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29/09/2023 | FRANCE | N°23NT01494

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 septembre 2023, 23NT01494


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2303641 du 4 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2023, M. B..., représenté par Me Prelaud, d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2023 du magistrat désigné par le préside...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2303641 du 4 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2023, M. B..., représenté par Me Prelaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Pologne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il sera exposé à de mauvais traitements en Pologne contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet ;

- et les observations de Me Prelaud, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien né le 30 janvier 1991 à Erywan (Arménie), déclare être entré en France le 12 janvier 2023. Il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique, qui a été enregistrée le 20 janvier 2023. Les recherches conduites par la préfecture dans le fichier Visabio ont fait apparaître que lors du dépôt de sa demande d'asile, M. B... était en possession d'un visa en cours de validité délivré par les autorités polonaises. Ces autorités, saisies le 26 janvier 2023 en application de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ayant donné leur accord explicite le 7 février 2023 à la prise en charge de M. B..., le préfet de Maine-et-Loire a pris le 14 février 2023 un arrêté portant transfert de l'intéressée aux autorités polonaises. M. B... relève appel du jugement du 4 avril 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 14 février 2023 et de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le requérant reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 3, 4 et 6 à 12 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... et des conséquences de son transfert en Pologne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. M. B... fait tout d'abord état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Pologne. Toutefois, aucun élément ne permet de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités polonaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Pologne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Par ailleurs, si M. B... invoque sa situation de vulnérabilité en ce qu'il souffrirait d'un handicap, la production de documents médicaux arméniens de juin 2008 traduits en français, faisant état de troubles persistants résiduels du traumatisme crânien grave suite à un accident de la route en 2001, de troubles de la vision, de douleurs lombaires et d'une surdité neurosensorielle, ainsi que de deux ordonnances du 26 janvier 2023 pour une imagerie médicale pour des coliques néphrétiques et d'une ordonnance pour du paracétamol et du Kétoprofène ne suffisent pas à démontrer que son état de santé le placerait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Il ne ressort pas non plus de l'examen de ces pièces que l'état de santé du requérant serait incompatible à la date de la décision contestée avec son transfert en Pologne. En tout état de cause, il n'est aucunement établi qu'il n'aurait pas accès en Pologne aux traitements éventuellement requis par son état de santé. Le requérant est célibataire, sans enfant à charge et a déclaré n'avoir aucun membre de sa famille en France. Il ne démontre pas davantage qu'il serait exposé au risque de subir en Pologne des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en se bornant à affirmer qu'il y serait isolé et en proie à des discriminations. Au surplus, l'intéressé ne peut utilement invoquer les risques encourus dans son pays d'origine à l'encontre d'une décision de transfert.

7. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de vulnérabilité, le requérant n'est fondée à soutenir ni que la décision de transfert méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Prelaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01494
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : PRELAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-29;23nt01494 ?
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