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10/10/2023 | FRANCE | N°22NT01501

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 octobre 2023, 22NT01501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1907485 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2022, M. F..., représenté par Me Benichou, demande à la cour :r>
1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de prononcer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1907485 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2022, M. F..., représenté par Me Benichou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L 761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été privé de la garantie tenant à la faculté de saisir le comité de l'abus de droit alors que l'administration a fondé son redressement sur la fictivité de l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur ;

- l'indemnité transactionnelle qui lui a été versée a été justifiée par la présentation du protocole transactionnel qui relate le différend qui l'a opposé à sa direction ; l'administration qui supporte la charge de la preuve n'a avancé aucun élément pour remettre en cause la validité du protocole transactionnel ;

- l'avenant à son contrat de travail justifie le versement de sommes forfaitaires à titre de dommages et intérêts en cas de rupture du contrat de travail, dites " clauses pénales " ;

- dès lors que le bien-fondé des impositions est remis en cause, il doit obtenir la décharge des intérêts de retard ;

- concernant l'indemnité transactionnelle, la majoration de 40 % qui a été appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôts en litige n'est pas justifiée, l'administration n'ayant apporté ni la preuve de l'élément matériel, ni la preuve de l'élément intentionnel ;

- concernant le versement de sommes forfaitaires à titre de dommages et intérêts en cas de rupture du contrat de travail, la majoration de 40 % qui a été appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôts en litige n'est pas justifiée, l'administration n'ayant apporté ni la preuve de l'élément matériel, ni la preuve de l'élément intentionnel.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2022, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- par une décision du 4 novembre 2022, l'administration ayant prononcé le dégrèvement de la majoration pour manquement délibéré dont était assortie la rectification relative à l'indemnité relative à la " clause pénale ", il n'y a plus lieu de statuer sur la contestation de M. F... dans cette mesure ;

- les autres moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Gesrea, qui exerce une activité de conseil pour les affaires et la gestion des entreprises du groupe Noz, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de l'année 2017. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des indemnités versées en 2014 à M. F... à titre d'indemnité transactionnelle et de " clauses pénales " pour des montants respectifs de 41 500 euros et 1 125 euros, après sa démission de la société Gesrea le 15 juillet 2014, au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société. Estimant que ces indemnités étaient constitutives de revenus distribués au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration a notifié à M. F..., le 14 décembre 2017, une proposition de rectification portant sur des rehaussements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour l'année 2014. Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assorties de la majoration pour manquement délibéré et de celle pour manœuvres frauduleuses ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2018 au titre de l'année 2014. La réclamation formée par M. F... le 10 décembre 2018 a fait l'objet le 16 mai 2019 d'une décision d'acceptation partielle par laquelle l'administration fiscale a substitué la majoration pour manquement délibéré de 40 % à celle pour manœuvres frauduleuses de 80 % appliquée au montant de l'impôt correspondant à l'indemnité transactionnelle et procédé au dégrèvement. M. F... a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014. Par un jugement du 18 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande. M. F... fait appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 4 novembre 2022, postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement de la majoration pour manquement délibéré dont était assortie la rectification relative à l'indemnité relative à la " clause pénale ", soit 230 euros au titre de l'impôt sur le revenu et 87 euros au titre des prélèvements sociaux auxquels M. F... a été assujetti au titre de l'année 2014. Les conclusions de la requête de M. F... sont, dans cette mesure devenues, sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. ".

