Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... et Mme E... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Yvi a rejeté leurs demandes reçues le 11 avril 2019, en tant que ces demandes tendaient à ce que le maire mette en œuvre son pouvoir de police de la conservation du domaine public routier s'agissant de l'empiètement d'une construction sur l'alignement de la voie publique au droit d'un terrain situé 30, Ménez Tropic, et à ce qu'il retire un permis de construire qui aurait été obtenu par fraude par M. D... A... B... et Mme F... A... B... et d'enjoindre au maire de Saint-Yvi de faire procéder à la libération et à la remise en état du domaine public routier dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réexaminer leur demande de retrait des autorisations d'urbanisme accordées à M. D... et Mme F... A... B... et de transmettre un procès-verbal d'infraction au procureur de la République.
Par un jugement n° 1904093 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2022, M. et Mme A... B..., représentés par Me Garet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2022 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Yvi a rejeté leurs demandes reçues le 11 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Yvi de faire procéder à la libération et à la remise en état du domaine public routier dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réexaminer leur demande de retrait des autorisations d'urbanisme accordées à M. D... et Mme F... A... B... et de transmettre un procès-verbal d'infraction au procureur de la République ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Yvi la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté d'alignement individuel délivré par le maire le 30 janvier 2007 à l'occasion de l'achat du terrain en cause par M. D... et Mme F... A... B... n'est pas respecté par le carport édifié, en méconnaissance de l'article L. 112-5 du code de la voirie routière ;
- cette illégalité constitue une infraction au sens de l'article R. 116-2 du code de la voirie routière dont le maire devait dresser procès-verbal ;
- le permis de construire n° PC 29272 18 00002 a été obtenu par fraude et devait donc être retiré ;
- une extension du carport a été réalisée sans déclaration ni autorisation et en infraction avec les règles d'urbanisme ;
- les travaux de construction du carport et du muret ont été réalisés en méconnaissance du permis de construire accordé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Saint-Yvi, représentée par Mes Gourvennec et Riou, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A... B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de M. et Mme A... B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Delaunay, substituant Mes Gourvennec et Riou, pour la commune de Saint-Yvi.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint-Yvi, a été enregistrée le 18 septembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 9 avril 2019, reçu le 11 avril 2019 à la mairie de Saint-Yvi, M. C... A... B... a demandé au maire de la commune de Saint-Yvi de constater que le carport construit par M. D... A... B... et Mme F... A... B... sur la parcelle cadastrée section D n° 1962 ne respecte pas l'alignement de cette propriété avec la voie communale, que ce carport n'est pas conforme au permis de construire délivré pour sa réalisation et que des travaux de modification de cette construction ont été entrepris sans autorisation et, en conséquence, de procéder au retrait de ce permis de construire et à l'édiction d'un arrêté interruptif de travaux et de dresser un procès-verbal d'infraction en application de l'ancien article L. 460-1 du code de l'urbanisme. M. C... A... B... et Mme E... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Yvi a rejeté cette demande en tant qu'elle répond aux demandes de poursuivre une infraction à la police de conservation du domaine public routier et de retrait pour fraude du permis de construire. Ils ont demandé au tribunal d'enjoindre au maire de Saint-Yvi de procéder à la libération et à la remise en état du domaine public routier dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réexaminer leur demande de retrait pour fraude du permis de construire et de transmettre un procès-verbal d'infraction au procureur de la République. Par un jugement du 21 mars 2022, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Yvi, le juge administratif, si l'exécution du jugement ou de l'arrêt l'implique, peut enjoindre à un maire de faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie routière.
3. En second lieu, M. et Mme C... A... B... ont intérêt pour agir à l'encontre de la décision litigieuse dès lors notamment qu'ils font état, de manière étayée, de problèmes de sécurité de la voie communale permettant l'accès à leur propriété voisine. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir des requérants doit être écartée.
