Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite, née le 7 janvier 2020, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 septembre 2019 de l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone refusant de délivrer aux jeunes D... F... C... et B... A... C... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2103655 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juin 2022 et 17 janvier 2023, Mme E... C... et M. D... F... C..., représentés par Me Mazas, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision née le 7 janvier 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les deux visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il se fonde sur des pièces qui ne leur ont pas été communiqué ;
- le décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le ministre n'a pas mis en œuvre les dispositions de l'article R. 753-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la privant de la possibilité de vérifier les informations transmises par l'OFPRA et dès lors que le ministre s'est rapproché des autorités guinéennes en violation du principe de confidentialité ;
- le décès de son premier conjoint a été reconnu par la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui accordant le statut de réfugié et elle ne peut solliciter l'acte de décès auprès des autorités guinéennes eu égard à son statut ;
- l'état-civil des demandeurs de visa a été regardé comme établi par la Cour nationale du droit d'asile alors qu'elle n'est pas responsable des défaillances de l'état-civil guinéen ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que Mme C... a été constante dans ses déclarations sur sa situation familiale et que l'état-civil de ses enfants est établi par possession d'état.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... C..., ressortissante guinéenne née le 17 mars 1988, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 décembre 2017. Elle a présenté une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès de l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone au profit de ses enfants allégués, M. D... F... C... et Mme B... A... C.... Par une décision du 4 septembre 2019 cette autorité a refusé de délivrer les visas sollicités. Par une décision implicite née le 7 janvier 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 18 octobre 2021, dont Mme C... et M. D... F... C... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".
3. Aux termes de l'article R. 751-3 dans sa rédaction alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès l'enregistrement de la demande par l'autorité diplomatique ou consulaire, le ministre chargé de l'asile sollicite de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la certification de la situation de famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ainsi que de son état civil. / L'office transmet la certification de la situation de famille et de l'état civil dans les meilleurs délais au ministre chargé de l'asile qui en informe l'autorité diplomatique ou consulaire. ".
4. Mme C... soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il mentionne, en réponse à son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a sollicité auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) la communication d'informations concernant sa situation familiale alors que la pièce en attestant ne lui a pas été communiquée, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle. Il ressort cependant des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a communiqué au tribunal administratif de Nantes en annexe à son unique mémoire en défense enregistré le 30 août 2021, dont le conseil G... C... a accusé réception le 2 septembre suivant auprès du greffe du même tribunal, un document communiqué par le bureau des familles de réfugiés, daté du 2 mai 2019, reprenant les déclarations G... C... sur la composition de sa famille. Ce document a été présenté par le ministre comme la preuve de sa saisine de l'OFPRA sur le fondement de l'article R. 753-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et analysé comme tel par les premiers juges. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement repose sur des pièces qui ne lui ont pas été communiquées. En conséquence, ce moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter les demandes de visa présentées pour M. D... F... C..., né le 15 mars 2004, et Mme B... A... C..., née le 10 janvier 2007, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité des demandeurs de visa, et partant, leur lien familial avec Mme C... n'étaient pas établis et sur l'absence d'accord donné par leur père allégué à leur départ, alors que le décès de celui-ci n'était pas établi.
6. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". Et aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine. Les pièces délivrées par l'office ne sont pas soumises à l'enregistrement ni au droit de timbre. ".
