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29/09/2023 | FRANCE | N°23NT01607

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 septembre 2023, 23NT01607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert vers la Pologne et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2301644 du 30 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre

gistrée le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Gourlaouen, demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert vers la Pologne et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2301644 du 30 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Gourlaouen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 mars 2023 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 23 mars 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant son transfert vers la Pologne et son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la décision portant transfert aux autorités polonaises :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- le préfet a méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

sur la décision portant assignation à résidence :

- la décision l'assignant à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant transfert aux autorités polonaises ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Aucun mémoire en défense n'a été produit par le préfet d'Ille-et-Vilaine.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né le 12 novembre 1977 à Grozny (Russie), est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 22 décembre 2022. Le 27 décembre 2022, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Il a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence. M. B... fait appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision de transfert aux autorités polonaises :

2. En premier lieu, l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert en Pologne de M. B... comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

5. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. B... qu'il a bénéficié, avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement n° 604/2013 cité au point 4. La circonstance que l'interprète en langue russe n'ait pas été physiquement présent à ses côtés et soit intervenu par téléphone n'a pas privé M. B..., qui n'allègue aucune erreur de traduction de ses propos, de la garantie que constitue l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que l'intéressé se borne à soutenir que la nécessité de recourir à une assistance par voie téléphonique n'est pas établie. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé et doit être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

8. M. B... soutient qu'en cas de transfert vers la Pologne, il risque d'être éloigné, par ricochet, vers son pays d'origine où il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas établi que les autorités polonaises auraient rejeté sa demande d'asile et surtout, l'intéressé n'établit pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement qui, de surcroît, présenterait un caractère définitif. En outre, le requérant n'établit, par la production de rapports généraux, d'articles de presse et de son témoignage, ni l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Pologne à la date de l'arrêté litigieux, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il ne pourrait y faire valoir tout nouvel élément concernant tant sa situation personnelle que celle qui sévit en Russie. Si M. B... fait valoir qu'il craint d'être retrouvé par des soldats russes et enrôlé de force pour la guerre à son retour en Pologne, il n'apporte ni les précisions suffisantes de nature à étayer ses affirmations ni les éléments nécessaires pour justifier de ce que les autorités polonaises ne seraient pas en capacité, au besoin, de le protéger. Il n'est pas établi qu'il ne pourra pas bénéficier des traitements adaptés à son état de santé en Pologne. En outre, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers la Russie, M. B... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire au §2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

Sur la décision portant assignation à résidence :

9. Il résulte des points 2 à 8 que les moyens tirés de ce que la décision portant assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert et de ce qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01607
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CABINET CAROLE GOURLAOUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-29;23nt01607 ?
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