La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2023 | FRANCE | N°23NT01132

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 23NT01132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Italie.

Par un jugement n° 2302977 du 28 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2023, M. A..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du

28 mars 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Italie.

Par un jugement n° 2302977 du 28 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2023, M. A..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Italie ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé, dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas démontré que le jugement attaqué comporte les signatures prévues à l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;

- il n'est pas établi que le jugement attaqué a été rendu par un magistrat régulièrement désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- en méconnaissance du 2 de l'article 10 du règlement (CE) n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, les autorités italiennes n'ont pas répondu à la demande de confirmation de responsabilité qui leur a été adressée le 24 janvier 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1992, a sollicité l'asile, le 18 octobre 2022. Par un arrêté du 1er février 2023, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités italiennes. M. A... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience. ".

3. Il ressort du dossier de procédure que la minute du jugement attaqué a été signée, conformément aux dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative, par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes et par le greffier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 572-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision de transfert est notifiée sans assignation à résidence ou placement en rétention de l'étranger, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision.

(...) ". Aux termes de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, applicable dans le cas d'espèce d'une décision de transfert en l'absence de placement en rétention ou d'assignation à résidence, en vertu de l'article R. 777-3-6 du même code : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet (...) ".

5. Il ressort du dossier de procédure que, par une décision du 1er février 2023, le président du tribunal administratif de Nantes a désigné Mme Le Lay, première conseillère, pour statuer sur les litiges visés à l'article L. 572-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont font partie ceux relatifs aux décisions de transfert en l'absence de placement en rétention ou d'assignation à résidence, comme en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes doit être écarté, quand bien même elle a visé, par erreur les articles L. 572-6 et L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu de l'article L. 572-5 du même code.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343-2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) no 343/ 2003, selon le cas, l'État membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'État membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. / 2. Lorsqu'il en est prié par l'État membre requérant, l'État membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse. L'État membre responsable est tenu de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires pour déterminer le lieu d'arrivée du demandeur et, le cas échéant, convenir avec l'État membre requérant de l'heure d'arrivée et des modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes ".

7. La méconnaissance de l'obligation instituée par le 2 de cet article, qui incombe à l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, en l'espèce les autorités italiennes, est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert dès lors que cet Etat membre doit être regardé, en vertu du 1 du même article, comme ayant implicitement accepté la demande formulée par les autorités françaises. Le moyen tiré de la violation du 2 de l'article 10 du règlement du 2 septembre 2003 doit dès lors être écarté comme inopérant.

8. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

9. M. A... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités italiennes en soutenant que sa demande d'asile risquerait de ne pas être traitée et qu'il sera exposé dans ce pays à des mauvais traitements et une exploitation par la mafia. Toutefois, les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, M. A... ne peut pertinemment invoquer la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 23 septembre 2022 en Italie, à la suite de son précédent transfert dans ce pays le 22 septembre 2022, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que cette mesure était due à son propre refus de présenter sa demande d'asile en Italie, en dépit de la compétence de ce pays pour l'examiner, et non à la défaillance des autorités italiennes pour l'instruction de ladite demande. En outre, si M. A... renvoie à divers rapports et articles publiés sur Internet, cela ne permet pas d'en inférer que son renvoi vers l'Italie en exécution d'une décision de transfert pour le traitement de sa demande d'asile dans ce pays, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'il soit exposé à un défaut d'instruction de sa demande d'asile et à des traitements indignes en violation des règles du droit européen de l'asile. Les autres éléments présentés n'établissent pas qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers le Soudan, M. A... ne peut utilement soutenir que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction, sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Philippon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01132
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;23nt01132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award