7. En premier lieu, Mme C... soutient que la décision est entachée d'un vice de procédure faute d'avoir été précédée d'une demande de certification de composition familiale auprès de l'OFPRA, dans le respect de l'article R. 751-3 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Lorsqu'il est saisi d'une demande de certification de composition familiale sur le fondement de l'article R. 751-3 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFPRA transmet ses éléments de réponse au bureau des familles de réfugiés, rattaché au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui les communique aux autorités chargées de l'instruction de la demande de visa présentée au titre de la réunification familiale. Au cas d'espèce, il n'est pas établi par les pièces au dossier que l'Office aurait été saisi d'une demande de certification de composition familiale concernant Mme C..., ayant la qualité de réfugiée, alors que le document présenté par le ministre en première instance émane du bureau des familles des réfugiés, rattaché à la sous-direction des visas de ce ministère. Cependant, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. Or en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence de certification a été susceptible d'exercer une influence sur la décision de la commission alors que les deux motifs fondant la décision ne tiennent pas à la composition de la famille G... C..., mais d'une part au fait que l'identité des demandeurs de visa n'est pas établie et d'autre part au fait qu'il n'est pas établi que le premier époux de l'intéressée, dont l'existence n'est pas discutée, serait décédé. Pour le même motif, l'absence d'une telle saisine de l'OFPRA n'a pas privé les consorts C... d'une garantie. Par suite, le vice de procédure allégué au regard des dispositions de l'article R. 751-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En deuxième lieu, les consorts C... soutiennent qu'en méconnaissance du principe de confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes qui sollicitent l'asile en France, principe constitutif d'une garantie essentielle du droit constitutionnel et d'une exigence de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, les autorités françaises se sont rapprochées des autorités guinéennes au sujet G... C.... Cependant, si l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone a saisi le ministère guinéen des collectivités territoriales et de la décentralisation d'une demande de copie des actes de naissance des enfants allégués G... Mme C..., cette saisine se borne à solliciter une copie de leurs actes de naissance par unique référence au lieu d'établissement de ces actes et à leurs références de classement, sans notamment mentionner un quelconque patronyme ni le motif de sa demande autrement qu'en indiquant qu'elle cherche à authentifier un acte d'état-civil. Aussi le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confidentialité à l'occasion de l'instruction des demandes de visa présentées par Mme C... doit-il être écarté.
10. En troisième lieu, la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.
11. Par ailleurs, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur prévoit en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
12. Afin d'établir l'identité des deux demandeurs de visa, Mme C... a communiqué deux copies d'acte de naissance établies le 27 mars 2019. Ces documents ne comportent pas les éléments essentiels afin d'établir la filiation alléguée tels que la date de naissance des personnes présentées comme les parents des intéressés. Par ailleurs, ces actes comportent une numérotation incohérente dès lors notamment que pour le jeune B... A... il est mentionné une feuille n° 39 pour un acte présenté sur une seule page qui porterait le n° 140. Aucune explication étayée n'est avancée pour expliquer cette situation. Si Mme C... se prévaut également de la délivrance en 2018 de passeports guinéens aux deux demandeurs de visa, ceci n'est pas de nature à établir leurs identités et leurs filiations respectives. Dans ce contexte, alors même que Mme C... a été constante dans ses déclarations relatives à sa famille depuis sa demande d'asile et que la décision de la CNDA admet qu'elle est mère de deux enfants nés d'une première union, ces éléments ne sont pas suffisants pour contrebalancer les insuffisances et incohérences des actes de naissance produits pour les deux demandeurs de visa, dont l'identité même n'est pas établie. Enfin, aucun élément de possession d'état, autre que le rappel de la constance de ses déclarations, n'est présenté par Mme C... pour établir les liens de filiation allégués. Par suite, Mme C... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est au terme d'une inexacte application des dispositions citées au point 6 que la commission leur a opposé le motif tiré de ce que l'identité des demandeurs de visa, et partant, leur lien familial avec Mme C..., n'étaient pas établis.
13. En quatrième lieu, si Mme C... soutient que le père des deux personnes présentées comme ses enfants est décédé en 2010, aucun élément ne vient corroborer son allégation. Par suite, les consorts C... ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est par une inexacte application des dispositions précitées que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours au motif qu'il n'était pas établi que le père des personnes présentées comme ses enfants était décédé ou déchu de l'autorité parentale et que l'intéressée ne justifiait pas en conséquence avoir la garde de ses enfants.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête G... E... C... et de M. D... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01907