Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201441 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier et 7 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Hourmant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 7 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 du préfet de la Manche ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au profit de son avocate Me Hourmant, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile dès lors que le rapport médical rendu est lacunaire ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par une décision du 16 décembre 2022, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante géorgienne et mère d'un enfant mineur handicapé, a sollicité le 6 mars 2020 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant malade, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 septembre 2021, dont elle a demandé l'annulation au tribunal administratif de Caen, le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 7 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation. Mme B... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
3. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile au motif que le rapport médical rendu serait lacunaire, que Mme B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
4. En deuxième lieu, par un avis du 17 juillet 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'enfant de Mme B... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que le fils de la requérante, né le 4 juillet 2005, est atteint d'infirmité motrice cérébrale avec tétraparésie et retard psychomoteur marqué, et d'épilepsie dus à une asphyxie périnatale. Depuis son arrivée en France en mars 2019, il a subi une chirurgie tendineuse et osseuse des membres inférieurs au centre hospitalier universitaire de Caen à quatre reprises et peut désormais se chausser avec des chaussures ordinaires. Il bénéficie de prises en charge sur quatre jours par semaine au centre de soins de suite et réadaptation pédiatrique " Le Manoir d'Aprigny " à Bayeux avec de la kinésithérapie, de l'ergothérapie, de la psychomotricité et des soins infirmiers. L'enfant se voit prescrire du Carbamazepine (Tégrétol), anticonvulsivant, thymorégulateur et antimaniaque. La requérante soutient que la disponibilité de ce médicament n'est pas effective dans l'ensemble des pharmacies du territoire géorgien et que son coût est prohibitif pour un ménage moyen. Cependant, en produisant un rapport général de l'organisation Suisse de l'aide aux réfugiés du 30 juin 2020 et en faisant valoir qu'elle a trois enfants, elle n'établit pas ne pas pouvoir s'en procurer, alors que ce rapport relève la prise en charge financière des patients jugés socialement vulnérables atteints d'épilepsie. Si Mme B... produit une attestation du ministre de la santé géorgien selon laquelle le médicament Fycompa 4 mg n'est pas commercialisé en Géorgie, ce document ne précise nullement que le médicament Tégrétol, prescrit à la date de l'arrêté contesté, ou des médicaments équivalents ne seraient pas effectivement commercialisés dans ce pays. De même, si par une seconde attestation, le ministre de la santé géorgien indique que " les mesures de réadaptation prises dans notre pays n'ont pas suffi à améliorer l'état de santé de Luka. (...) nous n'avons pas de clinique ou de centre de rééducation qui a une expérience de pratique réussie et où les principes de traitement utilisés par le patient en France seraient appliqués. (...) ", la circonstance que la Géorgie ne dispose pas des infrastructures et d'un système de santé équivalents à ceux de la France ne suffit pas à établir que le jeune garçon ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il en est de même de la circonstance que le rapport de l'organisation Suisse de l'aide aux réfugiés du 30 juin 2020 admet que des séances de physiothérapie sont couvertes par un programme d'Etat pour les enfants mais qu'elles ne sont permises qu'à hauteur de 80 séances maximum par année. Ainsi, les éléments produits par la requérante ne suffisent pas à remettre en cause l'avis médical du collège des médecins quant à la possibilité d'une prise en charge adaptée dans le pays d'origine. Enfin, si l'enfant n'a pas été scolarisé dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que cela serait impossible. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.
7. En second lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.
La rapporteure
P. Picquet
Le président
L. LainéLe greffier
C. Wolf
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT00113