La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2023 | FRANCE | N°22NT00279

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 06 octobre 2023, 22NT00279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions de l'autorité consulaire française à Islamabad (Pakistan) refusant de lui délivrer ainsi qu'à ses enfants mineurs C... B... et F... G... des visas d'entrée et de long séjour, en qualité de membre de famille d'un citoyen non français de l'Union europé

enne.

Par un jugement n° 2105915, 2105916, 215917 du 29 novembre 2021, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions de l'autorité consulaire française à Islamabad (Pakistan) refusant de lui délivrer ainsi qu'à ses enfants mineurs C... B... et F... G... des visas d'entrée et de long séjour, en qualité de membre de famille d'un citoyen non français de l'Union européenne.

Par un jugement n° 2105915, 2105916, 215917 du 29 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 17 mars 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Mme A... épouse D... et aux enfants C... et F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... épouse D... devant le tribunal administratif de Nantes ;

Il soutient que :

- la décision de la commission de recours n'est pas entachée d'une erreur de droit ; le motif tiré de ce que le demandeur est susceptible de devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale peut fonder légalement un refus de délivrance d'un visa de court séjour à un membre de famille de citoyen non français de l'Union européenne ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2022, Mme A... épouse D..., agissant en son nom et celui de ses enfants, les jeunes C... B... et F... G..., représentés par Me Cissé, conclut :

1°) au rejet de la requête du ministre de l'intérieur ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel du ministre est irrecevable ; les visas sollicités ont été délivrés le 4 mai 2022, en sorte que le jugement du 29 novembre 2021 a été pleinement exécuté et que la requête est sans objet ;

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ; M. D... justifie de ressources stables et suffisantes et il est propriétaire de son logement ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse D..., ressortissante pakistanaise, a épousé, le 7 juillet 2018, M. D..., ressortissant luxembourgeois résidant à Mondorff (Moselle). Des demandes de visas d'entrée et de court séjour en qualité de membre de famille de citoyen non français de l'Union européenne ont été présentées pour Mme A... épouse D... ainsi que ses enfants, les jeunes C... B... et F... G..., nés d'une précédente union, respectivement, le 25 janvier 2012 et le 20 avril 2013. Ces demandes ont été rejetées par l'autorité consulaire française à Islamabad (Pakistan), le 24 novembre 2020. Le recours formé contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été expressément rejeté par une décision du 17 mars 2021. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et lui a enjoint de faire délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais recodifié aux articles R. 221-1 et suivant du même code : " Tout ressortissant mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1 muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français, à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. / Tout membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3, ressortissant d'un État tiers, est admis sur le territoire français à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il soit muni, à défaut de titre de séjour délivré par un État membre de l'Union européenne portant la mention "Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " en cours de validité, d'un passeport en cours de validité, d'un visa ou, s'il en est dispensé, d'un document établissant son lien familial. L'autorité consulaire lui délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de son lien familial. Toutes facilités lui sont accordées pour obtenir ce visa ".

3. Aux termes de l'article L. 121-4-1 du même code, désormais recodifié à l'article L. 232-1 : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne, (...) ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l'article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 121-1 du même code, désormais recodifié à l'article L. 233-1 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / (...) 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transposant la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, que les ressortissants d'un pays tiers membres de la famille d'un citoyen non français de l'Union européenne séjournant en France ont droit, lorsqu'ils ne disposent pas d'un titre de séjour délivré par un État membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ", et sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, à la délivrance d'un visa d'entrée en France, aux seules conditions de disposer d'un passeport et de justifier de leur lien familial avec le citoyen de l'Union européenne qu'ils entendent accompagner ou rejoindre en France. Figure au nombre des motifs tenant à l'existence d'une menace pour l'ordre public, l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.

6. En revanche, les dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant seulement applicables au séjour du ressortissant de pays tiers membre de famille d'un citoyen non français de l'Union européenne, le motif tiré de ce qu'il existe un risque que le demandeur de visa devienne une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ne peut légalement fonder une décision de refus de visa d'entrée en France opposée à un tel ressortissant.

7. Dès lors, en refusant le visa sollicité pour Mme A... épouse D... ainsi que pour ses enfants, les jeunes C... B... et F... G..., au motif qu'il existait un risque que les demandeurs de visa deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme A... épouse D..., que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours portant refus de délivrance à Mme A... épouse D... ainsi qu'à ses enfants, les jeunes C... B... et F... G..., des visas d'entrée et de court séjour et lui a enjoint de faire délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... épouse D... de la somme globale de 1 200 euros au titre de ces frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... épouse D... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... A... épouse D....

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00279
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-06;22nt00279 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award