sanitaire départemental de Loire-Atlantique et de sa compétence en matière de police générale pour des actes distincts de l'utilisation de produits phytosanitaires en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- la présence de molécules issues de produits phytopharmaceutiques dans un cours d'eau de la commune de La Montagne a été relevée et il appartient au maire d'agir contre cette pollution ; l'arrêté du maire n'a pas d'incidence sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et n'en interdit pas l'usage même en cas de dispersion accidentelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé dès lors qu'il a considéré que la question de la qualification de déchet était sans influence sur le règlement du litige et que le maire de La Montagne s'est immiscé dans l'exercice de la police administrative spéciale des produits phytopharmaceutiques en voulant réglementer les dérives de tels produits ; il n'est pas entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif dès lors que l'arrêté a été annulé au motif que le maire s'était immiscé dans l'exercice de la police administrative spéciale des produits phytopharmaceutiques en voulant réglementer les dérives de tels produits ; le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondu à chacun des arguments soulevés devant eux ; la commune de La Montagne n'a pas soutenu devant les premiers juges que le maire était compétent pour édicter l'arrêté en litige sur le seul fondement des articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé, qu'elle s'est bornée à citer ; en tout état de cause, ce moyen devra être écarté par la voie de l'évocation dès lors que le maire s'est immiscé dans l'exercice de la police administrative spéciale des produits phytopharmaceutiques qui porte tant sur les dérives de ces produits que sur les déchets résultant de leur usage ;
- les autres moyens soulevés par la commune de La Montagne ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
- la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
- la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
- la décision de la Commission n° 2000/532/CE du 3 mai 2000 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 4 mai 2017 modifié relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;
- et les observations de M. A..., maire de la commune de la Montagne et de M. B..., adjoint au maire de cette commune.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de La Montagne relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé l'article 3 de l'arrêté du maire de cette commune du 11 janvier 2021 qui, au visa de plusieurs articles du code général des collectivités territoriales (CGCT) régissant la police administrative générale et d'autres matières, du code de la santé publique, du code de l'environnement et notamment des articles L. 541-1 à L. 541-6, du code rural et de la pêche maritime et notamment ses articles L. 253-7 à L. 253-8, du code civil, du premier alinéa de l'article 2 de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants et du règlement sanitaire départemental de Loire-Atlantique, énonce que " Tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés constitue un dépôt de déchet et est interdit ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il résulte des points 6 et 7 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nantes a suffisamment répondu au moyen selon lequel les résidus de produits phytopharmaceutiques constituent des déchets dès lors qu'il a considéré que ce moyen était sans influence sur le règlement du litige en précisant " à supposer même que les résidus d'épandage de tels produits puissent être qualifiés de déchets " et a jugé que le maire de La Montagne n'est pas compétent pour s'immiscer dans l'exercice d'une police spéciale appartenant à l'Etat. Pour les mêmes motifs, le jugement attaqué n'est entaché ni d'une omission d'examiner ce moyen ni d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif.
3. En second lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la commune de La Montagne en défense, se sont prononcés sur le champ d'application de la police des produits phytopharmaceutiques aux points 2 à 5 du jugement attaqué. Ils ont par ailleurs nécessairement examiné la légalité de l'arrêté au regard des dispositions du code de la santé publique et du règlement sanitaire départemental au point 7 du jugement attaqué en considérant qu'" une réglementation générale relative aux déchets telle que celle édictée par l'arrêté litigieux ne pouvait trouver son fondement que dans le II de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ".
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularités.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de l'exercice des pouvoirs de police, dans les conditions prévues aux articles L. 2212-1 et suivants ". Selon l'article L. 2212-1 du même code : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales précise que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ".
6. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2010-1519 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets, qui a assuré en droit interne la transposition de la directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008, modifié en dernier lieu par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : " I.- Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, à l'exception des prescriptions prévues au I de l'article L. 541-21-2-3, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. / (...) ". Selon l'article L. 541-1-1 du même code : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ; / Prévention : toutes mesures prises avant qu'une substance, une matière ou un produit ne devienne un déchet, lorsque ces mesures concourent à la réduction d'au moins un des items suivants : / - la quantité de déchets générés, y compris par l'intermédiaire du réemploi ou de la prolongation de la durée d'usage des substances, matières ou produits ; - les effets nocifs des déchets produits sur l'environnement et la santé humaine ; - la teneur en substances dangereuses pour l'environnement et la santé humaine dans les substances, matières ou produits ; (...) Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; / Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ; / (...) ".
7. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les conditions dans lesquelles la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants vendus seuls ou en mélange et leur expérimentation sont autorisées, ainsi que les conditions selon lesquelles sont approuvés les substances actives, les coformulants, les phytoprotecteurs et les synergistes contenus dans ces produits, sont définies par le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, et par les dispositions du présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 253-7 du même code : " I.- Sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. Elle en informe sans délai le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. / L'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment : / 1° Sans préjudice des mesures prévues à l'article L. 253-7-1, les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 (...) ". L'article L. 253-7-1 du même code prévoit que : " A l'exclusion des produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l'autorité administrative : / 1° L'utilisation des produits mentionnés à l'article L. 253-1 est interdite dans les cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, des haltes - garderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ; / 2° L'utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 à proximité des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi qu'à proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave est subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, l'autorité administrative détermine une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux. (...) Les conditions d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire ". Par ailleurs, le III de l'article L. 253-8 du même code, entré en vigueur le 1er janvier 2020, dispose : " (...) l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d'application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées avec un produit phytopharmaceutique. / Lorsque de telles mesures ne sont pas mises en place, ou dans l'intérêt de la santé publique, l'autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, restreindre ou interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III. / Un décret précise les conditions d'application du présent III ".