4. Pour justifier les cotisations supplémentaires en litige, l'administration fiscale a estimé que la somme de 41 500 euros perçue par M. F... en exécution d'un protocole transactionnel conclu le 6 octobre 2014 avec la société Gesrea, après la démission de M. F... de cette société le 30 septembre 2014, était dépourvue de contrepartie et constituait donc des revenus distribués dès lors qu'aucun document faisant état d'un litige entre les parties et d'un risque de procédure contentieuse que l'indemnité transactionnelle aurait eu pour but de prévenir n'a été produit. En procédant de la sorte, l'administration n'a pas entendu écarter le protocole transactionnel en raison de son caractère fictif, mais s'est seulement bornée à estimer que les circonstances et les conditions dans lesquelles il avait été conclu ne permettaient pas de justifier le caractère déductible de l'indemnité transactionnelle que la société Gesrea avait comptabilisée dans les charges déduites des résultats de son exercice clos en 2014 et à en tirer les conséquences sur le plan fiscal en qualifiant les sommes reçues par M. F... de revenus occultes sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Cette analyse ne repose donc pas sur la dénonciation implicite d'un abus de droit, pour lequel l'administration aurait été tenue de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration s'est implicitement placée sur ce terrain sans respecter les garanties applicables à cette procédure doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes. ".

En ce qui concerne l'indemnité transactionnelle :

6. Il résulte de l'instruction que la société Gesrea exerce une activité de conseil pour les affaires et la gestion des entreprises du groupe Noz. Le 15 juillet 2014, M. F... a remis sa lettre de démission à la société Gesrea avec demande de sortie des effectifs au 30 septembre 2014, comme sept autres salariés de la même entreprise. A la suite de ces démissions, des transactions ont été signées le 6 octobre 2014 entre la société Gesrea et chaque salarié démissionnaire, dont le requérant. M. F... a ainsi perçu la somme de 41 500 euros à titre d'indemnité transactionnelle. Dès le 1er octobre 2014, la société Aetos a été créée entre M. E..., ancien manager de la société Gesrea, et ses co-associés, dont M. F..., anciens salariés au sein de la société Gesrea. Il n'est pas contesté que la société Aetos est liée à diverses entreprises du groupe Noz, par des contrats de prestations de services. Ainsi, pour son premier exercice clos en 2015, plus de 95 % de son chiffre d'affaires a été réalisé avec des sociétés du groupe Noz. En outre, le bail de sous-location par lequel la société RA Expansion, locataire principal, loue à la société Aetos, sous-locataire, à Saint-Berthevin, une partie d'un bâtiment, stipule que la sous-location commence à courir à compter du 1er octobre 2014 et ces locaux appartiennent à la SCI Berte, laquelle a pour associé et gérant M. A... B..., le fondateur dirigeant du groupe Noz, qui est aussi un des gérants de la société RA Expansion. De plus, lors des démarches entreprises auprès du service des impôts des entreprises de Laval à la suite de la création de la société Aetos, l'adhésion au télé-règlement de la taxe sur la valeur ajoutée, autorisant le service à débiter le compte bancaire de la société Aetos, a été effectuée le 10 décembre 2014 par M. C..., agissant en qualité de secrétaire général de la société Aetos, qui était également gérant de la SARL Baby Berte, co-gérant de la SARL Jurisco, co-gérant non associé de la SARL Eurea Finances, sociétés du groupe Noz, associé dans plus de trente sociétés du groupe et assurant le contrôle des comptes de ce groupe.

7. Par ailleurs, l'administration fait valoir sans être contredite qu'au cours du contrôle de la société Gesrea, le vérificateur a pris connaissance de la lettre de démission de M. F... et a constaté que cette dernière ne comportait aucune réserve, pas de motif et n'indiquait aucune volonté de saisir le conseil des prud'hommes. A cet égard, si le protocole transactionnel stipule que M. F... s'engage à renoncer définitivement à toute instance ou action, aucun document n'a été produit de nature à établir la volonté de celui-ci de saisir, avant la signature de ce protocole, le conseil des prud'hommes afin de requalifier la démission en rupture aux torts exclusifs de la société Gesrea.

8. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 6 et 7 que l'administration établit que la démission de M. F... de la société Gesrea ne procède nullement d'un désaccord entre le requérant et cette société rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, M. F... n'ayant jamais cessé sa collaboration avec le représentant légal de la société Gesrea. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'absence de contrepartie réelle, pour la société Gesrea, au versement à M. F... d'une somme de 41 500 euros. En raison des relations d'intérêts existant entre la société Gesrea et M. F..., l'administration démontre l'existence, compte tenu des conditions dans lesquelles l'indemnité transactionnelle a été versée, d'une intention libérale chez le cédant et le cessionnaire. Ainsi, la somme de 41 500 euros s'analyse comme une libéralité imposable intégralement entre les mains de M. F... en tant que revenu distribué en application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'indemnité au titre de la " clause pénale " :

9. Il résulte de l'instruction que M. F... avait signé avec la société Gesrea un avenant à son contrat de travail fixant par avance le montant global et forfaitaire versé au salarié à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices qui pourrait résulter de l'exécution et/ou de la rupture du contrat de travail. Les sommes déterminées forfaitairement à titre de dommages et intérêts et appelées " clauses pénales " étaient imputables sur les éventuels dommages et intérêts que le salarié aurait pu obtenir à la suite d'une décision d'ordre conventionnel ou judiciaire. Elles donnaient lieu à une indemnité versée par anticipation chaque mois, que les intervenants ont regardée comme déductible des résultats de la société versante et comme non imposable à l'impôt sur le revenu entre les mains des bénéficiaires. A ce titre, M. F... a perçu, en 2014, la somme de 1 125 euros. Toutefois, l'administration établit, en reprenant les constatations effectuées par l'URSSAF, qu'aucun frais supplémentaire ou justificatif afférent à ce type de dépense n'a été invoqué. Par conséquent, le risque pénal encouru par certains des salariés à raison de l'exécution de leur contrat de travail sous les ordres et pour le compte de leur employeur n'est pas démontré et ainsi ces sommes ne sont pas destinées à compenser d'éventuels dommages et intérêts. Dès lors que ces indemnités ne peuvent pas être regardées comme effectivement utilisées conformément à leur objet et qu'en raison des relations d'intérêts existant entre la société Gesrea et M. F..., l'intention libérale chez le cédant et le cessionnaire est présumée, la somme de 1 125 euros s'analyse comme une libéralité imposable intégralement entre les mains de M. F... en tant que revenu distribué en application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.

Sur les intérêts de retard :

10. Le bien-fondé des impositions n'étant pas remis en cause par le présent arrêt, M. F... n'est pas fondé à demander la décharge des intérêts de retard dont ces impositions ont été assorties.

Sur la majoration pour manquement délibéré liée à l'indemnité transactionnelle :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". En vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable, la preuve de la mauvaise foi ou des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration.

12. Pour justifier l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale reprend les éléments mentionnés au point 5 et relatifs aux liens entre la société Gesrea et la société Aetos dont M. F... est associé et en conclut que la démission de M. F... n'est pas consécutive à un désaccord avec sa direction, mais résulte de sa décision, prise de concert avec le gérant de la société Gesrea et les autres co-gérants de la société Aetos, de poursuivre la même activité dans des conditions matérielles identiques mais dans un cadre juridique différent. Le requérant ne pouvait dès lors raisonnablement ignorer que l'indemnité transactionnelle qui lui a été versée constituait une libéralité sans contrepartie. Par les éléments précités, l'administration fiscale établit le caractère délibéré du manquement et par suite le bien-fondé des pénalités infligées à M. F....

13. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence des montants correspondant à la majoration pour manquement délibéré dont était assortie la rectification relative à l'indemnité dite " clause pénale ", soit 230 euros au titre de l'impôt sur le revenu et 87 euros au titre des prélèvements sociaux, auxquels M. F... a été assujetti au titre de l'année 2014.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le rapporteur

S. ViévilleLe président

J-E Geffray

La greffière

H. El Hamiani

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22NT01501 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01501
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BENICHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-10;22nt01501 ?
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