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15/09/2023 | FRANCE | N°23NT00358

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 23NT00358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202467 du 12 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février et 7 juillet 2023, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202467 du 12 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février et 7 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Lerévérend, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 12 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte et à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) si la cour l'estime nécessaire, de surseoir à statuer ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au profit de son avocate, Me Le Révérend, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

sur l'obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision méconnait les articles L. 611-1 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- son droit à un recours effectif a été méconnu ;

sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- son droit à un recours effectif a été méconnu ;

sur l'interdiction de retour en France pendant un an :

- cette décision méconnait l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2023 et un mémoire enregistré le 11 juillet 2023 qui n'a pas été communiqué, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance et au jugement attaqué.

Par une décision du 6 janvier 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la décision QPC n° 2019-826 QPC du 7 février 2020 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant ivoirien, déclare être entré en France le 28 juillet 2018. La demande d'asile qu'il a présenté a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 7 juillet 2022. Le préfet du Calvados lui a fait obligation de quitter le territoire, avec fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an par un arrêté du 5 octobre 2022. Par un jugement du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande d'annulation de M. B... dirigée contre cet arrêté. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur le moyen commun dirigé contre l'arrêté contesté :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé, que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. (...) ". Il est constant que la demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " fondée sur les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été déposée par M. B... au-delà du délai mentionné à l'article D. 431-7 de ce code. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de fait ni entacher sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé que le préfet a indiqué, dans l'arrêté contesté, que M. B... n'avait pas présenté de demande de titre de séjour.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 352 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits en litige : " Le placement en vue de l'adoption met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance. (...) ".

5. M. B... soutient qu'il est entré en France le 28 juillet 2018, soit depuis quatre ans à la date de la décision contestée. Il ressort des pièces du dossier qu'il est le père d'un enfant français né sous le secret, le 10 octobre 2021, ce qu'il n'a appris qu'en mars 2022. Il n'a reconnu cet enfant que le 11 avril 2022, alors que cet enfant a été placé en vue d'une adoption à compter du 25 février 2022. Dès lors, en application de l'article 352 du code civil, ce placement fait échec à sa reconnaissance de paternité postérieure. En tout état de cause, il n'établit pas un lien réel avec l'enfant ni contribuer à son entretien en produisant un virement bancaire unique et d'un faible montant sur un compte qu'il a ouvert au nom de l'enfant. Si le requérant se prévaut de la circonstance qu'il a contesté, devant le juge judiciaire, l'arrêté d'admission de cet enfant en qualité de pupille de l'Etat, il a été débouté de sa demande par un jugement du tribunal judiciaire de Caen du 3 février 2023. En outre, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC n° 2019-826 QPC du 7 février 2020, la reconnaissance d'un enfant pourrait faire obstacle à la conduite de sa procédure d'adoption. En interdisant qu'une telle reconnaissance intervienne postérieurement à son placement en vue de son adoption, le législateur a entendu garantir à l'enfant, déjà remis aux futurs adoptants, un environnement familial stable. M. B... est célibataire et sans emploi. Sa mère et ses sœurs résident dans son pays d'origine. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen particulier de sa situation, de ce qu'elle méconnait les articles L. 611-1 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, doivent être écartés.

6. En troisième et dernier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de ce que le droit de M. B... à un recours effectif a été méconnu, que l'intéressé reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

Sur la décision fixant un délai de départ volontaire :

7. Il résulte des points 2 à 6 que le moyen tiré de ce que la décision octroyant un délai de départ doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, il résulte des points 2 à 6 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.

10. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision méconnait son droit à un recours effectif doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 6.

Sur l'interdiction de retour en France pendant un an :

11. Les moyens tirés de ce que cette décision méconnait l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00358
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LEREVEREND

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;23nt00358 ?
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