8. Enfin, aux termes de l'article R. 253-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le ministre chargé de l'agriculture est, sauf disposition contraire, l'autorité compétente mentionnée au 1 de l'article 75 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, ainsi que l'autorité administrative mentionnée au chapitre III du titre V du livre II du présent code (partie législative) ". L'article R. 253-45 du même code dispose que : " L'autorité administrative mentionnée à l'article L. 253-7 est le ministre chargé de l'agriculture. / Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l'article L. 253-7 concernent l'utilisation et la détention de produits visés à l'article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation. " L'article D. 253-45-1 du même code prévoit que : " L'autorité administrative mentionnée au premier alinéa de l'article L. 253-7-1 est le ministre chargé de l'agriculture. / L'autorité administrative mentionnée au troisième alinéa du même article est le préfet du département dans lequel a lieu l'utilisation des produits définis à l'article L. 253-1 ". En vertu de l'article D. 253-46-1-5 du même code, entré en vigueur le 1er janvier 2020, lorsque les mesures prévues dans la charte d'engagements des utilisateurs élaborée en application de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime sont adaptées et conformes aux exigences fixées par la réglementation, la charte est approuvée par le préfet de département concerné. Par ailleurs, en vertu de l'article 5 de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253 1 du code rural et de la pêche maritime, " en cas de risque exceptionnel et justifié, l'utilisation des produits peut être restreinte ou interdite par arrêté préfectoral ", ce dernier devant " être soumis dans les plus brefs délais à l'approbation du ministre chargé de l'agriculture ".
9. Il résulte des articles L. 253-1, L. 253-7, L. 253-7-1, L. 253-8, R. 253-1, R. 253-45, D. 253-45-1 et D. 253-46-1-5 du code rural et de la pêche maritime ainsi que de l'article 5 de l'arrêté du 4 mai 2017 que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l'Etat et dont l'objet est, conformément au droit de l'Union européenne, d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l'environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l'état des connaissances scientifiques, incertains. Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'une procédure d'autorisation de mise sur le marché, délivrée par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail s'il est démontré, à l'issue d'une évaluation indépendante, que ces produits n'ont pas d'effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine. Il appartient ensuite au ministre chargé de l'agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la consommation, éclairés par l'avis scientifique de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, de prendre les mesures d'interdiction ou de limitation de l'utilisation de ces produits qui s'avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables. L'autorité préfectorale est également chargée, au niveau local et dans le cadre fixé au niveau national, d'une part, de fixer les distances minimales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables, d'autre part, d'approuver les chartes d'engagements d'utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d'utilisation des produits et, enfin, en cas de risque exceptionnel et justifié, de prendre toute mesure d'interdiction ou de restriction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l'environnement, avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l'agriculture. Dans ces conditions, si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre. Dès lors, le pouvoir de police spéciale des produits phytopharmaceutiques confié aux autorités de l'Etat fait obstacle à l'édiction, par le maire d'une commune, de mesures réglementaires d'interdiction de portée générale de l'utilisation de ces produits.
10. Il n'en demeure pas moins que ce cadre législatif propre à la réglementation des produits phytopharmaceutiques n'exclut pas que le maire fasse usage du pouvoir de police spéciale qu'il tire des dispositions citées au point 6 de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, lesquelles lui permettent d'infliger des sanctions administratives destinées à contraindre le responsable de déchets abandonnés et nuisibles de procéder aux travaux nécessaires à leur élimination. Cependant, les conditions et les limites de mise en œuvre de cette police spéciale doivent nécessairement être appréciées en considération des autres polices, générales ou spéciales, concourant à la réglementation des produits susceptibles d'engendrer des nuisances pour l'environnement.
11. Le maire de la commune de La Montagne, après avoir relevé, dans l'arrêté en litige, que " les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques doivent mettre en œuvre les moyens pour que ces produits ne soient pas entrainés hors des parcelles auxquelles ils sont destinés ", a estimé que " les produits phytopharmaceutiques et les substances qui les composent qui seraient rejetés hors des parcelles auxquelles ils sont destinés sont des produits dont le détendeur s'est défait ", que " ces produits et substances deviennent alors des déchets ne pouvant être réutilisés " et que " la production de déchet et leur rejet dans le domaine public ou dans des propriétés de tiers nuisent à autrui ". Il a alors décidé dans l'article 3 de cet arrêté que " tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés constitue un dépôt de déchet et est interdit ". Ce faisant, compte-tenu de ce qui a été dit aux points précédents, et alors que la commune n'établit pas l'existence de circonstances locales particulières ou l'existence d'un danger grave et imminent justifiant son intervention en se prévalant de la présence de molécules issues de produits phytopharmaceutiques dans un cours d'eau de la commune de La Montagne sans en justifier, l'arrêté du maire a, contrairement à ce qui est soutenu, eu pour conséquence de restreindre l'utilisation des produits phytopharmaceutiques par leurs utilisateurs en interdisant leur rejet hors de la propriété à laquelle ils sont destinés. Le maire n'était ainsi pas compétent au regard de ses pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Il n'était pas davantage compétent au regard de ses pouvoirs de police spéciale des déchets qu'il tient des articles L. 541-4 du code de l'environnement, et au regard de ses pouvoirs de police sanitaire qu'il tient des articles L. 1311-1 et suivants du code de la santé publique, pour édicter une telle mesure qui se rapporte aux conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre.
12. Par ailleurs, il n'est pas besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle dès lors que les questions préjudicielles suggérées par la commune requérante ne sont pas pertinentes pour trancher le présent litige, qui ne porte pas sur la mise en œuvre de dispositions du droit de l'Union européenne mais sur la détermination de la répartition des pouvoirs de police administrative entre autorités nationales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Montagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La Montagne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Montagne et au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
La rapporteure,
L. CHOLLET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02595