En ce qui concerne le moyen commun dirigé contre la décision implicite de refus pris par le maire de la commune de Saint-Yvi :
4. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation, que les requérants reprennent en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
En ce qui concerne la légalité du refus de poursuivre une infraction au titre de la police de la conservation du domaine public routier :
5. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. (...) L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine. ". Aux termes de l'article L. 112-5 du même code : " Aucune construction nouvelle ne peut, à quelque hauteur que ce soit, empiéter sur l'alignement. ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de la vente des parcelles cadastrées D 1885 et 1962 à M. D... A... B... et Mme F... A... B..., le maire de la commune de Saint-Yvi a délivré le 30 janvier 2007 un arrêté d'alignement de ces terrains, aux termes duquel " l'alignement est donné aux limites existantes soit à 4,00 mètres de l'axe de la chaussée ". Au vu des plans établis le 11 décembre 2018 par le cabinet de géomètre expert Aménagements et Territoires et joints, par M. D... A... B... et Mme F... A... B..., à leur demande de permis de construire un carport, ce dernier, sur la parcelle cadastrée D 1962, ainsi qu'un muret implanté sur la parcelle cadastrée D 1885, ne respectent pas cet alignement. La commune de Saint-Yvi ne saurait utilement se prévaloir, pour infirmer l'arrêté d'alignement, d'un document d'arpentage établi en mai 1995 par un expert-géomètre, qui définit la largeur de la voie à 6 mètres en tout point dès lors qu'il résulte des termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière que ce document, au surplus plus ancien et constituant une " esquisse " provisoire, ne présente aucune valeur juridique s'agissant de la constatation des limites de la voie publique. En outre, cet empiètement du carport sur le domaine public routier est confirmé par un plan cadastral et une photographie montrant que l'implantation de la construction litigieuse se situe au niveau du fossé et de la dépendance herbeuse voisins qui constituent l'accessoire de la voie publique. La commune de Saint-Yvi n'établit ni même n'allègue qu'elle avait d'autres motifs d'intérêt général pour ne pas agir, alors qu'il ressort des photographies produites que la construction du muret et du carport, dans un virage, sur une voie où circulent des engins agricoles, est de nature à porter atteinte à la sécurité de la circulation. Par conséquent, M. et Mme C... et E... A... B... sont fondés à demander l'annulation de la décision implicite du maire de cette commune refusant de poursuivre une infraction au titre de la police de la conservation du domaine public routier.
En ce qui concerne la légalité du refus de retirer le permis de construire :
7. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen tendant à l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
8. En raison, en particulier, du document d'arpentage établi en mai 1995 par un expert-géomètre mentionné au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme D... A... B... avaient connaissance avec certitude, à la date du permis de construire en cause, de ce que la construction projetée empiétait sur le domaine public. Il n'est donc pas établi qu'ils ont eu l'intention de tromper l'administration pour obtenir une décision indue, alors même qu'ils ont ensuite réalisé une extension du carport sans autorisation. La circonstance que les travaux de construction du carport et du muret ont été réalisés en méconnaissance du permis de construire accordé ne suffit pas à caractériser une fraude. Au demeurant, les requérants n'ont pas contesté, tant devant les premiers juges qu'en appel, la décision implicite du maire en tant qu'elle rejetait leur demande de prendre un arrêté interruptif de travaux et de constater une infraction au code de l'urbanisme. Par conséquent, M. et Mme C... et E... A... B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Saint-Yvi refusant de retirer le permis de construire, devenu définitif, accordé à M. et Mme D... et F... A... B....
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... et E... A... B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande dirigée contre la décision implicite du maire de la commune de Saint-Yvi en tant qu'elle refusait de constater et de poursuivre une infraction au titre de la police de la conservation du domaine public routier.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. L'annulation du refus implicite de constater et de poursuivre l'empiètement sur la voie communale implique nécessairement que soient prises les mesures nécessaires pour mettre fin à cet empiètement, notamment afin d'assurer la commodité du passage sur la voie publique. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Saint-Yvi de prendre l'ensemble de ces mesures, et en particulier, à la suite, le cas échéant, d'une mise en demeure non suivie d'effet adressée aux riverains ayant implanté des éléments immobiliers sur la voie publique, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cette occupation irrégulière, de faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie et ce, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... et E... A... B..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Yvi demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Saint-Yvi la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme C... et E... A... B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904093 du 21 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande formée par M. et Mme C... et E... A... B... d'annulation de la décision implicite du maire de la commune de Saint-Yvi en tant qu'elle refusait de constater et de poursuivre une infraction au titre de la police de la conservation du domaine public routier.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Saint-Yvi de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à l'empiètement sur la voie publique communale au droit des parcelles cadastrées D 1962 et D 1885 et, à cette fin, de mettre en demeure les riverains ayant implanté un carport et un muret sur la voie publique de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cette occupation irrégulière puis, si ces mesures ne sont pas suivies d'effet, de faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Saint-Yvi versera à M. et Mme C... et E... A... B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... et E... A... B... et les conclusions de la commune de Saint-Yvi présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et E... A... B..., à la commune de Saint-Yvi et à M. et Mme D... et F... A... B....
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01512